Israël en guerre - Jour 560

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Analyse'A des millions de martyrs marchant vers Jérusalem'

Abbas doit décider jusqu’où iront les manifestations

Alors que les Palestiniens des diverses factions descendent dans la rue pour protester contre la décision de Trump, le président de l'AP détient la clé de la situation

Avi Issacharoff est notre spécialiste du Moyen Orient. Il remplit le même rôle pour Walla, premier portail d'infos en Israël. Il est régulièrement invité à la radio et à la télévision. Jusqu'en 2012, Avi était journaliste et commentateur des affaires arabes pour Haaretz. Il enseigne l'histoire palestinienne moderne à l'université de Tel Aviv et est le coauteur de la série Fauda. Né à Jérusalem , Avi est diplômé de l'université Ben Gourion et de l'université de Tel Aviv en étude du Moyen Orient. Parlant couramment l'arabe, il était le correspondant de la radio publique et a couvert le conflit israélo-palestinien, la guerre en Irak et l'actualité des pays arabes entre 2003 et 2006. Il a réalisé et monté des courts-métrages documentaires sur le Moyen Orient. En 2002, il remporte le prix du "meilleur journaliste" de la radio israélienne pour sa couverture de la deuxième Intifada. En 2004, il coécrit avec Amos Harel "La septième guerre. Comment nous avons gagné et perdu la guerre avec les Palestiniens". En 2005, le livre remporte un prix de l'Institut d'études stratégiques pour la meilleure recherche sur les questions de sécurité en Israël. En 2008, Issacharoff et Harel ont publié leur deuxième livre, "34 Jours - L'histoire de la Deuxième Guerre du Liban", qui a remporté le même prix

Des manifestants palestiniens brûlent des photos du président américain Donald Trump et du Premier ministre Benjamin Netanyahu après la décision de Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël, dans la ville de Gaza, le 7 décembre 2017 (AFP PHOTO / MOHAMMED ABED)
Des manifestants palestiniens brûlent des photos du président américain Donald Trump et du Premier ministre Benjamin Netanyahu après la décision de Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël, dans la ville de Gaza, le 7 décembre 2017 (AFP PHOTO / MOHAMMED ABED)

Sans aucun grave chamboulement dans la région – et il semble ne pas y en avoir à l’horizon –, on devrait assister à quelques jours de tempête ce week-end – une tempête qui ne sera pas causée par la météo.

En fait, une amélioration de la météo risquerait même de causer une tempête encore plus violente avec les manifestations en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et à Gaza qui s’annoncent et qui ont commencé ce jeudi avec une grève générale organisée par le Fatah dans les villes palestiniennes.

Une grève dans les écoles, les magasins et les entreprises signifie que les Palestiniens – notamment les jeunes – étaient disponibles pour prendre part aux manifestations du Fatah dans les centres-villes. Et de là, les checkpoints avec Israël ne sont jamais très loin.

Certes, l’Autorité palestinienne et le Fatah organisent des rassemblements dans les centres-villes. Néanmoins, la question est de savoir si oui ou non les services de sécurité palestiniens empêcheront les manifestants d’atteindre de potentielles zones susceptibles d’être touchées par des affrontements.

À la lumière du consensus palestinien-arabo-musulman à l’encontre de la décision du président Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale, la sécurité de l’AP pourrait recevoir pour ordre de ne pas bloquer les manifestants et de ne pas intervenir – sauf, peut-être, pour empêcher l’usage d’armes à feu.

Une femme passe devant des boutiques fermées à Jérusalem-Est alors qu’une grève générale a été déclenchée suite à la décision du président américain Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël, le 7 décembre 2017 (Ahmad GHARABLI / AFP)

Cette semaine marque le 30e anniversaire de l’accident de circulation qui a déclenché la première Intifada, aussi connue sous le nom de « guerre des pierres » – un camion de Tsahal avait alors percuté une voiture civile dans le camp de réfugiés de Jabalia, à Gaza, tuant quatre Palestiniens. Ce vendredi, nous pourrions assister à de nouvelles confrontations du même type, mais à une échelle encore plus grande, le Hamas ayant en effet appelé à une nouvelle Intifada.

Un très grand nombre de Palestiniens devraient participer aux manifestations ce vendredi. Des appels à protéger Jérusalem et le mont du Temple – ou, comme Trump l’appelle, « Haram al-Sharif » – sont déjà lancés depuis les mosquées et des vidéos illustrant la violence passée autour de Jérusalem sont déjà diffusées sans interruption à la télévision palestinienne.

Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas s’adresse à ses partisans lors d’une cérémonie marquant le 10e anniversaire de la mort du dirigeant palestinien Yasser Arafat, à son siège à Ramallah, en Cisjordanie, le 11 novembre 2014 (AP Photo / Nasser Nasser)

Un petit rappel : Ariel Sharon avait visité le mont du Temple le jeudi 28 septembre 2000, et il ne s’était alors pas passé grand-chose sur le moment. L’explosion de violence avait éclaté après les prières du vendredi 29 septembre, le lendemain, quand des émeutes avaient été organisées sur le mont du Temple, contraignant la police à investir le site. Le soulèvement avait conduit à la mort de 13 fidèles et au début de la Seconde Intifada.

Ainsi, il faudra analyser ce qu’il se passera après les évènements de vendredi. L’élan continuera-t-il ? Les Palestiniens auront-ils l’énergie pour s’engager dans un nouveau conflit ?

De toute évidence, cela dépendra en grande partie de la capacité des forces de sécurité israéliennes à contenir les manifestations sans faire trop d’effusion de sang.

Cela dépendra aussi beaucoup de la façon dont Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, choisira d’agir.

Les forces de sécurité israéliennes tirent des gaz lacrymogènes pour disperser les Palestiniens à la suite d’affrontements sur l’enceinte du mont du Temple dans la Vieille Ville de Jérusalem, le 27 juillet 2017 (Photo AFP / Ahmad Gharabli)

Dans la plongée sous-marine, l’excès d’azote peut provoquer des symptômes d’ivresse. Plus on plonge profondément, plus le sentiment d’ivresse est grand. On perd alors tout sens d’orientation et de jugement, et on peut être pris de vertiges.

Quand Abbas a engagé sa campagne diplomatique contre la décision de Trump, il est peu probable qu’il imaginait à quel point il aurait eu du succès. Il n’a pas influé sur la décision de Trump, mais le monde occidental et musulman dans sa quasi intégralité lui a exprimé clairement son soutien.

Ce succès a, à son tour, le jour même, suscité de nombreuses demandes de la part des différents camps et dirigeants palestiniens qui souhaitent remplacer le leadership du Fatah et d’Abbas. Certains ont ainsi appelé à l’annulation des accords d’Oslo, au renoncement de la poursuite du processus de paix et à la reprise d’une « lutte » armée similaire à celle de la Première Intifada. Cette dernière demande est encouragée par les partisans du terroriste Marwan Barghouthi, qui purge actuellement cinq condamnations à perpétuité dans une prison israélienne pour son rôle joué dans des attentats terroristes meurtriers lors de la Seconde Intifada au début des années 2000.

Pour sa part, Ismail Haniyeh, chef du bureau politique du Hamas, a appelé les Palestiniens à fomenter une nouvelle Intifada afin de libérer Jérusalem. Il est ainsi fascinant de voir comment, malgré le processus apparent de réconciliation entre le Hamas et le Fatah, Haniyeh et son mouvement ont essayé de reprendre ouvertement le contrôle de la campagne qui a démarré sur le bureau d’Abbas.

Les Palestiniens participent à une manifestation contre la décision du président américain Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël, dans la ville de Gaza, le 7 décembre 2017 (MOHAMMED ABED / AFP)

Abbas veut probablement mobiliser le peuple palestinien afin qu’il adopte une ligne belliqueuse contre les Etats-Unis et Israël, tout en s’assurant que ces masses ne détruisent pas tout pour autant. Problème : plus cette crise est profonde, plus Abbas pourrait être victime de certains de ces symptômes liés à la plongée sous-marine. Il pourrait ainsi tenter d’adopter une position plus conflictuelle et revêtir le costume du « combattant de la liberté » adopté par son prédécesseur Yassar Arafat. On ne peut qu’espérer qu’Abbas saura quand il faut cesser de plonger pour remonter à la surface.

Lors d’une discussion avec un responsable palestinien ce jeudi matin, j’ai eu la nette impression que le Fatah et l’Autorité palestinienne n’avaient pas approfondi les détails du discours de Trump.

La décision du président américain d’approuver une solution à deux Etats, celle de déménager l’ambassade – à long-terme et non pas à court terme –, et la clarification sur les limites de la souveraineté israélienne à Jérusalem – qui doivent être négociées sans changement au statu quo sur les sites sacrés – ne l’intéressaient manifestement ni lui ni ses collègues.

Quand je lui ai demandé où cela allait nous mener, en référence à l’opposition féroce des Palestiniens face aux décisions de Trump, il n’a pas pu se retenir. Citant Arafat lors de son célèbre appel à l’Intifada, le fonctionnaire a déclaré : « A des millions de martyrs marchant vers Jérusalem. »

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