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Zoom, Pessah et COVID-19 : le « clash » des rabbins en Israël

Si Zoom rassemble, son usage divise toutefois le monde rabbinique en Israël à l'approche de Pessah car la halakha proscrit en règle générale l'usage de l'électricité lors des fêtes

Une Haggadah de Pessah, de 1902, l'un des rares manuscrits en hébreu extirpés d'une cave inondée, de Mukhabarat, les quartiers généraux des services secrets de Saddam Hussein, décorée à la main par un jeune irakien. (Crédit : U.S. National Archives)
Une Haggadah de Pessah, de 1902, l'un des rares manuscrits en hébreu extirpés d'une cave inondée, de Mukhabarat, les quartiers généraux des services secrets de Saddam Hussein, décorée à la main par un jeune irakien. (Crédit : U.S. National Archives)

Peut-on, doit-on célébrer Pessah sur l’application de visioconférence
Zoom ? Impensable jadis, la question déchire à présent les rabbins orthodoxes en Israël où une partie de la population s’apprête à vivre une première Pâque juive digitale en ce printemps de pandémie.

Relativement inconnue avant la crise du Covid-19, l’application américaine Zoom a frayé son chemin chez des salariés, des familles ou des amis leur permettant de se parler de visu malgré le confinement imposé dans de nombreux pays, voire à prendre des apéros à distance pour chasser l’anxiété.

Si Zoom rassemble, son usage divise toutefois le monde rabbinique en Israël à l’approche de Pessah car la loi juive (halakha) proscrit en règle générale l’usage de l’électricité pendant les fêtes.

Le phare de la Pâque juive reste le dîner du Seder. Mais comment se réunir en famille élargie en pleine pandémie, lorsque les autorités autorisent uniquement les rassemblements de personnes d’un même foyer ? Et que faire des grands-parents qui vivent dans un autre appartement ?

Un généreux samaritain a eu l’idée de donner des ordinateurs à des personnes âgées pour leur permettre de partager le Seder avec leur famille via visioconférence. Bref, de passer un premier Pessah digital. Mais le donateur a eu un doute : tout cela est-il bien casher ?

Depuis à coups de « clashs » et de « psaks » entre rabbins orthodoxes interposés, la polémique enfle, contrairement à la « matza », ce pain azyme sans levure très fin, consommé pour Pessah en souvenir de l’exode des Hébreux d’Egypte où ils étaient réduits en esclavage. Partis précipitamment pour la Terre promise, guidés par Moïse, ils n’avaient pas eu le temps de faire lever la pâte du pain.

« Une personne qui voulait donner 10 000 ordinateurs à des personnes âgées pour leur permettre d’être réunies avec leur famille nous a demandé si c’était conforme à la halakha », raconte à l’AFP le rabbin Raphaël Delouya.

Avec 13 de ses collègues, il a rendu un « psak », un avis religieux sur la question : oui, dans une situation « d’urgence » comme la pandémie de nouveau coronavirus, il est licite d’utiliser un ordinateur pour célébrer la fête avec des « personnes âgées » et ou des « malades ».

Car pour ces populations fragiles, « la solitude peut entraîner un mental moins fort et donc une baisse de l’immunité », dit-il. « On s’est appuyé sur des sages du Maroc, sur la tradition rabbinique séfarade qui permettait il y a plus de 50 ans d’utiliser l’électricité pendant les fêtes ».

« Le problème c’est que des rabbins craignent que cela dégénère et qu’à toutes les fêtes à venir, les gens utilisent Zoom, WhatsApp et Facebook et que ça mène à un mépris de la religion. »

Le grand-rabbin ashkénaze David Lau, (à gauche), et le grand-rabbin séfarade Yitzhak Yosef se réunissent en urgence contre une nouvelle proposition de révision du système de conversion au judaïsme dans le pays, le 3 juin 2018 (Autorisation : Porte-parole du Grand rabbinat)

Mais le grand rabbinat d’Israël s’est opposé à cet avis : « la solitude est douloureuse, et il faut y remédier, mais peut-être en se parlant par ordinateur à la veille d’un jour férié, mais pas en profanant un jour férié ».

Se joue ici un débat entre rabbins orthodoxes qui « prennent acte d’une situation sociale » et d’autres qui se disent « ‘je ne vais pas plier mon système légal à cause d’une (nouvelle) situation sociale' », note Kimmy Caplan, spécialiste des mouvements orthodoxes à l’université Bar-Ilan, près de Tel-Aviv.

A LIRE : 14 rabbins orthodoxes séfarades autorisent la vidéoconférence pour Pessah

Au début des années 1950, Avraham Yeshayaou Karelitz, l’influent rabbin ashkénaze ayant fixé les règles religieuses du monde ultra-orthodoxe après la Seconde Guerre mondiale, a banni l’usage de l’électricité lors du Shabbat, jour de repos hebdomadaire.

« C’est devenu la notion pour la majorité des rabbins ultra-orthodoxes dans le monde à propos du Shabbat. Mais les jours de fête tombent dans une catégorie différente et de nombreux rabbins séfarades ont dit que l’électricité peut être autorisée les jours de fêtes, contrairement à Shabbat », dit M. Caplan.

A l’ère des réseaux sociaux, le débat théologique a déjà un brin dégénéré en ligne, poussant un rabbin à appeler au calme : lorsque deux rabbins ne « sont pas d’accord, ils ne vont pas se lancer des tomates » comme des « voyous ».

Pour ou contre Zoom, Sabrina Castro-Moïse va elle utiliser la visioconférence pour partager le Seder avec sa mère de 76 ans, qui vit seule, près de chez elle à Jérusalem. « Nous passons toutes les fêtes ensemble », raconte-t-elle à l’AFP. Zoom permettra de « ne pas la laisser seule ».

« Quel intérêt dans ce rituel si on le pratique tout seul ? », s’interroge Michael Lev, un homme d’affaires de 44 ans, qui voit dans l’initiative de ces rabbins une « mesure exceptionnelle, humaine ».

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a exhorté à maintes reprises les Israéliens à rester chez eux pour Pessah, un « point tournant », dit-il dans la lutte contre le coronavirus, avec les quartiers ultra-orthodoxes au coeur de l’épidémie.

Et de citer l’épisode de la Torah où les plaies lancées par Dieu sur l’Egypte passent au-dessus des maisons des Hébreux, pour favoriser leur exode et liberté. « Comme lors de l’exode d’Egypte, le but aujourd’hui est clair : ne ‘pas permettre au destructeur d’entrer dans vos maisons pour frapper’.

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