Au Kosovo, un « mur d’honneur » inauguré pour des Justes albanais
Des descendants des sauveurs, des dirigeants politiques et les ambassadeurs américain et allemand étaient présents pour rendre hommage aux 23 Albanais
Une statue portant les noms de 23 Albanais du Kosovo qui ont sauvé des Juifs de la Shoah pendant la Seconde Guerre mondiale a été inaugurée mercredi dans la capitale, Pristina.
Cet événement apparaît « comme une preuve de l’amitié entres les communautés albanaise et juive », a déclaré le Premier ministre kosovar Albin Kurti. Car les communautés juive et albanaise ont en commun un « fort sentiment de foyer dont ils avaient auparavant été privés », a-t-il souligné. Le mur d’honneur montre que « le souvenir de ceux qui ont risqué leur vie pour sauver leurs semblables est une tradition qui commémore une lumière rare et brillante dans l’une des périodes les plus sombres de l’histoire de l’humanité », a ajouté le Premier ministre.
Aux côtés du Premier ministre, le maire de la capitale Përparim Rama a affirmé « qu’aujourd’hui, au cœur de Pristina, nous avons dévoilé le ‘mur d’honneur’, témoignage de courage, de compassion et d’engagement envers l’humanité, valeurs qui façonnent notre histoire commune », avant d’ajouter : « ce mur d’honneur est plus qu’une structure, c’est un monument chargé d’une histoire extraordinaire ».
Ce mur a été conjointement pensé et élaboré par l’Association d’amitié Kosovo-Israël et par la Fondation albanaise-américaine. Pour l’occasion, des descendants des sauveurs, des dirigeants politiques du pays et des ambassadeurs américain et allemand étaient présents. Parmi eux, Joseph J. DioGuardi, ancien membre du Congrès américain, a dit : « C’est désormais une terre sainte, ce mémorial restera une terre sainte pour le peuple juif et pour le peuple albanais (…). Je suis très heureux d’être ici avec vous, et je suis très heureux de connaitre mes racines albanaises. »
Les premiers Juifs du Kosovo sont arrivés d’Espagne après l’expulsion des Juifs par Isabelle la Catholique en 1492. Cohabitant pendant des siècles avec leurs voisins catholiques, musulmans et orthodoxes, ils ne sont désormais plus qu’une soixantaine de Juifs dans la capitale. Au début de la Seconde Guerre Mondiale, environ 500 Juifs vivaient au Kosovo, faisant alors partie de l’ex-Yougoslavie. La plupart d’entre eux a été arrêtée et déportée. Très peu ont survécu. Pourtant, les Albanais ont été nombreux à les aider et parfois même à les sauver en les cachant et les transportant vers l’Albanie.
L’arrière-grand-père de Leke Rezniqi, Arslan, a sauvé le médecin juif Chaïm Abrabanel, qui travaillait à Skopje, aujourd’hui en Macédoine du Nord. Arslan Rezniqi l’a hébergé et a travaillé avec un autre Albanais, Arif Alickaj, pour préparer de faux documents et emmener Abrabanel en toute sécurité en Albanie.
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« Ce n’est qu’un exemple du caractère unique du sauvetage albanais », a expliqué Leke Rezniqi à l’Associated Press. Il a promis le plus haut niveau de promesse, le concept de besa (« confiance » en albanais), qui signifie que vous ne trahirez jamais cette promesse, même si vous devez sacrifier votre propre famille.
En 2008, Arslan Rezniqi a été le premier Kosovar à figurer sur la liste des « Justes parmi les Nations » établie par Yad Vashem pour avoir sauvé des Juifs de la Shoah.
Depuis 2021, Leke Rezniqi vit à Haïfa, en Israël. La nièce d’Abrabanel, Rachel-Shelly Levy-Drummer, l’a aidé à émigrer et à obtenir la citoyenneté israélienne. Rezniqi, qui fait partie de l’Association d’amitié Kosovo-Israël, association créée par son grand-père Mustafa Rezniqi en 2005, était présent à la cérémonie aux côtés de descendants des Juifs sauvés par son arrière-grand-père.
« La communication et les relations avec les familles des survivants se poursuivent. Des deux côtés nous grandissons et nous nous développons encore plus, et chaque jour notre amitié se renforce, » a-t-il dit mercredi.
Journée entièrement consacrée à cette commémoration, la ville de Pristina a, à la suite de la cérémonie, continué son travail de mémoire en organisant un séminaire sur le sujet à l’hôtel Emerald.
Aujourd’hui, 56 Juifs vivent dans la ville de Prizren, à l’ouest du Kosovo.