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Yémen: coup de semonce du Sénat américain contre le soutien militaire à Ryad

Mike Pompeo et Jim Mattis ont défendu l'alliance avec Ryad mais les sénateurs ont dit leur volonté de ne "pas continuer à prendre part à ce désastre humanitaire"

Le secrétaire d'Etat Mike Pompeo s'adresse aux médias après une réunion à huis-clos sur l'Arabie saoudite, au Capitole, à Washington DC, le 28 novembre 2018. (Crédit : AP /Pablo Martinez Monsivais)
Le secrétaire d'Etat Mike Pompeo s'adresse aux médias après une réunion à huis-clos sur l'Arabie saoudite, au Capitole, à Washington DC, le 28 novembre 2018. (Crédit : AP /Pablo Martinez Monsivais)

Très remontés depuis le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi, les parlementaires américains ont adressé un coup de semonce à l’administration Trump: une résolution pour cesser tout soutien militaire à Ryad dans la guerre au Yémen a franchi mercredi un premier obstacle au Sénat.

Le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo et le ministre de la Défense Jim Mattis, qui avaient fait le déplacement au Congrès dans la matinée pour les convaincre de rester au côté de l’Arabie saoudite, n’auront visiblement pas su trouver les bons arguments.

Dans l’après-midi, 63 sénateurs républicains et démocrates – contre 37 – ont donné leur feu vert à un débat sur la résolution bipartisane. Cette large majorité ne préjuge pas du vote final sur le texte, qui pourrait n’intervenir que la semaine prochaine, mais donne une idée du malaise des élus.

En mars, cette même résolution avait échoué au Sénat, n’obtenant que 44 voix.

Image extraite d’une vidéo datée de mars 2018 fournie par Metafora Production, dans laquelle Jamal Khashoggi donne une interview. (Crédit : Metafora Production via AP)

Mercredi, plusieurs sénateurs ont affirmé que cette fois, une majorité semblait s’esquisser, de nombreux parlementaires ayant fait part de leur écœurement après l’assassinat du journaliste saoudien et de leur frustration face à la réponse de Donald Trump.

Aucune « preuve irréfutable »

Ce vote est d’ailleurs le premier acte concret du Congrès, qui menace de prendre plusieurs mesures pour sanctionner le royaume saoudien alors même que le président des Etats-Unis s’est révélé être le plus solide soutien du puissant prince saoudien Mohammed ben Salmane, ou MBS.

Devant cette pression accrue, Mike Pompeo et Jim Mattis ont défendu l’alliance avec Ryad. Ils ont d’abord partagé avec le Sénat, à huis clos, leur connaissance des informations confidentielles sur l’assassinat de Jamal Khashoggi début octobre au consulat saoudien à Istanbul.

Le secrétaire d’Etat à la Défense Jim Mattis durant une commission des services armés du sénat, au capitole, à Washington, le 26 avril 2018 (Crédit : AP Photo/Jacquelyn Martin, File)

« Je crois avoir lu tous les éléments du renseignement », « il n’y a aucun élément direct liant le prince héritier à l’ordre de tuer Jamal Khashoggi », a dit à la presse Mike Pompeo, alors que, selon plusieurs médias américains, la CIA estime que MBS a commandité le meurtre.

« Il n’y a pas de preuve irréfutable », a renchéri Jim Mattis.

De nombreux sénateurs des deux camps ont vivement déploré que la directrice de la CIA Gina Haspel ne soit pas venue en personne leur présenter les preuves dont elle dispose.

Le sénateur américain Lindsey Graham pendant une conférence de presse au Caire, le 3 avril 2016. (Crédit : Mohamed el-Shahed/AFP)

Le républicain Lindsey Graham, en première ligne pour accuser MBS d’avoir ourdi l’assassinat, a menacé de ne pas voter les prochains textes « clés », y compris budgétaires, tant que l’agence de renseignement extérieur n’aura pas directement informé le Congrès.

Mike Pompeo a ensuite critiqué le « timing » de la résolution parlementaire, estimant qu’elle risquait de « nuire » aux efforts de paix de l’ONU, qui espère réunir début décembre autour d’une même table le gouvernement yéménite, soutenu par une coalition sous commandement saoudien, et les rebelles Houthis, épaulés par l’Iran, ennemi commun de Ryad et Washington.

Dans ce même esprit, les Etats-Unis ont demandé au Conseil de sécurité de l’ONU de repousser un projet de résolution appelant à une trêve au Yémen, où la guerre a fait au moins 10 000 morts depuis 2015 et provoqué une crise humanitaire dramatique.

« Ce serait bien pire »

« La souffrance au Yémen m’attriste, mais si les Etats-Unis n’étaient pas impliqués au Yémen, ce serait bien pire », a lancé le secrétaire d’Etat aux sénateurs. « Si les Etats-Unis se retiraient de l’effort au Yémen », « la guerre ne cesserait pas » et cela « nuirait considérablement » à la sécurité nationale américaine, a-t-il ajouté, selon les extraits de son intervention diffusés à la presse.

Un enfant yéménite souffrant de malnutrition dans un hôpital de Hajjah, le 25 octobre 2018. (Crédit : ESSA AHMED / AFP)

Selon lui, la coalition saoudienne « ne bénéficierait pas de nos conseils et de notre formation pour mieux cibler » ses tirs, « donc davantage de civils trouveraient la mort ».

Jim Mattis, selon le texte de sa déclaration devant le Sénat, a relevé que les Etats-Unis avaient « rarement la liberté de travailler avec des partenaires impeccables ».

« L’Arabie saoudite, du fait de sa situation géographique et de la menace iranienne, est fondamentale pour maintenir la sécurité régionale et d’Israël, et nos intérêts dans la stabilité au Proche-Orient », a-t-il souligné.

Plusieurs sénateurs n’ont guère été convaincus par les ministres.

Que le royaume soit impliqué ou non dans la mort du journaliste, « nous combattons une guerre au Yémen que nous n’avons jamais déclarée et que le Congrès n’a jamais autorisée », a affirmé le républicain Mike Lee, coauteur de la résolution, assurant que les interventions gouvernementales ne lui avaient « pas fait changer d’avis ».

« Le Sénat des Etats-Unis doit impérativement dire aujourd’hui à l’Arabie saoudite et au monde que nous n’allons pas continuer à prendre part à ce désastre humanitaire », a abondé l’autre coauteur, l’indépendant Bernie Sanders.

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