Australie : Une journaliste du NYT liée à des attaques de doxxing contre des Juifs
Natasha Frost a admis avoir partagé des chats privés issus d'un groupe WhatsApp post-7 octobre avec une personne ; 600 membres utilisaient ce groupe pour évoquer la recrudescence de l'antisémitisme
Le New York Times a annoncé, vendredi, avoir pris « les mesures appropriées » à l’encontre de l’une de ses journalistes – qui, s’était-il avéré, avait laissé fuiter des contenus privés d’un groupe WhatsApp où des artistes et créateurs juifs australiens étaient venus chercher du soutien face à la nette recrudescence de l’antisémitisme. Ces fuites avaient entraîné une vague de doxxings – des attaques, sur internet, consistant à divulguer les coordonnées personnelles d’un individu dans le but de lui nuire.
Cette journaliste qui vit à Melbourne, Natasha Frost, a expliqué au Wall Street Journal qu’elle avait partagé les informations avec une personne qui était en dehors du groupe, ajoutant ne jamais avoir eu l’intention qu’elles se propagent davantage.
Frost, dont la page, sur le site du New York Times, déclare qu’elle écrit pour la newsletter « Europe Morning Briefing » du journal, avait téléchargé environ 900 pages de messages WhatsApp dans le groupe au début de l’année, a établi un article du WSJ , la semaine dernière.
La journaliste avait partagé le document avec une personne qui se trouvait au cœur d’un article qu’elle avait écrit, selon une déclaration faite au Times, « pour aider cette personne dans le cadre d’une affaire privée ».
Quand les informations issues du groupe étaient arrivées entre les mains des activistes anti-israéliens, une vague de harcèlement s’était abattue sur certains de ses membres. La messagerie privée réunissait environ 600 participants et la majorité d’entre eux sont des citoyens privés.
Clementine Ford, une écrivaine féministe et critique fervente d’Israël qui est suivie par des centaines de milliers d’abonnés sur les réseaux sociaux, avait partagé les retranscriptions des échanges du groupe au mois de février – des retranscriptions qui, à ce moment-là, circulaient sur internet accompagnées d’une liste donnant les noms et précisant les emplois des membres du groupe ainsi qu’une centaine de photographies des participants dans leur vie privée.
« Si vous voulez avoir un aperçu de la coordination réelle des efforts qui sont actuellement livrés pour faire taire les pro-palestiniens et leurs alliés, vous pouvez aller lire ces discussions », avait-elle écrit à ce moment-là.
L’écrivaine féministe avait été un sujet de conversation dans le groupe WhatsApp – elle avait retenu l’attention après les propos qu’elle avait eus au lendemain du pogrom du 7 octobre, une attaque sans précédent qui avait été commis par le groupe terroriste du Hamas dans le sud d’Israël. Ce jour-là, environ 3 000 terroristes avaient franchi la frontière depuis la bande de Gaza. Ils avaient tué près de 1 200 personnes, des civils en majorité, et ils avaient enlevé 251 personnes, prises en otage dans la bande de Gaza. Le massacre avait déclenché la guerre qui est encore actuellement en cours au sein de l’enclave côtière.
Ford avait raillé les féministes juives qui demandaient à leurs consœurs de condamner les violences sexuelles qui avaient été commises lors du pogrom. « Je me fiche de savoir si vous vous sentez trahies ou abandonnées et je me fiche tout particulièrement du fait que vous veniez ainsi pleurnicher », avait-elle écrit sur Instagram au mois de décembre.
Dans une déclaration faite au WSJ, Frost a reconnu qu’elle avait « partagé ce document avec une personne » mais elle a affirmé que « sa diffusion ultérieure et son utilisation abusive se sont produites entièrement à mon insu et en l’absence de mon consentement ».
« J’ai été choquée par ce qui s’est passé – et par ce qui m’a fait courir un risque terrible, comme cela a aussi été le cas pour beaucoup d’autres. Je regrette profondément la décision que j’ai prise », a-t-elle insisté.
Si le Times, Frost elle-même ou le Wall Street Journal n’ont pas donné l’identité de la personne avec laquelle la journaliste avait partagé le document, le journaliste avait écrit un article, au mois de janvier, consacré à Antoinette Lattouf, une présentatrice australienne dont la carrière avait été mise à mal après les dénonciations des militants pro-israéliens qui s’insurgeaient des propos qu’elle pouvait tenir sur la guerre à Gaza.
Frost avait quitté le groupe WhatsApp peu avant la publication de l’article, expliquant à un administrateur qu’elle partait du groupe en partie pour éviter de donner l’impression d’avoir violé la vie privée des membres. A ce moment-là, Frost avait indiqué qu’elle écrirait probablement un article au sujet de Lattouf, selon le Wall Street Journal. Des informations sur le groupe avaient commencé à être diffusées en ligne à peu près au moment de la publication de l’article.
Lattouf a refusé tout commentaire au sujet de l’article paru dans le Wall Street Journal et elle n’a fait aucune déclaration publique sur l’affaire.
À la suite de ces fuites, Joshua Moshe, propriétaire d’une boutique de souvenirs qui faisait partie du groupe WhatsApp, avait été placé dans l’obligation de déménager son magasin après plusieurs actes de vandalisme.
Moshe a fait savoir au WSJ qu’il avait aussi reçu une photo de son fils de 5 ans par texto, immédiatement après avoir pris connaissance d’un message vocal d’insultes à son encontre sur son téléphone.
Une autre membre du groupe, Siana Einfeld, professeure de lycée, avait dû installer des caméras de sécurité à son domicile après des appels téléphoniques répétés sur son lieu de travail. Les individus, au téléphone, affirmaient à la secrétaire de l’établissement qu’Einfeld était « complice d’un génocide ».
Cet incident a suscité un débat en Australie sur la possibilité d’adopter des lois interdisant la diffusion en ligne d’informations privées sans le consentement des personnes concernées – cette pratique familièrement appelée le doxxing.
À la suite de la fuite des coordonnées personnelles des participants du groupe WhatsApp, le Premier ministre australien, Anthony Albanese, avait fait savoir qu’il avait demandé qu’une loi soit présentée dans le cadre d’une réforme plus large des législations régissant la protection de la vie privée.
« Ces attaques récentes lancées à l’encontre de membres de la communauté juive australienne par le biais de pratiques telles que le doxxing ont été choquantes mais, malheureusement, ces incidents sont loin d’être isolés », avait commenté à l’époque le procureur général australien Mark Dreyfus, qui est lui-même juif.
Au mois de mai, le gouvernement australien avait annoncé qu’il s’efforçait de réexaminer les lois portant sur la protection de la vie privée, déclarant dans un communiqué qu’il allait présenter, début août, un projet de législation visant à rendre illégale la diffusion d’informations privées en ligne dans l’intention de nuire.
À la suite de l’article du Wall Street Journal établissant un lien entre Frost et les fuites, la journaliste du New York Times semble avoir supprimé ses comptes, sur les réseaux sociaux. Elle n’a fait aucune déclaration supplémentaire.
Frost a souvent écrit des articles sur la guerre entre Israël et le Hamas dans le cadre de sa carrière de journaliste et elle avait écrit un article très documenté, en 2023, sur le renouveau yiddish à Melbourne.
La JTA a contribué à cet article.