Israël en guerre - Jour 375

Rechercher

Un siècle après, la Turquie bataille contre l’héritage de Sykes-Picot

"Chaque conflit dans la région a été conçu il y a un siècle", déclarait en 2014 Erdogan, toujours opposé à ces accords

Le président turc Recep Tayyip Erdogan lors d'un discours adressé aux mukhtars (dirigeants des gouvernements locaux) au complexe présidentiel d'Ankara, le 16 mars 2016. (Crédit : AFP/Adem Altan)
Le président turc Recep Tayyip Erdogan lors d'un discours adressé aux mukhtars (dirigeants des gouvernements locaux) au complexe présidentiel d'Ankara, le 16 mars 2016. (Crédit : AFP/Adem Altan)

Un siècle après les accords Sykes-Picot, le ressentiment d’Ankara envers ce pacte par lequel Britanniques et Français se sont partagé l’Empire ottoman reste un important moteur de sa politique étrangère sous la présidence de Recep Tayyip Erdogan.

Signés le 16 mai 1916 par les diplomates Sir Mark Sykes et François Georges-Picot alors que la défaite de l’Allemagne et de son allié ottoman se profilait, ces accords ont délimité des sphères de contrôle et d’influence françaises et britanniques qui ont largement façonné les frontières actuelles au Moyen-Orient.

Après la fondation d’une république laïque par Mustafa Kemal en 1923, l’Etat turc a tourné le dos à son passé impérial, qui a vu la Sublime Porte régner à son apogée sur un territoire s’étirant des portes de Vienne au golfe d’Aden, pour bâtir une nation moderne à l’intérieur de ses propres frontières.

Mais depuis l’arrivée au pouvoir en 2002 du Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) d’Erdogan, la Turquie mène une politique étrangère ambitieuse, cherchant à renforcer son influence dans les territoires de l’ex-empire, de la Bosnie à l’Arabie saoudite.

Signe de son ambition transfrontalière, Ankara avait pour projet de créer une zone de libre-échange incluant la Syrie, le Liban, la Jordanie, puis, dans un second temps, l’Irak. L’accord a été signé en 2010, mais s’est noyé dans les Printemps arabes.

Les dirigeants turcs actuels, accusés de néo-ottomanisme par leurs détracteurs, n’ont jamais dissimulé leur mépris pour les accords Sykes-Picot qui ont, selon eux, dressé des barrières entre peuples musulmans et privé la Turquie de son influence naturelle dans la région.

Les diplomates britannique Mark Sykes (à gauche) et français François Georges-Picot (Crédit : domaine public)
Les diplomates britannique Mark Sykes (à gauche) et français François Georges-Picot (Crédit : domaine public)

A ce titre, Erdogan ne rate pas une occasion de dénoncer le « marchandage » qui a conduit Paris et Londres à « tracer des frontières avec une règle ».

« Nous nous sommes toujours opposés à Sykes-Picot, parce que Sykes-Picot a divisé notre région et a éloigné nos villes les unes des autres », a déclaré le Premier ministre Ahmet Davutoglu en mars.

‘Nouveaux Lawrence’ d’Arabie

Selon lui, certaines personnes cherchent aujourd’hui à « écrire un nouveau Sykes-Picot » en divisant la Syrie et l’Irak, alors que les Kurdes, notamment, revendiquent plus d’autonomie dans ces deux pays et en Turquie.

Les multiples crises qui ont enflammé la région ces dernières années, de la guerre en Syrie à la montée en puissance du groupe Etat islamique (EI), ont réveillé chez les Turcs les démons de Sykes-Picot.

« Chaque conflit dans la région […] a été conçu il y a un siècle », déclarait en 2014 Erdogan, qui s’en prend régulièrement aux « nouveaux Lawrence » qui cherchent à déstabiliser la région, en référence à l’officier de liaison britannique T.E Lawrence, acteur de la révolte arabe contre l’Empire ottoman.

Les accords Sykes-Picot s’inscrivent dans une « narration du ressentiment contre les ‘abus occidentaux' », explique à l’AFP Sezin Oney, professeure de sciences politiques à l’Université Bilkent.

Selon elle, « Ankara considère ces frontières comme artificielles, limitant, voire ‘volant’ ce qui appartient à l’héritage historique de la Turquie ».

Ankara a montré l’étendue de son ambition « post-ottomane » lors du conflit syrien, encourageant la chute du président Bachar al-Assad. Mais cet activisme s’est pour l’instant en grande partie retourné contre la Turquie.

Le pays, qui accueille 2,7 millions de réfugiés syriens, est aujourd’hui confronté à l’extension du conflit voisin à sa frontière, régulièrement visée par des tirs de roquettes meurtriers de l’EI, qui a commis plusieurs attentats à Istanbul et Ankara.

Photo des services d'urgence inspectant une zone suite à un attentat à la bombe dans le cœur d'Istanbul, en Turquie, le 29 mars 2016.  (Crédit : Burak Kara/Getty Images via JTA)
Photo des services d’urgence inspectant une zone suite à un attentat à la bombe dans le cœur d’Istanbul, en Turquie, le 29 mars 2016. (Crédit : Burak Kara/Getty Images via JTA)

Une succession de commémorations récentes liées à la Première guerre mondiale ont permis aux dirigeants turcs de critiquer le pacte franco-britannique, comme lors du centenaire le 29 avril d’une victoire de l’Empire ottoman contre les forces alliées à Kut-el-Amara, dans l’Irak d’aujourd’hui.

« L’esprit de Kut-el-Amara l’emportera quoi qu’il advienne et Sykes-Picot connaîtra une défaite cinglante », a promis Davutoglu.

Le retrait prochain du gouvernement de cet ancien universitaire considéré comme l’artisan de la diplomatie turque de la dernière décennie pose la question d’un éventuel réajustement.

« Je pense qu’il y a très peu de chances », a dit à l’AFP l’ancien ambassadeur de Turquie aux Etats-Unis, Faruk Logoglu, soulignant que la politique étrangère pensée par Davutoglu avait été approuvée par Erdogan.

En savoir plus sur :
S'inscrire ou se connecter
Veuillez utiliser le format suivant : example@domain.com
Se connecter avec
En vous inscrivant, vous acceptez les conditions d'utilisation
S'inscrire pour continuer
Se connecter avec
Se connecter pour continuer
S'inscrire ou se connecter
Se connecter avec
check your email
Consultez vos mails
Nous vous avons envoyé un email à gal@rgbmedia.org.
Il contient un lien qui vous permettra de vous connecter.
image
Inscrivez-vous gratuitement
et continuez votre lecture
L'inscription vous permet également de commenter les articles et nous aide à améliorer votre expérience. Cela ne prend que quelques secondes.
Déjà inscrit ? Entrez votre email pour vous connecter.
Veuillez utiliser le format suivant : example@domain.com
SE CONNECTER AVEC
En vous inscrivant, vous acceptez les conditions d'utilisation. Une fois inscrit, vous recevrez gratuitement notre Une du Jour.
Register to continue
SE CONNECTER AVEC
Log in to continue
Connectez-vous ou inscrivez-vous
SE CONNECTER AVEC
check your email
Consultez vos mails
Nous vous avons envoyé un e-mail à .
Il contient un lien qui vous permettra de vous connecter.