Au cœur d’un scandale, Israël suspend ses ventes d’armes à la Birmanie – médias
Des sources ont confié à Intelligence Online qu'Avigdor Liberman aurait gelé les exportations vers la Birmanie, accusée de nettoyage ethnique
Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.
Après la mobilisation de la communauté internationale scandalisée, le ministre de la Défense Avigdor Liberman aurait gelé les licences d’exportations d’armes vers la Birmanie, pays accusé de crimes de guerre.
« Le ministère israélien de la Défense a discrètement mais significativement décidé de bloquer les exportations vers la Birmanie », a déclaré le magazine français Intelligence Online, qui étudie le renseignement international, en citant des sources anonymes.
Selon l’article, la décision visait à « ne pas froisser les États-Unis. »
Le bureau de Liberman a indiqué qu’il ne commentait pas cet article.
Eitay Mack, un avocat qui est l’un des premiers à avoir attaqué les ventes d’armes à ceux qui violent les droits de l’Homme, a manifesté son scepticisme. Il a souligné que l’article n’avait pas été confirmé, et que bien qu’Israël a déjà suspendu ses ventes d’armes par le passé, le pays n’a pas gelé totalement l’exportation de son matériel militaire suite à des allégations de violation de droits de l’Homme.
Israël a été l’un des rares pays à vendre des armes à l’Afrique du Sud durant l’apartheid, et a arrêté de vendre ses armes au Rwanda pendant le génocide uniquement après que le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté une résolution imposant un embargo sur les armes contre le pays.
« Ce serait une première, a déclaré Mack au Times of Israël mercredi, mais j’ai envie de dire que j’espère que c’est vrai. »
Dans son article, Intelligence Online a soulevé « la vive réaction de l’aide israélienne aux services de sécurité birmans. »
Lundi soir, un groupe de militants et d’élus israéliens, tous bords politiques confondus, ont manifesté devant la Knesset pour appeler au gel des ventes d’armes à la Birmanie.
La semaine dernière, des centaines de dirigeants religieux américains ont signé une pétition appelant Israël à arrêter d’exporter des armes vers la Birmanie, au regard du traitement infligé par la nation asiatique à la population rohingya musulmane.
Cette lettre s’est ajoutée à un autre courrier paraphé par des dizaines de rabbins et dirigeants israéliens, dont un ancien ministre, qui ont appelé à la fin des ventes d’armes et à l’adoption d’une loi qui interdirait l’exportation de matériel militaire aux pays qui violent ouvertement les droits de l’Homme.
Le rabbin Avidan Freedman, enseignant et dirigeant communautaire qui a fédéré ce groupe de 55 rabbins et de dirigeants juifs, a déclaré que même si cet article était vérifié, et qu’Israël avait effectivement mis fin à la vente d’armes, rien n’avait été fait pour régler le problème principal de l’exportation de matériel militaire : son caractère confidentiel.
« Le fait qu’Israël, au nom de la confidentialité, fasse un petit changement parce que les gens ont fait beaucoup de bruit, ce n’est pas le résultat que nous voulons », a déclaré Freedman au téléphone mercredi.
Il affirme que l’exportation d’armes vers des pays qui contreviennent aux droits de l’Homme continuera « tant qu’il y a ce voile de confidentialité, et qu’il n’existe aucune loi ni aucun moyen pour que les citoyens soient assurés que nous ne sommes pas impliqués dans quelque chose comme cela. »
Depuis des décennies, le gouvernement birman est accusé de crimes de guerres contre la population musulmane rohingya, notamment par des infanticides, des viols collectifs et des tueries de masse.
Les Nations unies ont qualifié cette campagne de « cas d’école de nettoyage ethnique », tandis que d’autres la comparent à un génocide.
L’article d’Intelligence Online a évoqué la récente controverse qui a entouré la vente d’armes israéliennes à la Birmanie, mais n’a pas dit exactement quand Liberman a donné cet ordre, et n’a pas non plus révélé sa source.
« La question des ventes d’armement à la Birmanie fait l’objet de discussions en Israël depuis qu’un certain nombre de révélations cruciales ont été récemment soulevées », indique l’article.
La majorité de ces révélations ont été faites par la junte militaire birmane elle-même.
Il s’agit notamment de la vente de navire de patrouilles à la marine nationale, que le gouvernement birman avait largement médiatisé sur Facebook après signature de l’accord et livraison des navires.
https://www.facebook.com/www.myanmarnavy.org/posts/1491884984186985
Le fabricant d’armes israélien Tar Ideals Concept a également révélé sur son site, apparemment de façon accidentelle, que son CornerShot, une extension de pistolet qui permet aux tireurs de tirer depuis un angle droit, était « désormais au service des Forces opérationnelles spéciales de Birmanie. »
Intelligence Online a relevé une seconde raison qui aurait pu faire pression sur Israël pour geler la vente d’armes : la coopération sino-israélienne sur la technologie des drones, à laquelle les États-Unis s’opposent.
Selon le magazine, l’une des sociétés affectée par le gel de la vente d’armes est Commtac, une filiale d’Aeronautics Defense Systems, qui travaille avec les fabricants de drones chinois, qui fournissent la Birmanie. (Aeronautics avait fait les gros titres cette année quand Israël avait suspendu son exportation d’armes vers l’Azerbaïdjan, parce que l’armée avait été accusée d’avoir mené des essais illégaux contre les forces arméniennes.)
Les États-Unis ont déjà fait part de leur désapprobation face à la coopération sino-israélienne, parce que de nombreuses armes conçues en Israël contiennent des pièces américaines, et la Chine pourrait effectuer une ingénierie inversée et apprendre à contrer ces armes.
Au début du mois, en réaction aux récents appels, le ministère des Affaires étrangères a diffusé un communiqué dans lequel il ne dément pas avoir vendu des armes à la Birmanie, mais indique qu’Israël n’a pas été directement impliqué dans le nettoyage ethnique.
« Israël nie vigoureusement les mensonges répandus dans les médias au sujet d’une éventuelle implication israélienne dans la tragédie qui frappe l’état de Rakhine, en Birmanie », a déclaré un porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
« La politique de l’État d’Israël concernant l’exportation d’armes est régulièrement repensée, avec un nouvel éclairage, notamment en prenant en compte la situation humanitaire du pays, ainsi que la politique du conseil de sécurité des Nations unies et d’autres instances internationales. »
Depuis le mois d’août, 600 000 Rohingyas ont fui l’armée dans l’état de Rakhine. Un récent rapport du bureau des droits de l’Homme à l’ONU a accusé la Birmanie de nettoyage ethnique, notamment parce que l’armée cherche à expulser définitivement les Rohingyas en implantant des mines à la frontière du Bangladesh, où s’abritent les réfugiés.
Des responsables de l’ONU ont rapporté que des soldats encerclent les maisons et tirent sans discernement pendant que les résidents fuient, tandis que d’autres hommes en uniformes violent femmes et filles.
L’AFP a contribué à cet article.