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Une chanteuse yiddish fait revivre les voix réduites au silence par la Shoah

Bente Kahan se produit à Londres la semaine prochaine pour commémorer les 70 ans de la libération du camp de Bergen-Belsen

La chanteuse yiddish Bente Kahan. (Crédit : Autorisation)
La chanteuse yiddish Bente Kahan. (Crédit : Autorisation)

LONDRES – Pour les Israéliens et les anglophones, les capacités multilingues de Bente Kahan sont une source d’émerveillement.

Née et élevée en Norvège, diplômée en arts du spectacle à l’Université de Tel-Aviv et à la New York’s American Musical and Dramatic Academy, l’actrice et chanteuse vit aujourd’hui à Wroclaw, en Pologne, et se décrit comme « parfaitement européenne » partout où elle se trouve.

Ses interprétations personnelles, souvent douloureuses, de chansons et de poèmes écrits pendant l’Allemagne nazie et dans les ghettos de la Shoah figurent dans son one-woman-show de Londres, qui marquera le 70e anniversaire de la libération de Bergen-Belsen, le 15 avril.

Dans le spectacle, elle interprète des chansons de l’auteur-compositeur yiddish Mordechai Gebirtig et des poèmes de Max Hermann-Neisse, d’Ilse Weber et du poète contemporain polonais Tadeusz Rozewicz.

Kahan a passé une grande partie de sa vie professionnelle à faire la navette entre la Norvège, Israël et les États-Unis.

« J’ai commencé à chanter en hébreu à 16 ans », se souvient-elle, et en 1983, elle jouait dans un cabaret – tout à fait unique – de chansons yiddish et norvégiennes, ce fut alors sa première rencontre avec le yiddish.

Passant d’un pays à l’autre, collectionnant les chansons et les langues – elle se produit aujourd’hui dans 10 langues différentes – Kahan a progressivement abandonné son travail plus formel au théâtre pour voyager avec sa guitare.

« Il est beaucoup plus facile de voyager avec des chansons qu’avec tout un théâtre affirme-t-elle, amusée. Elles sont beaucoup plus faciles à transporter. »

Des deux côtés de sa famille, la chanteuse yiddish Bente Kahan est une enfant de l'Holocauste (Crédit : Autorisation)
Des deux côtés de sa famille, la chanteuse yiddish Bente Kahan est une enfant de l’Holocauste (Crédit : Autorisation)

Des deux côtés de sa famille, Bente Kahan est une enfant de l’Holocauste. Sa mère s’est enfuie pour la Suède pendant la guerre, mais ses oncles, tantes et cousins ​​ont été déportés à Auschwitz et assassinés en 1942.

Son père – qui vit toujours à Oslo – est originaire de la même ville qu’Elie Wiesel en Roumanie et a survécu à un certain nombre de camps de concentration, dont Auschwitz. Il a été trouvé par un soldat américain qui a vu son bras bouger sous un tas de cadavres.

A seulement 19 ans, le père de Kahan, membre de la secte hassidique Satmar, est parti en Hongrie à la fin de la guerre et s’est ensuite installé à Oslo quand son beau-frère a obtenu un emploi de hazan [chantre dans une synagogue] dans la capitale norvégienne.

Kahan, qui a joué pour le théâtre israélien Habima, s’est rendue en Pologne en 1991. Elle y vit et travaille à Varsovie avec son mari, qui était fortement impliqué dans le mouvement de libération polonais Solidarnosc, avant de partir pour la Norvège.

« Nous aimions beaucoup Varsovie », dit-elle en rappelant la renaissance de la culture juive en cours en Pologne.

Le couple, qui n’avait pas l’intention de rester en Pologne, est retourné en Norvège en 1993.

En 2001, une offre d’emploi à New York est tombée à l’eau et à la place. Avec leurs deux enfants, une fille alors âgée de 7 ans et un fils de 12 ans, ils sont allés à Wroclaw, en Basse-Silésie, la ville anciennement connue sous le nom de Breslau – lorsqu’elle appartenait à l’Allemagne.

La Synagogue à Wrocław, en Pologne inauguré de nouveau en 2010 (Crédit : Julo/domaine public via Wikipedia)
La synagogue de Wrocław, en Pologne, inaugurée à nouveau en 2010 (Crédit : Julo/domaine public via Wikipedia)

A Wroclaw, Kahan a entamé son projet le plus extraordinaire : la rénovation de la synagogue « Cigogne blanche », de 200 ans d’âge, et la création de son propre fonds, la Fondation Bente Kahan, devenu le pôle de la rénovation de la synagogue, qui a été achevée en 2010.

De la synagogue, elle dirige le Centre Wroclaw de culture et d’éducation juive, qui offre une gamme enviable de programmation artistique – non seulement pour les 300 Juifs de Wroclaw, mais aussi pour un plus large public.

Kahan affirme avoir obtenu des résultats extraordinaires. « Les gens me disent, ‘ô, comment pouvez-vous vivre en Pologne, un pays qui est si antisémite’. Mais en fait, presque tout l’argent de la Cigogne blanche provient de la ville et des subventions européennes. Je n’ai pas vraiment fait appel à des organisations juives. En fait, je viens de recevoir environ 50 000 euros pour la rénovation d’une petite synagogue et d’un mikvé dans la ville. Donc, il y a certainement une ouverture à la culture juive ici, dans un endroit où – avant l’Holocauste – elle existait depuis 800 ans. »

Parmi les présentations de Kahan à Wroclaw, figure sa pièce, « Voices from Theresienstadt » [Voix de Theresienstadt], dont elle présentera des extraits à Londres.

Deux autres pièces qu’elle a écrites, « Wallstrasse 13 » et « Mendel Rosenbusch », inspirées des histoires pour enfants d’Ilse Weber, ont été présentées à la Cigogne blanche avec des acteurs polonais.

Selon Kahan, plus de 10 000 jeunes ont vu sa pièce. La synagogue sert à la communauté durant les fêtes religieuses et est une prestigieuse salle de concert le reste de l’année.

Finalement, concède Kahan, elle et sa famille pourraient revenir en Norvège, mais elle est extrêmement désireuse de ne pas laisser son travail en Pologne s’affaiblir.

D’ailleurs, note-t-elle avec regret, l’opinion générale sur les Juifs en Norvège « ressemble à celle du reste de la Scandinavie. La société norvégienne est devenue progressivement plus anti-israélienne depuis la Guerre du Liban, mais maintenant il y a une peur physique [parmi les Juifs] et cela présente un énorme défi ».

Entre-temps, Kahan – qui a présenté un spectacle différent au Centre Suzanne Dellal de Tel-Aviv, le 5 avril – souhaite faire revivre les voix de la Shoah.

« J’essaie de rendre mes spectacles très personnels. Je veux que les gens partent avec matière à réfléchir. L’art devrait toujours faire réfléchir les gens, et il y a tellement à méditer sur le fait qu’être un Juif en Europe est devenu très difficile. »

« Mais je veux me battre pour une Europe où chacun de nous puisse vivre en sécurité. Ce serait comme si Hitler gagnait une fois de plus si, 70 ans après l’Holocauste, les Juifs ne pouvaient pas vivre ici en sécurité – ou seulement vivre dans des ghettos. C’est une pensée vraiment horrible. Ce que j’ai essayé de faire, c’est de construire et de réparer quelque chose : et je réussirai. »

Bente Kahan se produira au JW3 de Londres le 15 avril.

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