A Jérusalem, des manifestants créatifs dans leur opposition à la refonte judiciaire
Certains panneaux sont optimistes : "Nous stoppons la législation anti-démocratique" ; d'autres sont apocalyptiques : "Le gouvernement détruit le Troisième Temple"
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Quelque part, au loin, à des centaines de mètres, plus près de la Knesset, les leaders de l’opposition prennent la parole.
Mais ici, le long de la rue Yoel Zusman, à Jérusalem – depuis la Cité du cinéma, après la Cour suprême et le ministère des Affaires étrangères et tout droit, jusqu’au bureau du Premier ministre – leurs voix sont inaudibles. Ici, les cornes de brume lancent un hurlement strident, le bruit des tambours résonne et un cri, un seul mot, est répété par intermittence : « Démocratie ! Démocratie ! Démocratie ! »
La semaine dernière à la même heure, le chapiteau blanc spacieux qui avait été dressé aux abords du bâtiment hébergeant la Cour suprême par le Mouvement pour la Qualité du gouvernement, décoré de slogans défendant « la liberté », « l’égalité » et, de manière évidente « la qualité gouvernementale », était vide. Vendredi dernier, il était entouré par plusieurs milliers de réservistes, de vétérans militaires et d’autres au point d’orgue d’une marche de trois jours partie de Latrun et organisée en signe de protestation contre la législation proposée par le gouvernement qui restreindrait de manière radicale les pouvoirs de la plus haute instance judiciaire d’Israël. Aujourd’hui, le chapiteau est comme englouti par la foule immense, qui ne défile pas – il n’y a pas suffisamment d’espace pour avancer – mais qui se rassemble à perte de vue dans la rue, jusqu’en bas.
« Je suis là, je suis entre le drapeau des fiertés et l’arbre », crie une femme au téléphone, s’adressant apparemment à un proche ou à un ami qui se trouve quelque part, certainement à une proximité relative, dans le cadre, sans doute, d’une tentative résolument optimiste d’arranger une rencontre malgré des services de téléphonie mobile surchargés et une multitude, disons-le, de drapeaux et d’arbres.
Des manifestants de tous les âges – des personnes âgées s’appuyant sur leur canne, des mères avec des poussettes, des hommes venus avec leur chien, des familles bras dessus bras dessous pour s’assurer que personne ne se perde en route – brandissent des panneaux reflétant toute une palette de sentiments. Certains sont plaintifs, d’autres sont virulents, d’autres encore sont bienveillants.
« Nous sommes venus pour guérir », dit un panneau brandi par une femme portant un bonnet. En lettres plus petites, ce message énigmatique est précisé : « Les physiothérapeutes apportent leur soutien à la démocratie ».
« Pas de mandat pour la dictature », dit un autre panneau. « Le Judaïsme et la démocratie ensemble », affirme un troisième. « Seule l’éducation apportera le changement », déclare un quatrième.
« La démocratie est victime d’un viol », proclame crûment une bannière écrite à la main. « Deri n’est pas apte à être ministre », soutient une autre, visiblement imprimée par un professionnel. « C’est un accusé criminel qui va choisir mes juges ? », s’insurge encore une autre. « Non au coup d’état constitutionnel ! » lit-on sur une quatrième.
Les artistes s’en sont donnés à cœur joie sur certains panneaux – celui qui montre le Premier ministre Benjamin Netanyahu sous les traits d’un empereur romain, par exemple, ou celle aux lettres colorées qui est tenue par une pré-adolescente qui a été encouragée par sa mère à la lire à haute voix à tous ceux qui ont paru intéressés. « Vous savez que vous n’avez pas le droit de porter atteinte à la démocratie », dit-elle.
Certains panneaux sont optimistes : « Nous stoppons la législation anti-démocratique ». D’autres ont une tonalité apocalyptique : « Le gouvernement détruit le Troisième Temple », en référence à la fin des deux ères de souveraineté juives du passé, la période du Premier Temple et celle du Second Temple.
Mais bien plus nombreux que les panneaux, toutefois, des drapeaux israéliens qui forment une déferlante de bleu et de blanc au-dessus de la foule – des drapeaux plantés sur des bâtons de bambou, sur des barres de métal, ou sur des tiges de plastique. Il y a des drapeaux des fiertés, quelques drapeaux palestiniens mais, comme ça a déjà été le cas lors des mouvements de protestation des six dernières semaines, c’est le drapeau national qui domine la ligne de mire. Comme une affirmation de réappropriation, au moins partielle, d’un symbole abandonné quelque peu ces dernières années au profit des ultra-nationalistes.
Et parmi tous ces drapeaux israéliens, quelques-uns portent aussi un drapeau plus petit, noir, attaché à un coin – un drapeau qui, dans l’armée israélienne, symbolise la nécessité de désobéir à un ordre ouvertement et manifestement illégal.
Quelque part, au loin, la Commission de la Constitution, du droit et de la Justice a approuvé les éléments initiaux de la législation portant sur la refonte judiciaire en vue d’une première lecture imminente au parlement, quelques heures après que le président Isaac Herzog a imploré la coalition, lui demandant de faire une pause. Et pourtant, la foule s’épaissit encore le long de la rue Yoel Zusman et la vague de drapeaux israéliens ne cesse encore d’enfler.
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