Un panel préconise que les soldats de Tsahal cessent de servir comme gêoliers
Suite à l'enquête sur le rôle des soldats dans le scandale de "proxénétisme", la commission estime que les "prisonniers sécuritaires" devraient être gardés par des professionnels
Une commission chargée d’examiner le placement de soldats israéliens comme gardiens de détenus terroristes au sein de l’administration pénitentiaire israélienne (IPS) a recommandé que cet arrangement soit abandonné progressivement au profit de gardiens professionnels, a déclaré jeudi le ministère de la Défense.
Le processus graduel ne débutera toutefois pas avant 2026, selon les recommandations.
Le rapport de la commission a été présenté au ministre de la Défense, Benny Gantz, et au ministre de la Sécurité intérieure, Omer Barlev, qui avaient désigné en août l’équipe d’enquête, composée de hauts responsables de l’armée israélienne, du ministère de la Défense, du ministère de la Sécurité intérieure et de l’administration pénitentiaire, ainsi que d’un ancien conseiller militaire pour les droits des femmes. L’équipe était dirigée par Itamar Graf, directeur adjoint et chef de la division de la planification au ministère de la Défense.
Le groupe était chargé de passer en revue un arrangement en cours depuis des années et qui permet à l’IPS de recruter des conscrits militaires comme gardiens.
Récemment, des allégations explosives ont été faites par des anciennes soldates faisant état d’agressions sexuelles et de viols commis par des détenus terroristes palestiniens, appelés en Israël « prisonniers sécuritaires », avec la complicité de commandants de prison. Six femmes au moins se seraient manifestées cette année pour dénoncer le fait que les soldates étaient régulièrement « prostituées » pour être abusées par des prisonniers sécuritaires à la prison de Gilboa, un établissement pénitentiaire de haute sécurité.
Ces allégations ont engendré une enquête sur la gestion du problème par l’IPS et le ministre de la Défense Benny Gantz a ordonné que soir réévalué de l’accord entre Tsahal et l’administration pénitentiaire. L’accord a été établi en 2005, lorsque la responsabilité du fonctionnement des prisons où étaient détenus des prisonniers sécuritaires, a été transférée de Tsahal à l’IPS, selon le rapport.
Le plan prévoyait qu’un certain nombre de soldats effectuent leur service militaire obligatoire dans les prisons et avait été approuvé initialement pour une période de trois ans, avec reconduction automatique depuis.
La commission « n’a pas abordé les événements passés… mais a examiné la situation actuelle », et a déclaré que l’IPS avait « considérablement amélioré » les conditions des soldats masculins et féminins « en mettant l’accent sur la prévention du harcèlement sexuel ».
L’équipe a néanmoins recommandé dans son rapport que « la tâche de garder les prisonniers sécuritaires incarcérés soit confiée à une équipe de gardiens professionnels » – comme pour les prisonniers criminels.
« La situation actuelle selon laquelle l’IPS dépend de Tsahal pour recruter son personnel externe [pour son travail] n’est pas idéale », ont écrit les membres du panel.
Ils ont noté avoir constaté lors de leur enquête, qui comprenait des entretiens avec des militaires hommes et femmes ayant servi au sein de l’IPS, que les soldats ressentaient « un profond sentiment d’appartenance à Tsahal » et « le sentiment d’accomplir une tâche nationale importante pour la sécurité du pays ».
Le panel a déclaré que, bien qu’il soit impossible d’annuler l’accord existant « d’un seul coup », il devrait être supprimé progressivement à partir de 2026.
« L’équipe recommande de prolonger d’au moins trois ans l’accord existant, qui prend fin le 15 février 2023, peu après la formation du nouveau gouvernement », ont-ils écrit.
Les membres de la commission ont en outre demandé que Tsahal et le ministère de la Défense de procéder à une révision « urgente » de la liste des postes attribués aux soldats dans les prisons.
Le panel a recommandé que les soldats ne soient utilisés que pour surveiller et escorter les prisonniers, comme le prévoit le règlement régissant leur service dans les prisons. Les soldats devraient également être transférés hors des zones où sont détenus les prisonniers sécuritaires dans les prisons ordinaires, où le personnel militaire est moins présent, pour être déployés dans les prisons de haute sécurité qui comptent plus de soldats sur place.
La commission a demandé à l’IPS de veiller à ce qu’il n’y ait pas de situation dans laquelle un gardien de prison, homme ou femme, soit laissé seul ou sans surveillance avec des prisonniers de sécurité.
« Des mesures doivent également être prises pour réduire les interactions durant lesquelles un contact direct est établi entre le geôlier et le prisonnier sécuritaire », indique le rapport, ajoutant que Tsahal doit également examiner ses procédures de sélection.
Bien que certaines tâches, comme la fouille physique des prisonniers/visiteurs, requièrent des considérations de genre, « il n’y a aucune raison ou justification de faire une distinction entre les sexes » au-delà de cela, selon le rapport.
Les ministres de la Défense et de la Sécurité intérieure ont ordonné que des mesures soient prises pour mettre en œuvre les recommandations, mais ont noté que la législation nécessaire pour prolonger la pratique impliquant le recrutement de soldats comme gardiens de prison devra être examinée par le nouveau ministre de la Défense.
Des rapports faisant état de harcèlement et d’agressions sexuelles dont seraient victimes les soldates et les gardiennes dans les prisons israéliennes ont fait surface il y a plusieurs années, mais avaient été en grande partie abandonnés jusqu’à l’année dernière, lorsqu’une enquête a été rouverte à la suite de nouvelles allégations.
Gantz, en sa qualité de ministre de la Défense, supervise la conscription obligatoire des soldats israéliens, et Barlev supervise l’administration pénitentiaire.
En août, une ancienne soldate, connue sous le pseudonyme de Hila, a fait des révélations qui ont eu l’effet d’une bombe affirmant avoir été violée et agressée sexuellement à plusieurs reprises par un prisonnier s’sécuritaire palestinien alors qu’elle servait à la prison de Gilboa.
L’ancien chef de la prison de Gilboa, Freddy Ben Shitrit, qui n’était pas encore en poste au moment des faits, a déclaré que les soldates qui servaient de gardiennes à la prison avaient été forcées à servir d’appât visuel, voire pire, à certains détenus, afin de prévenir les débordements.
Ben Shitrit a fait ces déclarations de lors de son témoignage devant une commission d’enquête sur l’évasion de la prison en septembre 2021 de terroristes palestiniens condamnés, révélant une série de lacunes dans les opérations de la prison et suscitant des critiques sévères de l’IPS. Ben Shitrit a été licencié suite à l’évasion de prison.