Antisémitisme « généralisé et pernicieux » à Stanford – rapport de la commission de la fac
Un rapport présente les expériences de plus de 300 étudiants, professeurs et employés juifs depuis le 7 octobre - notamment celles d'individus "bien à la gauche du centre" s'agissant de la politique israélienne

JTA — L’antisémitisme est prévalent à l’université de Stanford et des actions sur plusieurs fronts doivent être entreprises pour s’attaquer à cette problématique préoccupante, a fait savoir une commission qui était chargée d’analyser les différentes manifestations de la haine anti-juive sur le campus depuis le 7 octobre.
« Notre sous-commission a tiré une conclusion simple mais toutefois très perturbante : celle qu’il n’y a aucun doute que le fait que l’antisémitisme sévit aujourd’hui sur le campus de Stanford d’une manière qui est à la fois généralisée et pernicieuse », déclare le rapport, qui a été finalisé le mois dernier et dont le contenu a été rendu public jeudi. C’est le tout premier examen majeur et détaillé, consacré à la problématique de l’antisémitisme, à avoir été publié par un établissement d’enseignement supérieur d’élite depuis le début de la guerre à Gaza, une guerre qui oppose Israël au Hamas.
Après avoir écouté les Juifs qui fréquentent le campus à l’occasion de nombreux entretiens ainsi que les responsables de l’université, la commission recommande que des mesures soient prises pour améliorer la sécurité des étudiants juifs, réclamant également un plus grand développement des cellules de soutien psychologique. Elle prône aussi un changement d’approche face aux principes DEI (diversité, équité et inclusion) au sein de l’université, avec une réorientation ouvrant la voie à un « cadre plus pluraliste » qui accorderait une place pleine et entière à l’identité juive.
Le rapport de 146 pages du panel, qui a été intitulé : « C’est dans l’air : Antisémitisme et préjugés anti-israéliens à Stanford et comment s’y attaquer », s’appuie sur les récits faits par 300 étudiants, professeurs et employés juifs de l’institution qui ont fait part de leurs expériences sur le campus depuis que la guerre opposant Israël au Hamas a commencé, le 7 octobre, lorsque des milliers d’hommes armés du groupe terroriste avaient massacré près de 1 200 personnes dans le sud d’Israël et qu’ils avaient enlevé 251 personnes, prises en otage dans la bande de Gaza.
« Ce rapport établit clairement que la crise de l’antisémitisme qui agite les campus des établissements d’enseignement supérieur aujourd’hui est, en partie, un symptôme de l’échec des professeurs à enseigner aux étudiants la pensée critique, à leur apprendre l’ouverture d’esprit face aux points de vue différents », a commenté dans un communiqué Larry Diamond, professeur juif de l’université de Stanford et co-président de la commission.
Une commission qui avait été formée en 2022, bien avant le 7 octobre, à un moment où l’université de Californie tentait de remédier à son histoire marquée par une tendance à exclure les étudiants juifs. Des visées qui ont été redéfinies après le massacre commis le 7 octobre, et elle a eu pour mission, depuis, d’examiner ce que vivaient les étudiants juifs sur le campus dans le contexte des manifestations anti-israéliennes dénonçant la guerre à Gaza. Au mois de décembre, l’un de ses co-présidents, un professeur d’études juives, avait démissionné après avoir été attaqué par des anciens élèves pro-israéliens qui l’avaient accusé d’avoir une vision de la situation trop progressiste pour parvenir à évaluer correctement le problème de l’antisémitisme que les étudiants pouvaient être amenés à rencontrer dans leur quotidien.

