Au Royaume-Uni, les réfugiés syriens sont comparés aux Juifs des années 1930
Pendant une conférence à Londres marquant la Semaine des Réfugiés, les orateurs ont rejeté le “mythe” des Britanniques accueillant les victimes fuyant les nazis, mais ont dit qu’il y avait de l’espoir pour les déplacés d’aujourd’hui

LONDRES – Quand la Baronne Helena Kennedy, l’une des avocates les plus distinguées du Royaume-Uni, a déclaré que « nous sommes témoins d’une douce brise fasciste qui pourrait facilement devenir une gale », il était difficile de ne pas frémir.
Kennedy était l’invitée d’honneur d’une conférence unique organisée à Londres le 20 juin pour marquer la Semaine des Réfugiés. Le forum était appelé à mettre en lumière les parallèles entre la crise des réfugiés des années 1930 et le débat qui embrase la Grande-Bretagne d’aujourd’hui sur l’immigration.
A ce moment, on ne parlait que des Juifs ; aujourd’hui, on ne parle que des Syriens et des milliers d’autres demandeurs d’asile potentiel, désespérés de quitter leurs pays d’origine. Mais comme il a été observé orateur après orateur pendant la conférence, intitulée ironiquement « Bienvenue au Royaume-Uni ? : réfugiés d’alors et d’aujourd’hui », les gros titres et le discours public pourraient facilement être attribués à la fois au passé et au présent.
La conférence, accueillie au King’s College, qui fait partie de l’université de Londres, était organisée par le groupe du souvenir d’Eleanor Rathbone en coopération avec le CARA, le Conseil des réfugiés, JCore (le Conseil juif pour l’égalité raciale), la Wiener Library (une institution spécialiste de l’Holocauste), et l’institut d’histoire britannique contemporaine du King’s College.
Son programme avait été choisi en mémoire d’une politicienne largement oubliée mais remarquable, Eleanor Rathbone, qui est morte en 1946 et avait dévoué la plupart de sa carrière parlementaire à travailler pour les réfugiés, ceux de la guerre civile espagnole et les nombreux Juifs cherchant un refuge en Grande-Bretagne.

Rathbone, en effet, était connue comme la « députée des réfugiés », selon le Dr Susan Cohen, membre honoraire de l’institut Parkes de l’université de Southampton, qui a reçu son doctorat pour sa thèse sur la politicienne inhabituelle.
Rathbone avait été aidée pendant ses campagnes pour les réfugiés en étant totalement indépendante, a déclaré Cohen au Times of Israel.
« Elle avait une fortune personnelle, elle siégeait comme députée indépendante, et qui sait comment elle aurait travaillé si elle avait été obligée de suivre la ligne d’un parti. Elle était une vraie pionnière, mais tellement efficace », a déclaré Cohen.
Le siège de Rathbone était particulier, celui des Universités anglaises combinées, qu’elle a représenté pendant 20 ans. Ce siège a été supprimé en 1950.
Rathbone était si absorbée dans son travail qu’elle a écrit un pamphlet, « Mensonges et Faits sur les Juifs », publié par son grand ami et allié dans son travail pour les réfugiés, Victor Gollancz.

Rathbone s’était rendue à Prague en janvier 1939 pour voir de ses propres yeux la situation des réfugiés juifs ; elle avait lancé la Commission parlementaire pour les réfugiés en 1938 ; et était en campagne féroce contre l’internement des Juifs allemands qui avaient été placés dans des camps après le début de la guerre, en réponse aux peurs de la population des « ennemis étrangers ». Il a été dit d’elle qu’elle était si formidable que les jeunes ministres se cachaient derrière les colonnes quand ils entendaient Rathbone dans les couloirs de la Chambre des communes.
La conférence d’une journée, qui marquait le 70e anniversaire de la mort de Rathbone, a été ouverte par Stephen Wordsworth, président du Conseil pour l’aide aux réfugiés universitaires (CARA, Council for Assisting Refugee Academics), une organisation fondée en 1933 pour sauver les universitaires juifs qui avaient perdu leurs postes à cause des nazis. Quatre-vingt ans après, a déclaré Wordsworth, leur travail est toujours malheureusement nécessaire.
Diana Packer, doctorante à l’université de Northumbria, a évoqué l’époque du fameux Acte sur les étrangers (Alien Act) de 1905 et l’impact de l’arrivée des Juifs de Russie au début du siècle sur la volonté du gouvernement britannique d’accepter les réfugiés juifs dans les années 1930. Une telle inquiétude s’était infiltrée dans la communauté juive, a déclaré Packer, citant une brochure de 1938 publiée par le conseil des députés juifs britanniques et intitulée « Pendant que vous êtes en Angleterre », qui proposait des conseils utiles comme « n’agitez pas les bras au sujet de ».

La co-présidente de la conférence Lesley Urbach a été la première d’une série d’orateurs à démanteler le « mythe » d’une Grande-Bretagne accueillant chaleureusement et à bras ouvert les réfugiés juifs dans les années 1930 et 1940. Elle a présenté un exposé mettant le doigt sur les nombreux refus du secrétaire d’Etat à l’Intérieur Herbert Morrison aux candidatures pour autoriser les Juifs dans le pays.
L’un des plus proches associés de Rathbone, le député Victor Cazalet, avait dit en mai 1943 qu’il était « un peu fatigué d’entendre dire à quel point ce pays était merveilleux », un dénigrement auquel Urbach elle-même a fait écho.
Morrison, le grand-père de l’actuel politicien travailliste Peter Mandelson, avait à plusieurs reprises rejeté les demandes de visa des Juifs en affirmant que la hausse du nombre de Juifs en Grande-Bretagne risquerait d’augmenter l’antisémitisme.
Articulant la politique gouvernementale de l’époque, Morrison avait dit aux candidats potentiels que « le fait que vous soyez réfugiés de l’oppression nazie n’est pas une garantie que vous combattrez [pour le Royaume-Uni] contre le régime nazi. »

Les Juifs, a observé Urbach, ont été admis en Grande-Bretagne sur « une base utilitaire plutôt qu’humanitaire », une distinction souvent faite à présent par le gouvernement britannique au sujet des politiques migratoires.

L’événement s’est conclu par une présentation de Barbara Winton, en souvenir de son défunt père, Sir Nicholas Winton, qui a sauvé 699 enfants de Prague la veille du déclenchement de la guerre, dans ce qui a ensuite été connu comme le Kindertransport (le transport des enfants) tchèque. Ce qu’a fait son père, a-t-elle dit, représentait « la puissance de la compassion comme meneur d’action », et le public a été encouragé à tracer les mêmes parallèles aujourd’hui.
Mais c’est la Baronne Kennedy qui a éclairé d’un œil précis et froid les attitudes d’aujourd’hui envers les réfugiés.
« Je veux forcer les politiciens cyniques et les journalistes à s’asseoir dans une pièce avec un demandeur d’asile, comme je l’ai fait, et à décider ensuite de ce que devrait être la politique », a-t-elle dit.
Les réfugiés d’aujourd’hui, tout comme dans les années 1930 et 1940, sont « des êtres humains, avec une histoire, et un historique ; et ils ne méritent pas le dénigrement qu’ils subissent dans certains quartiers ».
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