Un père envoie son fils à l’armée – et invente un nouveau rituel
Les immigrants américains Scott et Jennifer Tobin ont médité au jour de conscription de leur fils, et ont rejoint Tzohar pour créer une nouvelle prière, interprétée par Kobi Oz
Jessica Steinberg est responsable notre rubrique « Culture & Art de vivre »
Dans la vie des parents israéliens, il n’y a pas de moment comparable au jour où un fils ou une fille est enrôlé dans l’armée pour le service national obligatoire, qui dure de deux à trois ans.
Alors que les nouvelles recrues rentrent généralement à la maison pour leur premier week-end – sauf pendant l’actuelle pandémie, où ils peuvent attendre deux ou trois semaines avant leur première permission – c’est un tournant important dans la vie d’une famille, où les parents font le bilan sur leur enfant de 18 ans et les regardent partir, avec un sentiment aigre-doux de fierté, d’inquiétude et de nostalgie.
Ce fut un moment clef pour Scott Tobin, un immigrant américain dont le deuxième des cinq fils vient d’entrer à l’armée en mars, qui l’a amené à réfléchir plus profondément à l’ensemble des familles israéliennes qui envoient leurs enfants à l’armée, et à la façon dont ils marquent ce moment charnière.
« Vous voyez la nation entière là-bas, et vous avez la chance de voir le visage de chaque parent », a déclaré Tobin. « C’est un mélange de fierté et de peur, et c’est ce que vivent tous les parents lorsque leur enfant entre à l’armée. »
Tobin s’est tourné vers son ami, le rabbin David Stav, président de Tzohar, l’organisation israélienne qui s’efforce de fournir des services rituels juifs aux juifs laïcs, et les deux ont fini par concevoir une prière composée et chantée par Kobi Oz, chanteur principal du groupe Teapacks.

« Ce qui est remarquable, c’est le fait que nous ayons dû attendre 70 ans pour que des gens, venus d’ailleurs, nous éclairent et nous montrent ce que nous sommes vraiment », a déclaré Stav. « On ne pouvait pas décrire une expérience plus israélienne que celle des parents escortant leur enfant à l’armée, et nous n’avions aucun moyen de l’exprimer. »
La nouvelle prière met l’accent sur le service public pour l’État d’Israël, et prie pour la sécurité des soldats. La prière a été traduite de l’hébreu en plusieurs langues, dont l’amharique, l’arabe, le français, l’espagnol, le russe et l’anglais.
Il a fallu plusieurs mois pour composer et réviser la prière, car plusieurs rabbins Tzohar et un éventail de dirigeants communautaires l’ont examinée pour s’assurer qu’elle était à même de s’adresser à un large éventail de groupes culturels et religieux.
Tobin souhaitait qu’elle soit prête pour l’une des journées principales de conscription de Tsahal qui a lieu au début du mois d’août. Depuis lors, il a reçu un raz-de-marée de soutien, notamment un mot de remerciement public du président Reuven Rivlin.
Pour Oz, ce fut un privilège de participer à la composition de la musique de la prière, a déclaré le chanteur lors d’une conférence de presse de présentation de sa composition.
« J’avais deux minutes et demie pour tout intégrer, et je ne voulais pas que ce soit trop simple parce que tant de générations la chanteront », a déclaré Oz. « Il fallait que je trouve l’âme du texte. C’est un moment festif, mais aussi effrayant et intime. C’est comme une deuxième bar-mitsva, à bien des égards. »

Pour les jours de conscription de leurs deux fils aînés, Tobin et sa femme Jennifer Tobin les avaient bénis avec la prière juive traditionnelle pour les enfants du vendredi soir. Leur deuxième fils, Coby, a été appelé en mars, sur un quelconque parking du sud d’Israël.
Ce faisant, Tobin a réalisé que cette bénédiction ne convenait pas nécessairement à toutes les familles qui envoient un enfant à l’armée.
Il a regardé autour de lui ce parking où se tenaient des familles de tous bords : laïques, religieuses, druzes, bédouines. Il y avait là des gens venus en Israël de différents pays, a raconté Tobin, « et vous réalisez que c’est vraiment une expérience nationale, et presque un événement du cycle de vie. Tous ceux qui envoient leurs enfants à l’armée en font l’expérience ensemble. »
« C’est ce moment gênant où vous vous demandez quoi dire », a affirmé Tobin. Il se demandait pourquoi il n’avait jamais rencontré dans son passé une prière conçue pour une telle occasion. « Nous vivons dans un État moderne, et on nous apprend toujours que la religion est adaptable aux temps modernes, mais voici cet événement [national] très moderne que tout le monde traverse, mais il n’y a rien pour l’accompagner. »
Ça devait être une prière qui englobe toutes les communautés en Israël qui servent dans l’armée, a déclaré Tobin, dont le fils aîné – commandant d’une unité de combat – a des Druzes. des Chrétiens, ainsi que des Juifs, dans son unité. Il a ressenti que c’était un moment d’union de toute la communauté nationale, et que cette prière devait pouvoir être prononcée dans toutes les langues parlées par tous les soldats israéliens.
Tobin a déclaré que son engagement dans ce projet représentait son intégration la plus complète en tant qu’immigrant, alors qu’il a fait son alyah il y a 12 ans avec sa femme et ses quatre fils, leur cinquième étant né en Israël.
« Lorsque vous arrivez en Israël, il y a certaines choses qui vous échappent », a déclaré Tobin. « Vous n’avez pas servi le pays comme beaucoup de vos voisins l’ont fait, et l’introduction de cette prière est que cela devient une partie intégrante du récit national ; et avec cinq garçons… nous l’avons produite en leur honneur. »
L’armée israélienne n’a pas encore adopté la prière, a admis Stav, mais Tzohar a déjà reçu des mots de remerciement et d’appréciation des dirigeants des communautés druze et éthiopienne.
« Espérons que les gens l’adopteront indépendamment de l’idéologie politique », a déclaré Tobin. « Le fait d’être le parent d’un enfant faisant son service national, ça nous laisse le temps de réfléchir. »