Israël en guerre - Jour 643

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Analyse

Avec les attentats de Washington et du Colorado, la mondialisation de l’Intifada s’abat sur l’Amérique

Contrairement aux meurtres antisémites de Pittsburgh et d'ailleurs, ces attentats semblent issus d'un mouvement de protestation qui a normalisé la violence contre les Juifs et les Israéliens

Luke Tress

Luke Tress est le vidéojournaliste et spécialiste des technologies du Times of Israël

Une manifestation menée par Within Our Lifetime à Manhattan, le 17 septembre 2021. (Luke Tress)
Une manifestation menée par Within Our Lifetime à Manhattan, le 17 septembre 2021. (Luke Tress)

Le mois dernier, à l’annonce de l’assassinat de deux collaborateurs de l’ambassade d’Israël à Washington, les Juifs des environs s’étaient dits choqués – mais guère surpris.

« Ce n’était qu’une question de temps », estime Jim Rose, un Juif du quartier, sur les lieux des meurtres, alors qu’il se tient à proximité des bouquets et des petits mots qui ont été laissés en hommage aux victimes.

Cet attentat a malgré tout été vécu comme un tournant : cela a été, en effet la première fois depuis le début de la guerre qu’un membre du mouvement anti-Israël aux États-Unis, qui plaide depuis longtemps en faveur d’une « intifada mondiale », a commis un acte meurtrier délibéré. Ce sentiment est monté d’un cran, dimanche, avec l’attaque à la bombe incendiaire qui a été perpétrée à l’encontre de manifestants pro-otages à Boulder, dans le Colorado, moins de deux semaines après la fusillade de Washington.

Ces attentats sont choquants. Pourtant, tout laissait présager cette évolution vers la violence depuis le début du mouvement anti-Israël.

Les autorités en charge de la sécurité, à commencer par les dirigeants de la communauté juive, mettent toutefois en garde contre la tentation de tirer des conclusions hâtives sur les assaillants et ils disent attendre les conclusions des enquêtes.

L’hostilité des attaquants à l’égard d’Israël est pourtant manifeste. A Washington comme à Boulder, les deux assaillants ont crié « Libérez la Palestine » après les attentats, ont fait savoir les forces de l’ordre, et ils ont par la suite justifié leur acte de violence par des déclarations sur le conflit au Moyen-Orient.

De surcroît, ces incidents ont eu lieu après plusieurs tentatives d’attentats contre des Juifs américains.

L’exemple récent le plus marquant a sans doute été l’incendie criminel qui a frappé le gouverneur – juif – de Pennsylvanie, Josh Shapiro, au mois d’avril dernier. Le suspect avait, lui aussi, parlé de la guerre à Gaza comme source d’inspiration.

Rassemblement devant la Maison Blanche, à Washington, le 22 mai 2025. (Crédit : Luke Tress / Times of Israel)

Parmi les autres attaques récentes qui ont été déjouées, un suspect a été arrêté dans le New Jersey après avoir menacé de tuer des Juifs dans une synagogue de New York ; un homme armé en Floride projetait de s’en prendre à l’AIPAC ; un suspect voulait commettre un attentat de grande ampleur contre le consulat israélien de New York ; un homme prévoyait d’attaquer un centre juif à Brooklyn ; un néo-nazi avait pour projet d’empoisonner des enfants juifs à New York. Une liste non exhaustive.

La dernière vague de violences meurtrières à l’encontre des Juifs, aux États-Unis, avait commencé en 2018 avec la fusillade de Tree of Life, à Pittsburgh, qui avait fait 11 morts. L’attaque avait été suivie de meurtres antisémites à Poway, en Californie, à Jersey City dans le New Jersey ou encore à Monsey, dans l’État de New York.

Ces attentats avaient été commis par des assaillants aux idéologies différentes les unes des autres. Les tireurs de Tree of Life et de Poway étaient des suprémacistes blancs ; la fusillade de Jersey City était motivée par l’idéologie des « Hébreux noirs » et le poignardeur de Monsey était un malade psychique passionné par le nazisme.

