Des centaines de rabbins américains appellent à stopper la vente d’armes à la Birmanie
Au nom d'un interdit talmudique, plus de 300 dirigeants religieux exhortent Israël à arrêter d'aider l'armée, accusée de nettoyage ethnique
Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.
Un groupe constitué de plus de 300 dirigeants religieux américains a appelé jeudi Israël à mettre fin à la vente d’armes à la Birmanie. L’armée birmane est accusée de procéder à un nettoyage ethnique et à des massacres contre la population musulmane.
Depuis des décennies, le gouvernement birman est accusé de crimes de guerres contre la population musulmane Rohingya, notamment avec des infanticides, des viols collectifs et des tueries de masse. Cependant, ces actions se sont intensifiées ces derniers mois après une attaque des rebelles rohingyas contre des positions de la police. Cette révolte a entraîné d’importantes représailles de la part de l’armée birmane.
En réaction à ces répressions, des centaines de musulmans rohingyas ont quitté leurs maisons de l’état de Rakhine en Birmanie, vers la frontière du Blangladesh.
En dépit des nombreux signalements sur la violation des droits de l’Homme, Israël a refusé d’indiquer s’il continue ou non à fournir des armes à la nation asiatique.
La question de l’exportation de l’armement israélien est difficile à aborder dans les médias. En effet, de nombreux aspects de cette industrie sont soumis à la censure militaire. Cependant, dès lors qu’il s’agit de la vente d’armes à la Birmanie, la junte militaire du pays retrouvé la parole et s’est vantée d’avoir acquis des armes israéliennes avancées sur les réseaux sociaux en avril dernier.
https://www.facebook.com/www.myanmarnavy.org/posts/1491884984186985
Jeudi, pour répondre à cette vente d’armes israéliennes, l’organisation de gauche Trua’h : The Rabbinic Call for Human Rights, a publié un appel signé par plus de 300 rabbins, cantors et chefs de communautés.
« En tant que citoyens américains et en tant que Juifs, nous refusons d’accepter toute forme d’implication des États-Unis ou d’Israël dans la formation ou l’entraînement d’une armée qui est responsable d’un nettoyage ethnique de grande ampleur contre une minorité. L’Union européenne a déjà mis fin à sa vente d’armes. Tous les pays européens, à l’exception de l’Italie, ont mis fin à leurs entraînements militaires, et Israël et les États-Unis devraient les imiter », peut-on lire.
La lettre ouverte a comparé ces évènements avec la Shoah, soulignant « des parallèles troublants entre l’expérience des Juifs et la souffrance actuellement endurée par le peuple Rohingya ».
Le groupe a également évoqué une lettre rédigée le mois dernier par des démocrates et des républicains américains, appelant à « mettre fin à tout soutien militaire américain à l’armée birmane ».
Cet appel a été signé par des personnalités des mouvements réformés, orthodoxes et conservateurs, notamment par le rabbin Jill Jacobs, directrice de Trua’h ; le rabbin Rick Jacobs, présidente de l’Union for Reform Judaïsme, le rabbin Shira Stutman de la synagogue Sixth and I, le rabbin Asher Lopatin, de la yeshiva Chovevei Torah ; le rabbin Jack Moline, et le rabbin Shmuly Yanklowitz, fondateur et président de Uri L’Tzedek.
La lettre fait mention d’une loi talmudique, qui interdit de « vendre ‘des armes ou des accessoires d’armes’ à des groupes ou à des individus dangereux’, ainsi que ‘d’aiguiser toute arme’ ou même de vendre un certain type de métal utilisé pour fabriquer des armes, de peur d’être associé à un meurtre (Traité Avoda Zah, 15b-16a) ».
L’appel de ces personnalités religieuses avait été précédé par un appel similaire de la part d’une cinquantaine de rabbins israéliens le mois dernier.
Un groupe de 54 rabbins et de dirigeants de communautés juives a adressé un courrier au Premier ministre Benjamin Netanyahu et au président Reuven Rivlin, les exhortant à mettre fin à la vente d’armes à la Birmanie et à soutenir le texte de loi – rédigé par Eitan Mack – qui a été soumis l’an dernier par les députés Yehuda Glick (Likud) et Tamar Zandberg (Meretz). Ce texte de loi suggère de limiter les ventes d’armes aux pays qui violent les droits de l’Homme. Ce projet de loi est en sommeil depuis son introduction.
Le mois dernier, la Cour suprême israélienne a rendu son verdict sur la question de la vente d’armes, mais a placé une ordonnance de non-publication sur le jugement, ce qui empêche la publication de cette décision dans les médias israéliens.
Toutefois, les militants qui avaient déposé la requête auprès de l’instance judiciaire ont été avisés du verdict et ont annoncé qu’ils organiseraient une manifestation aux abords de la résidence du Premier ministre à Jérusalem jeudi soir pour appeler l’Etat juif à cesser de fournir des armes au Myanmar.
En réaction aux récents appels, le ministère des Affaires étrangères a diffusé un communiqué dans lequel il ne dément pas avoir vendu des armes à la Birmanie, mais indique qu’Israël n’a pas été directement impliqué dans le nettoyage ethnique.
« Israël nie vigoureusement les mensonges répandus dans les médias au sujet d’une éventuelle implication israélienne dans la tragédie qui frappe l’état de Rakhine, en Birmanie », a déclaré un porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
« La politique de l’État d’Israël concernant l’exportation d’armes est régulièrement repensée, avec un nouvel éclairage, notamment en prenant en compte la situation humanitaire du pays, ainsi que la politique du conseil de sécurité des Nations unies et autres instances internationales ».
Depuis le mois d’août, 600 000 Rohingyas ont fui l’armée dans l’état de Rakhine. Un récent rapport du bureau des droits de l’Homme à l’ONU a accusé Myanmar de nettoyage ethnique, notamment parce que l’armée cherche à expulser définitivement les Rohingyas en implantant des mines à la frontière du Bangladesh où les réfugiés s’abritent.
Des responsables de l’ONU ont rapporté que des soldats encerclent les maisons et tirent sans discernement pendant que les résidents fuient, tandis que d’autres hommes en uniformes violent femmes et filles.
L’AFP a contribué à cet article.