Chef de l’ADL : Trump épouse des “idées nocives” et déchaîne l’extrémisme
Jonathan Greenblatt exhorte le favori républicain à cesser d’utiliser une “rhétorique xénophobe contre les musulmans et les Mexicains” et à se distancier fermement de ses partisans radicaux
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Prévenant que la campagne de Donald Trump pour la présidence américaine « épouse certaines idées réellement nocives » et déchaîne une hausse de l’extrémisme, le dirigeant de la Ligue anti-diffamation (ADL en anglais, pour Anti-Defamation League), un groupe basé aux Etats-Unis qui combat le fanatisme, a exhorté le candidat républicain à cesser d’utiliser une rhétorique xénophobe contre les musulmans et les Mexicains, et à se distancier fermement des suprématistes blancs et d’autres partisans radicaux.
Pendant un entretien avec le Times of Israel, le PDG et directeur national de l’ADL, Jonathan Greenblatt a accusé Trump de « presser les boutons qui ont été pressés auparavant » et que « le résultat est une intégration de parti-pris et de ce genre de clins d’œil et d’acquiescement devant une sorte de racisme islamophobe et xénophobe. »
Il est « profondément troublant, a précisé Greenblatt, qu’un candidat introduise ces choses dans le débat politique, dans le débat national : suggérer que tous les gens qui viennent, disons d’un pays en particulier, sont des violeurs ou des meurtriers. Ou suggérer que nous contrôlerions les personnes à nos portes simplement sur la base de ce qu’ils croient. Ou que certains soutiens de certaines personnes, ou de certains groupes, seraient le genre de choses qui mériteraient plus d’explorations plutôt qu’une objection franche. Ce sont des idées très inquiétantes. Et elles ont une odeur qui semble familière, un son qui semble familier à beaucoup d’entre nous. Nous, en tant que juifs, savons ce que cela signifie quand ils disent que les personnes venant d’un autre pays sont tous un problème. Nous savons ce que cela signifie [quand ils disent que] nous devons vous contrôler à l’entrée sur la base de que vous croyez. »
‘Nous, en tant que juifs, savons ce que cela signifie quand ils disent que les personnes venant d’un autre pays sont tous un problème’
S’exprimant pendant une visite à Jérusalem une semaine après qu’une grande partie des 18 000 délégués présents à la conférence politique annuelle du lobby pro-israélien AIPAC a chaleureusement applaudi un discours fortement pro-israélien de Trump, Greenblatt a noté que « personne ne diffame le peuple juif » dans la campagne Trump.
Mais l’ADL, a-t-il souligné, a été mandatée pendant plus d’un siècle pour à la fois « stopper la diffamation du peuple juif, et pour assurer justice et sécurité. Donc nous parlons de ces choses parce qu’elles sont inquiétantes […]. L’idée que vous jugez les gens – par leur origine, leurs croyances – et ne condamnez pas sans équivoque, sans ambigüité, sans délai les personnes qui épousent certaines des pires idées, nous avons vu cela auparavant, et ce n’a jamais été bon », a-t-il dit.

Greenblatt, qui a succédé à Abe Foxman à la direction de l’ADL l’année dernière, avait précédemment travaillé à la Maison Blanche comme conseiller spécial du président américain Barack Obama et directeur du bureau de l’innovation sociale et de la participation civique.
Il a dit qu’il avait dû remonter à George Wallace, quatre fois candidat à la présidentielle dans les années 1960 et 1970, pour trouver un aspirant à la présidence engagé sérieusement dans la campagne tout en « épousant certaines idées réellement nocives » qui sont « décalées » par rapport aux valeurs démocratiques.
« Je ne sais pas ce qu’il y a dans sa tête ou dans son cœur, a déclaré Greenblatt à propos de Trump. Mais je sais qu’il presse certainement des boutons qui ont été pressés auparavant – qu’il le fasse de manière délibérée, ou en traînant vers cela. Dans tous les cas, le résultat est le même. »
Parmi ces résultats, on trouvait, a dit Greenblatt, la vue de « suprématistes blancs sortant de leurs tanières de manière réellement effrayante ». Il a déclaré que l’ADL surveillait le phénomène et pouvait « voir une hausse de la rhétorique [extrémiste] et, à nouveau, une intégration d’idées vraiment nocives et mauvaises ». Et certains de ces extrémistes, a-t-il dit, sont catégoriquement hostiles aux juifs.