Les récents attentats semblent, pour leur part, résulter du sentiment anti-Israël, particulièrement prospère depuis le début de la guerre. Lorsque l’attaquant de Washington, Elias Rodriguez, a été arrêté, il a scandé le slogan « Libérez, libérez la Palestine », un slogan phare des manifestants lors des mouvements de protestation anti-Israël. Depuis la mort des deux employés de l’ambassade américaine, les autorités en charge de la sécurité juive disent que l’extrême droite demeure une menace importante.

Un homme portant un bandeau du Hamas lors d’une manifestation anti-Israël à New York, le 6 janvier 2025. (Crédit : Luke Tress/Times of Israel)

Les attentats au Colorado et à Washington ont d’autres points communs. Ils ont tous les deux été marqués par une violence spectaculaire. Rodriguez aurait tiré dans le dos de ses victimes, Yaron Lischinsky et Sarah Milgrim, à bout portant et il aurait continué à tirer sur Milgrim alors qu’elle tentait de s’échapper. Le suspect du Colorado, Mohammed Sabry Soliman, a quant-à-lui lancé deux cocktails Molotov dans une foule qui comptait des personnes âgées et des enfants : une femme de 88 ans et son mari ont été brûlés.

« Il y avait des flammes tout autour d’elle, de haut en bas », a confié un témoin.

En outre, les deux suspects ont crié « Libérez la Palestine » sur les lieux de l’attaque, ils sont restés sur place et ils ont par la suite expliqué cet usage de la violence aux forces de l’ordre. L’attaquant du Colorado a déclaré au FBI qu’il avait jeté des engins incendiaires sur les manifestants parce que les « sionistes », a-t-il expliqué, « s’emparent de notre terre » en Palestine, et Rodriguez a dit : « Je l’ai fait pour Gaza ». Les deux hommes sont venus de relativement loin pour perpétrer leur attentat et rien n’indique à ce stade qu’ils aient été aidés, ce que les enquêtes tenteront d’éclaircir.

Un célèbre militant anti-Israël de New York a clairement dit le mois dernier que, pour certains, les appels à la « Palestine libre » étaient synonymes d’éradication de l’État juif. L’activiste a crié au candidat à la mairie Zohran Mamdani : « Cessez de vous comporter en hypocrites et ne dites pas ‘Palestine libre’ tout en défendant le droit d’Israël à exister. »

Il est plus que probable que des membres du mouvement pro-palestinien soient contre la violence et qu’ils veuillent la paix et la prospérité pour les Juifs et les Arabes, et qu’ils aient condamné les récentes attaques. Pour autant, la base du mouvement de protestation est favorable à une approche dans laquelle « tous les moyens sont bons », y compris le recours à la violence.

Après le pogrom du 7 octobre, National Students for Justice in Palestine [ NDLT : les Étudiants américains pour la justice en Palestine] avaient diffusé un « kit pour la Journée de la résistance » pour célébrer le pogrom, et ils avaient exigé une « intifada unitaire » pour « normaliser la résistance ».

« Nous devons continuer à résister directement en démantelant le sionisme », était-il écrit dans un document inclus dans le kit.

Le 7 octobre, le plus important groupe de protestation anti-Israël de New York avait appelé au « soutien de la résistance palestinienne sous toutes ses formes. Par tous les moyens. Sans exception. »

Le groupe a depuis appelé à prendre pour cibles des organisations « sionistes » et à « ne pas laisser en paix » ses opposants. Il plaide régulièrement en faveur de l’intifada et de la destruction d’Israël – ce qu’il faisait déjà avant le 7 octobre. Dès 2021, des militants affiliés au groupe se vantaient d’avoir attaqué des manifestants pro-Israël à l’aide de cocktails Molotov.

