Une ONG israélienne voit son financement annulé à cause d’une manifestation pro-palestinienne
Achvat Amim a lancé une campagne de crowdfunding après que Masa Israel de l'Agence juive a annulé son financement parce que les participants au programme avaient rejoint une manifestation en Cisjordanie
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

Le fondateur d’un programme israélien de bénévolat destiné aux Juifs de la Diaspora a juré que son groupe continuera à exister après que son financeur, Masa Israel, a coupé son financement suite à la révélation faite que certains de ses participants avaient pris part à une manifestation pro-palestinienne en Cisjordanie.
S’adressant mardi au Times of Israel, le directeur du programme Achvat Amim, Daniel Roth, a indiqué que Masa — une initiative conjointe entre le gouvernement et l’Agence juive – avait « cédé à la pression de la droite, qui cherche à réduire les limites de ce que seraient une discussion ou un discours acceptables sur le conflit israélo-palestinien ».
Le groupe du semestre d’automne du programme Achvat Amim est arrivé au sein de l’état juif le 4 septembre, à la date prévue. Roth a indiqué que les jeunes participants ont été « choqués et déçus » par la nouvelle de l’annulation de ce financement, mais il a ajouté que l’organisation continuerait à avancer.
Lundi, Roth et la cofondatrice Karen Isaacs ont lancé une campagne de crowdfunding pour couvrir les coûts des bourses d’études que Masa n’assurera plus. Jeudi soir, l’initiative avait déjà atteint 20 % de son objectif de 30 000 dollars.
Roth a ajouté que la décision de Masa était basée sur de « fausses informations » livrées par Ad Kan, une organisation de droite qui cherche à exposer ce qu’elle considère comme les activités « illégitimes » menées par les groupes de défense des droits de l’Homme israéliens.
Le directeur d’Ad Kan, Gilad Ach, a pour sa part fait savoir que des membres de son organisation avaient « infiltré » le camp du mouvement de protestation pro-palestinien connu sous le nom de Sumud durant les six semaines de son installation sur les collines du sud de Hébron. Se présentant comme un activiste impliqué dans la défense des droits de l’Homme, l’un des militants d’Ad Kan a ainsi demandé à une manifestante présente de lui dire d’où elle venait.

« Cette jeune femme a répondu qu’elle venait du Royaume-Uni et qu’elle participait à un programme de cinq mois de Masa en Israël », a dit Ach au Times of Israel. « Et à partir de là, toute l’histoire a suivi ».
Qualifiant Sumud de « provocation », Ach a ajouté que « l’état ne devrait pas soutenir certaines organisations qui viennent pour nous nuire ».

Le 15 août, plus d’un mois après le démantèlement de Sumud par les forces de sécurité israéliennes, la Deuxième chaîne a diffusé un reportage largement basé sur les découvertes qui avaient été faites par Ad Kan. Il avait accusé Roth et Isaacs d’envoyer les participants à leur programme – qui reçoivent chacun jusqu’à 3 000 dollars en bourse d’études de la part du gouvernement israélien de l’Agence juive – au camp, auquel ils auraient pris part de manière officielle.
Les responsables des 300 militants approximativement qui étaient présents lors de la construction de Sumud, le 20 mai, avaient indiqué être venus pour aider à ré-établir le village palestinien de Sarura, situé à proximité de l’avant-poste israélien de Havat Maon.
Environ 10 familles palestiniennes vivaient dans des grottes à Sarura mais avaient été obligées de partir lorsque l’armée israélienne avait déclaré le secteur zone militaire fermée en 1999. Cette évacuation avait donné le coup d’envoi à une bataille juridique qui se poursuit encore à ce jour.
A plusieurs occasions, l’armée israélienne était entrée dans le camp de Sumud pour démanteler des « structures illégales ». Le coordinateur pour les activités gouvernementales dans les territoires (COGAT) – l’unité du ministère de la Défense chargée d’administrer les affaires civiles en Cisjordanie – avait fait savoir que « l’avant-poste a été établi dans une zone de tirs (918) où il y a un risque significatif et il est donc ainsi interdit d’y entrer ».
Le reportage de la Deuxième chaîne avait enfin indiqué que les participants d’Achvat Amim étaient présents durant les opérations menées par les forces israéliennes qui avaient dégénéré en affrontements entre soldats et manifestants.
Tandis que Roth a confirmé que les huit participants au programme faisaient partie des centaines de Juifs de la Diaspora venus du monde entier en Israël pour prendre part à la manifestation, il a souligné qu’aucun d’entre eux n’étaient sur place lorsque les affrontements avec l’armée israélienne avaient eu lieu. De plus, Roth a déclaré que les participants d’Achvat Amim s’étaient rendus au camp durant leur « temps libre ».

Toutefois, Roth a noté que la pression des groupes de droite a finalement mené à ce qu’il a qualifié « d’ultimatum » lancé jeudi dernier au mouvement socialiste sioniste Hashomer Hatzair qui supervise Achvat Amim. Il a été demandé au groupe de démettre de leurs postes Roth et Isaacs sous peine de perdre tout financement.
Oren Zukierkorn, chef de Hashomer Hatzair, a rejeté la demande de Masa, disant que les participants étaient venus en Israël pour s’engager dans des questions telles que la manifestation de Sumud et il a qualifié la décision du retrait des fonds « d’opportunité manquée d’élargir le cercle des partisans d’Israël ».
Toutefois, Zukierkorn a admis que la présence des participants plaçait Masa dans une situation difficile ou « zone grise », ajoutant qu’il avait proposé qu’à l’avenir, le travail de coordination soit renforcé avec Masa.
Masa a néanmoins rejeté cette proposition et annulé son financement.
S’exprimant mardi auprès du Times of Israel, la porte-parole de Masa, Sara Eisen, a expliqué que son organisation « apprécie le fait qu’Achvat Amim effectue un travail de coexistence mais le fait que les directeurs du programme puissent emmener les participants dans un lieu où peuvent survenir d’éventuels affrontements avec les soldats israéliens a dépassé les limites en représentant un militantisme politique qui va au-delà de ce qu’une organisation de consensus comme Masa peut accepter ».
Roth a qualifié la réponse de Masa de « très inquiétante ». Il a affirmé que « le vrai travail de coexistence est politique de manière inhérente parce qu’il s’agit de briser les barrières bâties par les systèmes de l’injustice ».