En Israël, des familles d’otages marquent les 300 jours de captivité à Gaza
"Pas de victoire sans le retour des otages", scandaient les manifestants, revêtus de teeshirts jaunes avec l'inscription "accord ou abandon"

Des milliers de personnes étaient rassemblées jeudi soir dans les rues de Tel-Aviv, autour des familles d’otages retenus dans la bande de Gaza par le Hamas et ses complices depuis le pogrom du 7 octobre, pour marquer les 300 jours depuis leur enlèvement, appelant le gouvernement à parvenir à un accord sur les otages et le cessez-le-feu.
« Pas de victoire sans le retour des otages », scandaient les centaines de manifestants, revêtus de teeshirts jaunes avec l’inscription « accord ou abandon » et portant des portraits de leurs proches. Ils ont ensuite bloqué le carrefour Begin, près du quartier général de Tsahal, avant de se rassembler sur la place des otages de Tel Aviv.
Pour symboliser les souffrances de leurs proches dans la bande de Gaza, les familles se sont enchainées pour défiler le long de la route, et ont déployé un drapeau de 40 mètres de long pour compter les jours depuis le début de la guerre.
Des manifestations similaires ont eu lieu dans tout le pays, notamment à Jérusalem, Beer Sheva et Herzliya.
Lors de la manifestation sur la place des otages, le Forum des familles d’otages et de disparus a commencé par projeter sur la scène principale une courte vidéo datant de janvier de cette année. La video montrait plusieurs dizaines de familles d’otages rassemblées près de la frontière sud qui criaient, parfois en pleurant, à travers des haut-parleurs géants en direction de la bande de Gaza, dans l’espoir que leurs proches les entendent.
Le Forum des familles d’otages, qui représente une partie des proches enlevés le 7 octobre, a appelé à cette marche puis à un rassemblement à Tel-Aviv, sous l’intitulé « Ca suffit, nous exigeons un accord ».
Le 7 octobre, des terroristes du Hamas infiltrés depuis Gaza dans le sud d’Israël ont mené un pogrom qui a entraîné la mort de 1 197 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP établi à partir de données officielles israéliennes. Sur 251 personnes alors enlevées, 111 sont toujours retenues à Gaza, dont 39 sont mortes, selon l’armée.
« Aujourd’hui, cela fait 300 jours que plus de 1.200 personnes innocentes ont été violemment assassinées et des centaines kidnappées à Gaza », écrit le Forum des familles dans un communiqué.
« Parmi ces otages se trouvent deux jeunes enfants : Kfir Bibas, qui n’avait que neuf mois au moment de son enlèvement et qui a désormais passé plus de temps en captivité qu’en liberté, et Ariel Bibas, qui fêtera ce lundi son cinquième anniversaire en captivité », ajoute le Forum.

« Nous appelons le Premier ministre (Benjamin) Netanyahu et le gouvernement israélien à signer l’accord que vous avez proposé et qui a été approuvé par le président (américain Joe) Biden », selon le communiqué.
Des discussions pour un cessez-le-feu associé à une libération d’otages, prévues la semaine dernière au Qatar, avaient été reportées, selon une source proche des pourparlers.
« Nous sommes ici aujourd’hui pour le dire haut et fort : nous n’accepterons pas d’être abandonnés, nous ne resterons pas silencieux, ils doivent rentrer chez eux, maintenant », a déclaré l’acteur et comédien Guri Alfi, qui a pris la tête du rassemblement. Derrière lui, des personnes brandissaient des pancartes portant les noms et les âges des otages. L’âge de nombreux otages figurant sur les pancartes a été révélé près de dix mois après le massacre brutal perpétré par le Hamas à la frontière sud d’Israël.

Après la diffusion par les organisateurs de l’enregistrement de l’appel téléphonique d’urgence passé par Eden Yerushalmi, participante au festival de musique Supernova, avant son enlèvement par le Hamas vers la bande de Gaza, ses sœurs Shani et May se sont adressées à la foule.
« Les derniers mots d’Eden à la police étaient : ‘Trouvez-moi, d’accord ?Trouvez-moi, je vous en supplie ?’
Eden attend toujours d’être retrouvée », a déclaré Shani. Cela fait déjà 300 jours que notre sœur est en captivité, 300 jours que notre maison n’est plus la même. »

Pour Emmanuel Navon, professeur de Sciences politiques à l’Université de Tel-Aviv, « tout ce qu’on entend sur un éventuel accord sur les otages ne sont que des spéculations car à part les négociateurs, on ne sait pas grand-chose et on ne sait pas si on était vraiment proches d’un accord avant l’élimination » d’Ismaïl Haniyeh, le chef du Hamas tué mercredi à Téhéran dans une frappe imputée à Israël.
« On ne sait pas non plus si la pression militaire israélienne rapproche de la libération des otages plus que les négociations », a ajouté Navon dans un entretien à l’AFP.
Netanyahu a annoncé jeudi soir qu’il tenait des consultations au sujet des otages avec des responsables sécuritaires, selon un communiqué de son bureau.