Les dirigeants du Conseil des relations islamiques avaient justifié l’attaque du Hamas en se disant « heureux de voir la population briser le siège ». Dès le lendemain du pogrom commis par le Hamas, des centaines de personnes s’étaient rassemblées à Times Square pour le célébrer.

Des militants pro-palestiniens lors d’une manifestation à New York, le 8 octobre 2023. (Crédit : Luke Tress/Times of Israel)

Depuis lors, dans les universités publiques de New York, des manifestants revêtus d’effets vestimentaires pro-Hamas ont plaidé en faveur d’une « importation du conflit » lors de manifestations contre l’organisation étudiante juive Hillel.

À l’Université de Columbia, des militants ont affirmé que « La violence est la seule solution » tout en cautionnant les propos d’un manifestant étudiant qui avait estimé que « Les sionistes ne méritent pas de vivre ». Un protestataire tenait une pancarte qui désignait les étudiants juifs et sur laquelle était écrit : « Les prochaines cibles d’Al-Qasam » – une allusion à la branche armée du Hamas – tandis que d’autres brandissaient des images de cocktails Molotov.

Le mouvement de protestation fait un usage intensif des triangles rouges inversés, des symboles tirés des vidéos de propagande du Hamas qui sont utilisées pour désigner les cibles de violences meurtrières, et il n’est pas rare que des vandales maculent d’une peinture rouge-sang des maisons et des entreprises. Le mois dernier, un homme originaire du Colorado a tenté de faire exploser la succursale de l’ambassade des États-Unis à Tel Aviv avec des cocktails Molotov.

Depuis les attentats de Washington et du Colorado, des militants font ouvertement l’éloge de la violence. Les responsables de la sécurité juive surveillent de près les discussions en ligne qui vont dans ce sens, tout comme les appels à de nouveaux attentats. Une faction du parti d’extrême gauche des Socialistes démocrates d’Amérique a publié une déclaration dans laquelle il cautionnait la fusillade de Washington et les « conséquences » pour les opposants du groupe « au cœur des États-Unis ».

« Puisque l’impérialisme a fait du monde entier son champ de bataille, il est justifié de le combattre, par tous les moyens, sans limites géographiques », peut-on lire dans ce communiqué.

Peu de temps avant l’attaque dans le Colorado, l’organisation activiste extrémiste Unity of Fields, anciennement Palestine Action US, avait publié un appel à la « guerre du peuple » et à la « lutte armée » avant de diffuser l’adresse personnelle aux Etats-Unis des employés d’Elbit, une société de défense israélienne.

Après l’attaque, le groupe en a rajouté avec une déclaration en soutien à Rodriguez.

« La lutte contre la violence est légitime. C’est ça, la justice », a noté le communiqué qui s’est terminé par un appel à « mondialiser l’Intifada ».

Pendant une grande partie de la guerre, le discours, pour le moins effrayant, s’en est tenu au registre de la menace, au poing levé en signe de menace. Maintenant qu’il fait la place à la violence réelle, il est à craindre que ces mouvements de protestation ne se muent en un terreau fertile, porteur de nouveaux attentats. Après la fusillade de Washington, les responsables de la sécurité juive ont expliqué craindre un effet de contagion.

« Cela s’est souvent vu : un attentat est reproduit ailleurs », explique Richard Priem, PDG du Community Security Service [ NDLT : Service de sécurité communautaire], organisation de formation des agents de sécurité bénévoles positionnés devant les synagogues.

« Nous ne pouvons pas compter sur les autres pour nous protéger », ajoute-t-il. « La moindre vulnérabilité sera exploitée : n’attendons pas les bras croisés que cela arrive. »

« On sentait que ça montait dans les discours et dans ce qui se disait et faisait lors des manifestations », conclut Rose toujours recueilli sur les lieux de l’attentat de Washington. « Je suis déçu qu’on n’en ait pas fait plus pour l’empêcher. »

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