Antisémitisme en France : une tendance à la baisse, mais un phénomène « enraciné »
"On sait que l'affaire Sarah Halimi a traumatisé des familles entières, alors que dans les chiffres, ça ne fait qu'un acte", déclare la Dilcrah
Le nombre d’actes antisémites a baissé en 2017, mais l’inquiétude de la communauté juive est entretenue par des faits réguliers, comme l’incendie mardi d’une épicerie casher, et par la conviction que la haine perdure « derrière de nouveaux masques ».
En France, « l’antisémitisme n’est pas neuf, il est ancien. Il n’est pas superficiel, il est comme enraciné. Mais il est bel et bien vivant et il se dissimule toujours derrière de nouveaux masques », avait déclaré le Premier ministre Edouard Philippe en décembre, lors d’une convention nationale du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), vitrine politique de la première communauté juive d’Europe.
De nombreuses voix dénoncent, aux côtés d’une haine antisémite résiduelle à l’extrême droite, un antisémitisme des quartiers populaires sous l’effet d’un islam identitaire, ainsi qu’un anti-sionisme ambigu à l’extrême-gauche, sur fond d’ « importation » du conflit israélo-palestinien depuis le début des années 2000.
Après une année 2015 record, les actes antisémites ont connu une baisse significative (-58,5 %) en 2016, selon le décompte officiel du ministère de l’Intérieur.
En 2017, de nouveau, mais de manière moins prononcée, « la tendance est orientée à la baisse », a indiqué mardi à l’AFP le délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah), Frédéric Potier.
Sur les dix premiers mois de l’année 2017, les actes antisémites ont fléchi de « près de 20 % », avait précisé Edouard Philippe en décembre.
Fin novembre, par rapport au même mois de l’année précédente, la baisse était de 7 %, a-t-on appris mardi auprès d’une source proche du dossier.
« Je pense qu’il faut sortir de l’aspect purement quantitatif : on sait que l’affaire Sarah Halimi (du nom de cette femme juive assassinée par défenestration en avril dernier à Paris par un voisin musulman, NDLR) a traumatisé des familles entières, alors que dans les chiffres, ça ne fait qu’un acte », explique Frédéric Potier.
Selon ce préfet, « il suffit d’un acte d’un individu pour susciter l’émotion, surtout quand cet acte n’est pas banal, comme c’est le cas de cet incendie d’une épicerie de Créteil. Il est encore moins banal en ce jour d’anniversaire de l’attaque contre l’Hyper Cacher » de la porte de Vincennes, où quatre juifs ont été assassinés par un jihadiste le 9 janvier 2015.
En septembre 2017, l’agression et la séquestration d’une famille juive à Livry-Gargan (Seine-Saint-Denis), avait de nouveau semé l’inquiétude. « Les juifs de France sont particulièrement menacés dans la rue et, depuis quelque temps, au sein même de leur domicile », avait alerté le président du Crif, Francis Kalifat.
Après un premier plan triennal (2015-2017) de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, auquel l’Etat attribue la baisse des actes enregistrée depuis 2016, le gouvernement en prépare un nouveau (2018-2020). Il devrait notamment accentuer le combat contre la « cyberhaine », qui s’exprime sur internet et les réseaux sociaux.
« Je ne veux pas qu’on ait une bataille de chiffres, je veux qu’on ait une mobilisation sur des initiatives et des actions concrètes, et qu’on favorise l’engagement citoyen sur ces questions », a précisé le Dilcrah.