Il a montré au Times of Israel son fil Twitter et la liste de personnes qu’il a bloquées à cause de leurs sentiments extrémistes, avec des noms comme Résistance Blanche (White Resister) et Socialiste National (National Socialist).
« Cela ne fait que continuer encore et encore. C’est effrayant. Ces personnes, ce n’est pas qu’elles n’étaient pas là avant, mais je vois vraiment, et l’ADL le voit, une montée de ce genre de posts que nous ne voyions pas auparavant. Et cela aide quand Donald Trump retweete vos trucs, ce que nous voyons arriver. »
Greenblatt, qui a souligné que l’ADL, par la loi, ne prenait pas position sur les candidats ou les partis politiques, a également protesté contre le récent avertissement de Trump, qu’il y aurait des émeutes si la nomination républicaine lui échappait.
« La suggestion ou la menace que des gens feraient des émeutes s’il n’a pas ce qu’il voulait – il est difficile d’approuver cela, jusqu’à ce que vous voyiez le niveau d’encouragement quand les personnes sont frappées et insultées à ses rassemblements. Pour protester ? Ce n’est historiquement pas comme cela que notre processus a fonctionné. Et ce n’est historiquement pas ce que vous attendez d’une société démocratique. »
Greenblatt a dit qu’il pensait que Trump « touche un nerf » dans des Etats-Unis qui sont angoissés par leurs perspectives économiques et leur statut à long terme, et où beaucoup dans le « Midwest » américain « ne savent pas où est leur place » dans une économie mondialisée, menée par la technologie. « Donald Trump parle à ces impulsions, a-t-il dit, mais sans prescriptions politiques sérieuses. Pas avec des idées sérieuses. C’est le problème. »
Greenblatt a ajouté que « sa montée reflète la même sorte d’angoisse que vous voyez à présent en Europe, avec les migrants qui arrivent, ces réfugiés, les gens qui ont des doutes, la violence de l’Etat islamique et ce type de nihilisme [du terrorisme islamique]… C’est au Moyen Orient, c’est en Europe, c’est ici en Israël, et c’est en Amérique du Nord. Il y a un grand malaise et je pense que c’est ce qui crée les conditions dans lesquelles quelqu’un comme Trump peut monter. »
La meilleure réponse aux partis-pris et aux mauvaises idées, a-t-il continué « est de meilleures idées ». Et c’est pour cela que l’ADL a récemment annoncé qu’une somme équivalente aux 56 000 dollars que Trump a donné à l’ADL ces dix dernières années serait attribuée à des programmes éducatifs. Spécifiquement, comme l’a noté Greenblatt dans un récent article du Time, les fonds iront à « des programmes d’éducation anti parti-pris qui traitent exactement du genre de stéréotypes et d’utilisation de boucs émissaires qu’il a injecté dans la saison politique. »

Greenblatt a noté que Trump semble avoir cessé sa pratique d’encourager ses partisans à lever leur main droite et à jurer leur soutien envers lui pendant ses rassemblements, après que les échos nazis de la pratique lui ont été présentés. « Il a cessé de le faire. Sagement. Je suis certain que son entourage l’a attrapé par le revers de sa veste et a dit que cela n’aidait pas. »
Mais il a appelé Trump à faire bien plus pour contrer l’extrémisme déchaîné autour de sa campagne.
Interrogé sur ce qu’il dirait à Trump s’il en avait l’opportunité, Greenblatt a déclaré qu’il exhorterait le candidat : « Exprimez-vous sans ambigüité contre le genre de rhétorique que nous voyons. Cessez d’utiliser ce genre de rhétorique contre les musulmans ou les Mexicains. Et quand vous avez ces gens qui sortent des tanières, ne les autorisez-pas [à vos évènements], n’autorisez pas leurs médias à vos évènements, comme c’est arrivé. Ces personnes n’appartiennent pas à la place publique. Elles n’appartiennent pas à votre campagne. »
Regrettablement, a dit Greenblatt, Trump a « eu un plus de mal à être ferme là-dessus qu’il n’en a eu à l’être sur Hillary Clinton ou sur l’épouse de Ted Cruz. C’est donc un choix curieux sur lequel il juge approprié de peser. C’est inquiétant. »
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