Affaire Pegasus : Netanyahu absent à la manifestation pour une enquête d’État
1 500 personnes ont pris part à la manifestation à Tel Aviv souhaitée par le leader de l'opposition ; le ministre de la Justice fait marche arrière sur l'idée d’une enquête d'État
Une manifestation très médiatisée et conduite par la droite israélienne a eu lieu jeudi soir à Tel Aviv, réclamant une enquête d’État sur les présomptions d’espionnage de citoyens par les forces de police. La participation a été plus faible que prévue, le chef de l’opposition Benjamin Netanyahu n’y prenant pas part.
Environ 1 500 personnes se sont rassemblées sur la place Habima pour une manifestation marquée par des discours d’un certain nombre de députés du Likud et une allocution vidéo du président du parti.
Des révélations ont défrayé la chronique, ces deux dernières semaines, selon lesquelles la police israélienne a utilisé des logiciels espions, sans autorisation judiciaire, pour surveiller un grand nombre de responsables publics et de militants, y compris des personnalités centrales dans le procès pour corruption en cours contre Netanyahu.
La police a démenti ces informations, tout en reconnaissant qu’un témoin au procès Netanyahu, l’ancien directeur général du ministère des Communications, Shlomo Filber, avait été effectivement ciblé. Une enquête en cours, conduite par le sous-procureur général, n’aurait jusqu’à présent trouvé aucune preuve d’utilisation illicite de logiciels espions contre des personnalités civiles.
Plus tôt cette semaine, Netanyahu avait appelé ses sympathisants à prendre part à la manifestation s’ils « [voulaient] assurer l’avenir de notre pays ».
« Si vous ne voulez pas tout mettre sous le tapis, si vous voulez protéger le droit à la vie privée, si vous voulez assurer l’avenir de notre pays, venez », avait déclaré Netanyahu.
ראש הממשלה לעתיד בנימין נתניהו!!! (הבימה ת''א עכשיו) pic.twitter.com/axNcklSh6q
— איציק שאג (@itzikshag) February 17, 2022
Netanyahu s’est adressé aux manifestants réunis jeudi par liaison vidéo, expliquant que « pour des raisons que je ne peux pas détailler, je ne peux pas être avec vous sur la place Habima ».
Il a dit à la foule qu’on ne pouvait pas faire confiance à la police pour enquêter sur son usage présumé de logiciels espions.
« Il n’est pas possible que la police qui a enfreint la loi enquête elle-même », a déclaré Netanyahu à la foule.
Le scoop des accusations d’utilisation illicite du logiciel espion NSO Pegasus, publié par le journal Calcalist le mois dernier, a dans un premier temps été accueilli par des appels de l’ensemble du spectre politique à la constitution d’une commission d’enquête d’État.
Les responsables politiques au gouvernement ont récemment fait marche arrière, estimant que les enquêtes de la police et du procureur général adjoint suffiraient à démonter l’essentiel des affirmations infondées des journaux.
Ces accusations d’espionnage abusif présumé concernent la période de mandature de Netanyahu.
Toutefois, ces dernières années, Netanyahu et ses alliés ont mené une campagne contre la police et les procureurs, l’ancien Premier ministre déclarant que les poursuites dont il faisait l’objet étaient montées de toute pièce par des chefs corrompus des forces de l’ordre, soutenus par des médias de gauche et des politiciens de l’opposition.
Les partisans de Netanyahu ont utilisé le scandale des logiciels espions pour exiger que le procès intenté contre lui soit abandonné et qu’il soit blanchi de toute accusation. Le procès en question a été suspendu cette semaine, le temps que les soupçons d’utilisation de logiciels espions fassent l’objet d’un examen.
Une enquête interne de la police, remise au Premier ministre Naftali Bennett la semaine dernière, a indiqué que, sur les 26 personnes désignées par Calcalist comme victimes d’espionnage illégal par la police, seulement trois d’entre elles avaient effectivement été ciblées, une seule avec succès, et toutes sous contrôle judiciaire.
Une enquête supervisée par le sous-procureur général Amit Marari, épaulé par d’anciens responsables du Shin Bet et du Mossad, en collaboration avec le groupe NSO, a révélé que la plupart des personnes évoquées dans le reportage du journal n’avaient pas été ciblées, a précisé un reportage télévisé plus tôt cette semaine.
L’équipe Marari devrait bientôt présenter ses conclusions à Bennett, au ministre de la Justice Gideon Saar et au procureur général Gali Baharav-Miara.
Dans une interview accordée à la Treizième chaine jeudi, Saar a pointé l’absence de preuves suffisantes pour justifier la création d’une commission d’enquête d’État sur les accusations de piratage de téléphones par la police.
« Il faut des preuves factuelles pour mettre en place une commission d’enquête », a-t-il déclaré.
« Pour le moment, il n’y a toujours aucune base qui le justifie », a déclaré Saar, ajoutant que si des preuves futures émergeaient, « je n’hésiterais pas à lancer la procédure ».
Les procureurs au procès en cours pour corruption de Netanyahu ont déclaré mercredi au tribunal de district de Jérusalem qu’un logiciel espion avait été utilisé par la police pour pirater le téléphone de Filber, mais qu’aucun matériel découvert n’avait été utilisé et que la procédure devait suivre son cours normal.
Les procureurs affirment que le logiciel espion a été activé sur son téléphone pendant environ une journée, mais qu’aucun élément pertinent pour l’affaire n’avait été trouvé.
Les affirmations des procureurs se fondent sur une enquête de police comprenant un examen des dossiers impliquant 1 500 numéros de téléphone associés aux personnes faisant l’objet d’une enquête au titre des trois affaires de corruption contre Netanyahu, connues sous l’appellation « affaires 1000, 2000 et 4000 ».
L’examen s’est concentré sur des écoutes téléphoniques standard ainsi que sur l’utilisation de technologies plus « avancées », selon l’acte d’accusation mis à jour.
Les avocats des accusés et des associés de Netanyahu ont écarté les affirmations des procureurs généraux, exigeant la constitution d’une commission d’enquête d’État.
Netanyahu est actuellement jugé dans trois affaires de corruption. Il fait face à des accusations de fraude et d’abus de confiance dans les affaires 1000 et 2000, et à des accusations de corruption, fraude et abus de confiance dans l’affaire 4000.
Netanyahu nie tout acte répréhensible et affirme que les accusations ont été fabriquées de toute pièce par une police et des procureurs partiaux, supervisés par un procureur général faible, en accord avec les opposants politiques et les médias.