Cherki largement soutenu par la classe politique après son coming-out
Ce journaliste célèbre pour ses reportages sur les haredim et pour avoir apporté ses points de vue dans les foyers laïcs, souhaite que sa communauté comprenne ses choix
JTA – Yaïr Cherki, le journaliste religieux de la Douzième chaîne, s’est fait un nom grâce à ses payot (papillotes portées par un grand nombre d’hommes orthodoxes), son attitude joyeuse et son débit rapide de paroles lorsqu’il guidait ses téléspectateurs dans la vie et les maisons de la communauté ultra-orthodoxe – ou haredi – d’Israël.
Mardi, il a délivré un message d’un toute autre genre mardi dernier – une déclaration personnelle poignante publiée sur Facebook.
« J’aime les hommes et j’aime Dieu, et ce n’est ni contradictoire ni nouveau », a écrit Cherki.
Ce qui a pu surprendre, au-delà du contenu de l’annonce elle-même, c’est le soutien massif apporté à Cherki par l’ensemble du spectre politique israélien.
« Je t’aime, mon cher frère », a écrit l’ancien Premier ministre israélien, Naftali Bennett, lui-même orthodoxe, sur Twitter. « Et je suis très fier de toi. »
Amir Ohana (Likud), le président de la Knesset ouvertement homosexuel, a répondu avec un emoji de cœur.
« Ce texte est tellement beau et émouvant », a commenté Meirav Michaeli, la cheffe du parti Avoda. « Merci de l’avoir partagé avec nous tous. »
Cherki a également été incroyablement mentionné par des rivaux du monde des médias israéliens, habituellement impitoyable. « Quel joyau vous êtes, Cherki », a écrit Shaul Amsterdamski, le reporter financier de la chaine concurrente Kan, chaine publique d’Israël (la Douzième chaîne étant privée).
Son coming-out public intervient à un moment où les figures d’extrême-droite du nouveau gouvernement israélien ont affiché leur volonté de restreindre les droits des personnes issues de la communauté LGBTQ.
Cherki a déclaré qu’il n’abandonnerait pas sa foi. « J’appartiens toujours à la communauté religieuse », a-t-il écrit. « Ma tribu, ma famille et mes amis. Telles sont mes croyances. »
Même si tous les Israéliens n’étaient pas en mesure de comprendre, beaucoup ont tout de même parlé en termes affectueux.
« Cette publication m’a rendu très triste », a commenté Yehuda Glick, un ancien député du Likud qui dirige un mouvement visant à autoriser le culte juif sur le mont du Temple de Jérusalem. « Cela ne change rien à l’amour que je te portais avant de la lire. Mais en toute honnêteté, c’est un sacré choc. »
« Ce genre de réponses – de votre part et de celle de votre cohorte – écrase les âmes et vide les gens de leur sang, parce que vous pensez être de meilleurs Juifs. C’est le moment de s’embrasser… ou de se taire », a répondu le journaliste Uriah Elkayam à Glick.
Cherki, 30 ans, d’une allure filiforme, porte généralement une kippa bleue foncée et des vêtements décontractés sombres. Il a récemment coupé ses payot.
Cherki s’est fait remarquer pour ses reportages dans lesquels il emmenait les téléspectateurs dans les maisons de ses compatriotes haredim et en leur demandant, sur un ton doux mais grave, d’expliquer pourquoi ils croyaient ce en quoi ils croyaient.
Il tachait d’éviter que les ultra-orthodoxes ne soient réduits à des clichés. Un employé de la cafétéria de la Knesset, qui a invité Cherki et un autre journaliste chez lui, a décrit son admiration pour Bennett. L’employé de la cafétéria a également expliqué pourquoi il était en profond désaccord avec Bennett sur les questions de sécurité nationale, et qu’il était prêt à voter pour Itamar Ben Gvir, le politicien sioniste religieux d’extrême-droite qui occupe actuellement le poste de ministre de la Sécurité nationale d’Israël.
Cherki a pointé du doigt un meuble dans lequel étaient empilés les écrits du défunt sage séfarade, le rabbin Ovadia Yosef, qui a fondé le parti haredi, le Shas. « Une maison Shas ! », a-t-il dit – une façon de faire remarquer aux téléspectateurs que les partis qui ont traditionnellement représenté les Israéliens ultra-orthodoxes n’avaient plus de prise sur leurs électeurs.
Le travail de Cherki l’a également amené à faire des rencontres gênantes. Dans un reportage sur le mariage haredi, une marieuse – qu’il avait interviewée – lui a reproché de ne pas encore s’être marié.
Il s’est efforcé de préciser qu’il était croyant. L’année dernière, il a expliqué comment les ultra-orthodoxes de Bnei Brak, une ville située au nord de Tel Aviv, faisaient face aux conséquences d’un attentat terroriste. Nombreux étaient ceux qui pensaient que cette ville fortement haredi ne bénéficiait plus de la protection du rabbin Chaïm Kanievsky, un célèbre sage décédé quelques jours avant l’attentat et qui, selon eux, protégeait la ville.
Le présentateur, Rafi Reshef, a demandé à Cherki, incrédule, s’il croyait au « récit » selon lequel Kanievsky avait protégé Bnei Brak.
Cherki lui a lancé un regard peiné et a répondu que c’était « une question quelque peu personnelle ».
« Je crois généralement que le rôle des personnes sages dans l’endroit où elles vivent, a une signification », avait-il dit. « Savoir si, juste parce qu’un rabbin est mort, à ce moment-là, Bnei Brak est devenue plus vulnérable, me dépasse. Mais je peux le comprendre et vous relayer l’état d’esprit et le processus de pensée des gens qui y croient. »
Reshef s’est excusé. Cherki a sourit.
Cherki parle également à des groupes israéliens laïcs du monde des Juifs ultra-orthodoxes. « Si je devais exprimer en une seule phrase ce que j’essaie de faire à la télévision lorsque je parle des haredim, je dirais qu’ils ne sont pas tous les mêmes », a-t-il déclaré le mois dernier à un bar rempli d’Israéliens laïcs lors d’une émission de télévision qui rassemblait différents secteurs de la société israélienne profondément divisée.