« Je n’arrive pas à croire que nous sommes 300 jours après » la prise d’otages, a dit à l’AFP Osnat Sharabi-Matalon, dont deux frères, Eli et Yossi, ont été pris en otages au kibboutz Beeri le 7 octobre. L’un d’eux a été annoncé mort par Israël.
Nissan Calderon, qui a survécu à l’assaut du Hamas et dont le frère Ofer Calderon est détenu à Gaza depuis lors, a accusé le Premier ministre Benjamin Netanyahu de tergiverser sur la signature d’un accord.
Dans un langage tranchant, Calderon s’en est pris au Premier ministre et a appelé le gouvernement à renouveler le « contrat de base entre les citoyens du pays et l’État ».
« Le contrat a été rompu. Mettez fin au contrat », a-t-il déclaré. » Une fois de plus, vous ne faites pas ce que vous auriez dû faire il y a 300 jours, c’est-à-dire tout arrêter pour ne faire qu’une seule chose : ramener immédiatement les 115 citoyens de l’État d’Israël « , a-t-il ajouté.
« Une jeune fille de 17 ans ne devrait pas avoir à vivre avec la terrible angoisse que son père soit là », s’est-il écrié. « Je veux mon frère vivant, pas un signe de vie, pas une vidéo mais en vie ! Et aujourd’hui. »
Ruby Chen, le père du soldat américano-israélien Itay Chen tué et dont le corps a été enlevé par le Hamas le 7 octobre, a lui aussi exhorté Netanyahu à ramener les otages et à récuperer la dépouille de son fils pour l’enterrer en Israël.
« Nous voulons un endroit où faire notre deuil, un endroit où nous pourrons boucler la boucle et passer au chapitre suivant de notre triste vie », a-t-il déclaré.

Il a rappelé que la semaine dernière, lui et sa femme, Hagit, avaient rencontré Netanyahu aux États-Unis aux côtés du président américain Joe Biden. Au cours de la réunion, Chen a parlé à Netanyahu d’une conversation qu’il avait eue avec Biden au sujet de son fils assassiné.
« Le jour même où nous avons appris la terrible nouvelle, le président Biden nous a appelés…. J’ai dit au président Biden que nous avions choisi de ne pas faire shiva » – la semaine traditionnelle juive de deuil pour les morts – « parce qu’Itay n’était pas là avec nous », a-t-il expliqué, ajoutant qu’il avait dit au président que « nous ne ferons pas shiva tant qu’il ne sera pas revenu, et tant que le gouvernement d’Israël ne l’aura pas ramené ».
« J’ai rappelé cette phrase au président Biden, qui a alors demandé au Premier ministre Netanyahu : ‘Bibi, quand pourront-ils faire shiva ?' », a raconté Chen à la foule. « La réponse que nous avons reçue n’était pas réconfortante. »
« J’espère vraiment que la prochaine fois que nous verrons le Premier ministre, sa réponse sera plus satisfaisante et qu’il dira ‘J’ai ramené tous les otages… et les soldats ont eu leurs funérailles’, parce que c’est ce que le pays mérite ».
Rassemblement solennel à Jérusalem
À Jérusalem, des centaines de personnes ont défilé du complexe de la Tahana HaRishona à la Grande Synagogue, vêtues de blanc et portant des drapeaux jaunes, des drapeaux israéliens et des rubans jaunes.

L’événement a été organisé par la famille de l’otage Hersh Goldberg-Polin en soutien aux otages, en mémoire de ceux qui ont été tués et en soutien à leurs familles.
Tzvi Zussman, père du sergent de première classe Ben Zussman, 22 ans, tué le 3 décembre au cours de combats à Gaza, et camarade de classe de Goldberg-Polin, a dirigé l’événement sur la place ouverte devant la Grande Synagogue, qui comprenait la récitation des offices de l’après-midi et du soir et des chants, mais pas de discours.
Le public était composé d’un large éventail d’Israéliens, et le message de solidarité s’adressait aux Israéliens de tous horizons.
La bannière rouge et noire de Goldberg-Polin, désormais familière, était suspendue au centre de la scène, où le musicien Aharon Razel a entraîné la foule dans des chants mêlant tristesse et espoir de voir les soldats et les otages retourner dans leur pays, priant pour que ceux qui sont retenus en captivité passent de la tristesse au bonheur, de l’obscurité à la lumière.

L’Égypte et le Qatar ont averti que les récentes frappes qui ont causé la mort de terroristes de haut rang avaient compromis les efforts déployés par les médiateurs pour parvenir à un accord sur la libération des otages et un cessez-le-feu.
111 des 251 otages enlevés par le Hamas le 7 octobre se trouveraient toujours à Gaza, dont plusieurs dizaines seraient déjà morts. Près de 1 200 personnes ont été assassinées en Israël le 7 octobre, pour la plupart des civils, lorsque des milliers de terroristes ont déferlé depuis la bande de Gaza pour tenter d’envahir le sud du pays.
Cette semaine, Israël et le Hamas se sont accusés mutuellement de faire obstacle aux négociations sur les otages. Netanyahu a déclaré mercredi que plusieurs dirigeants du Hamas n’auraient pas été éliminés s’il avait cédé aux pressions pour parvenir à un accord.
L’Iran a annoncé mercredi matin que le chef du Hamas, Ismail Haniyeh, avait été assassiné à Téhéran, accusant Israël, qui n’a pas commenté l’incident. Jeudi, Tsahal a confirmé que le principal commandant militaire du groupe terroriste, Muhammad Deif, avait été tué lors d’une frappe israélienne le mois dernier.