La commission – qui comprend le directeur de la branche Hillel de l’université ainsi que des étudiants juifs – a indiqué que de nombreux Juifs, sur le campus, s’étaient sentis mis à l’écart et ostracisés en résultat de la guerre, même ceux qui « se situent bien à la gauche du centre s’agissant du spectre politique israélien, » a-t-elle fait remarquer. Certains ont fait l’expérience de l’antisémitisme pendant les cours ou dans les résidences universitaires, avec notamment des actes de vandalisme et des graffitis peints à la bombe sur la porte de leurs chambres. D’autres ont subi des pressions, sur les réseaux sociaux, les sommant de condamner ouvertement Israël.
Indépendamment de tout ce que les Juifs évoluant sur le campus de Stanford ont pu affronter, a conclu la commission, Stanford n’a pas offert suffisamment de recours lors des signalements de haine antisémite ou en matière de soutien psychologique.
Un autre rapport qui a été émis par un groupe de travail qui était chargé, pour sa part, d’examiner les expériences vécues par les étudiants musulmans, arabes et palestiniens a été diffusé également dans la journée de jeudi. Il a conclu que ces derniers « ont eu peur pour leur sécurité ». Le rapport a ajouté que ces étudiants « sont restés invisibles aux yeux de l’administration de Stanford qui ne les a pas écoutés » et « qu’ils ont été réduits au silence par le biais de divers moyens formels ou informels lorsqu’ils ont tenté de réaffirmer les droits et l’humanité des Palestiniens » depuis le 7 octobre.
La commission a affirmé que Stanford avait mis en place une « exception » en matière de liberté d’expression en direction des Palestiniens et que l’université avait été dans l’incapacité de protéger les étudiants pro-palestiniens de leurs pairs, notamment de certains étudiants israéliens qui, a dit le rapport, avaient eu des pratiques d’intimidation à leur encontre – mais aussi face à des agresseurs extérieurs, avec parmi eux des groupes pro-israéliens comme Canary Mission qui ont menacé les étudiants qui semblaient soutenir le Hamas.
Le président de Stanford s’est réjoui de la diffusion des deux rapports et il a ajouté qu’ils apportaient à l’administration de l’institution « deux nouveaux points d’attention ».
« Nous sommes déterminés à créer un climat, sur le campus de Stanford, qui est accueillant pour les individus de toutes origines, de toutes confessions, de toutes nationalités, exprimant tous les points de vue », a dit Richard Saller dans un communiqué où il remerciait les commissions. « Les événements douloureux des derniers mois ont clairement montré que nous avons encore beaucoup de travail à effectuer pour atteindre cet objectif ».
Si la commission de Stanford a émis une série de recommandations concrètes – et notamment un renforcement des formations sur l’antisémitisme pour les dirigeants de l’université et un appel à approfondir les liens avec Hillel – Saller n’a pas précisé si les conseils figurant dans le rapport seraient mis en vigueur.

La diffusion de ces deux rapports survient alors que des groupes de travail qui ont été établis au sein d’autres universités d’élite, au lendemain du 7 octobre, sont actuellement dans la tourmente. Ainsi, à Columbia, où un panel devrait rapidement faire part de ses conclusions, trois administrateurs ont été suspendus, la semaine dernière, après des échanges de textos désobligeants au cours d’une conférence consacrées aux difficultés rencontrées par les étudiants juifs sur le campus sur fond de guerre à Gaza.
Ces groupes de travail ont officiellement un statut de conseil mais ils ont pris une grande importance depuis le 7 octobre. Considérés comme des baromètres de l’approche adoptée par les établissements d’enseignement supérieur face aux étudiants juifs alors que les manifestations propalestiniennes ont balayé les campus de tous les États-Unis, ils sont dorénavant observés avec attention.
Les membres du groupe de travail de l’université de Harvard ont démissionné pour cause de désaccords avec les administrateurs de l’université, craignant également, semble-t-il, que cette dernière ne suive pas leurs recommandations. Le professeur qui dirigeait le groupe a aussi été critiqué par des membres de la communauté juive pour ses points de vue. Et à la Northwestern University, le groupe s’est désintégré après que le président juif de l’école, Michael Schill, a conclu un accord avec les organisateurs du campement propalestinien qui avait été dressé sur le campus. Les membres juifs du groupe ont alors démissionné en masse.