Cisjordanie : simulation de scénarios catastrophes pour mieux anticiper
La région de Binyamin s'est entraînée à réagir à un tir de roquette, des fusillades et à un approvisionnement en eau contaminée - le tout en l'espace de quelques heures
L’implantation de Kfar Adumim, située dans le centre de Cisjordanie, a passé un mercredi compliqué : l’une de ses écoles a été frappée par un tir de roquette, l’eau a été contaminée et des terroristes ont commis plusieurs fusillades dans des implantations voisines. Heureusement, tout n’était que simulation.
Dans le cadre d’une initiative de préparation à la guerre menée par les autorités locales, le Commandement du Front intérieur de l’armée israélienne a organisé un exercice d’envergure dans la région de Binyamin la semaine dernière, avec pyrotechnie, machines à fumée, alertes à la roquette et simulation de victimes.
Le conseil régional de Mateh Binyamin, qui représente les implantations situées aux abords de la ville de Ramallah, a coordonné les différents scénarios de l’exercice, avec la mobilisation des militaires, du personnel médical d’urgence, des services de secours et d’incendie, des compagnies de services publics et de l’Autorité nationale de gestion des urgences, connue en hébreu sous son acronyme, « Rachel ».
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« L’aspect central de cet exercice est qu’il est à la fois militaire et civil – il met à l’épreuve les différentes composantes de l’État », a déclaré Yisrael Gantz, maire de Mateh Binyamin. « L’un des objectifs de cet exercice est de vérifier que les services d’urgence de la région savent comment réagir à des événements plus importants. »
L’exercice s’est déroulé en plusieurs actes au cours de la matinée et en début d’après-midi : en pleine guerre à Gaza, les habitants de la communauté de Sa’ad, près de la bande de Gaza sont envoyés dans la région de Binyamin pour y trouver un abri temporaire ; lorsque ces réfugiés arrivent, un missile tiré depuis Gaza frappe directement l’école secondaire Ma’ayanot Eshkkol à Kfar Adumim, tuant et blessant plusieurs personnes à l’intérieur et causant des dégâts à proximité ; au milieu des opérations de sauvetage, une fusillade a lieu non loin, au cours de laquelle une personne est légèrement blessée, suivie d’une deuxième attaque dans la foulée, au cours de laquelle une autre personne est grièvement blessée ; et pendant tout ce temps, la région est touchée par des pannes d’électricité et des problèmes d’approvisionnement en eau.
En plein exercice, une véritable urgence s’est produite – une voiture a quitté le bord de la route et s’est retrouvée dans un fossé devant Kfar Adumim. Personne n’a été blessé.
Il s’agissait d’un exercice conçu pour submerger le gouvernement local et les services d’intervention d’urgence.
« Puisque nous ne faisons pas d’exercices tous les mois ou tous les deux mois à Mateh Binyamin ni dans les autres gouvernements locaux de Judée et de Samarie, alors lorsque nous en organisons un, nous essayons d’avoir autant de scénarios que possible dans un délai le plus court possible afin de mettre le système sous pression, pour voir comment ils y font face, » a expliqué le lieutenant Orel Cohen, qui fait la liaison entre le Commandement du Front intérieur de Tsahal et les gouvernements locaux.
Cohen a déclaré que, cette année, les exercices du Commandement du Front intérieur et les autorités locales étaient axés sur la préparation aux scénarios de guerre, et non sur les tremblements de terre comme lors d’exercices pratiqués les années précédentes.
Anticipant la question suivante, il a rapidement ajouté : « je sais ce que vous allez demander. Ce n’est pas parce que nous avons des renseignements qu’une guerre est imminente. »
Pendant le débriefing, à l’issue de l’exercice, les représentants des divers organismes et services de Mateh Binyamin ont identifié plusieurs domaines qui pourraient être améliorés : une meilleure communication et organisation, de plus grands stocks d’équipement d’urgence et la prise en compte non seulement des problèmes immédiats, mais aussi l’anticipation, si les combats venaient à durer plusieurs semaines.
Mais le lieutenant-colonel Michel Morag, du Commandement du Front intérieur, qui a observé l’exercice, a largement félicité le conseil régional pour sa réactivité face aux urgences.
« D’habitude, je ne donne pas de notes, mais je vous tire mon chapeau », a dit Morag à Gantz au cours du débriefing.
M. Cohen a souligné qu’il s’agissait d’un exercice particulièrement compliqué et difficile, ce qui, selon lui, témoigne des capacités du gouvernement local.
« Mateh Binyamin a un conseil régional fort. Il peut gérer cet exercice, ce ne sont pas tous les gouvernements qui peuvent le faire « , a-t-il dit.
Lorsqu’on lui a demandé s’il ne vaudrait pas mieux donner l’exercice le plus difficile aux administrations locales en difficulté afin de les aider à s’entraîner pour s’améliorer, Cohen a répondu que cela nuirait plutôt aux municipalités plus faibles.
« Si vous vous adressez à quelqu’un dont les capacités sont moindres, il s’écrasera au lieu d’apprendre », dit-il.
Des catastrophes en série
L’exercice a débuté mercredi à 9 heures par une réunion des différents services et groupes qui composent le conseil régional de Mateh Binyamin – le système éducatif, les services sociaux, les communications etc. dans les bureaux de l’établissement Psagot.
Le scénario de base consistait à une reprise, par Tsahal, de sa politique d' »assassinats ciblés », visant plusieurs dirigeants terroristes à Gaza, déclenchant des tirs de roquettes de la part des groupes terroristes de la bande de Gaza sur Israël. Suite à l’attaque, 120 familles du kibboutz Sa’ad se rendaient dans la région de Binyamin pour y trouver un abri temporaire.
« Il y a de fortes tensions et craintes dans les communautés de Binyamin », stipule la description du scénario.
Gantz, un homme de 41 ans, barbu et à lunettes, a fait le tour de la salle pour s’assurer que toutes les personnes présentes étaient à jour et prêtes pour l’exercice.
« Pour gérer une situation compliquée, nous devons être concis », a-t-il dit aux représentants, avant de leur demander des mises à jour sur l’état de la situation, en coupant parfois la parole aux gens lorsqu’ils commençaient à s’agiter et en reformulant ses questions pour exiger une réponse directe par l’affirmative ou la négative.
Par la suite, Gantz a dit au Times of Israël qu’avec « quelque chose de complexe et qui implique différents groupes, vous devez être rapide et aller à l’essentiel. Sinon, on n’y arrivera pas. »
Les familles de Sa’ad – interprétées par des élèves d’un programme pré-militaire voisin – sont arrivées dans une école du camp d’Alon, où des membres du corps enseignant, quelque peu perturbés par l’interruption des horaires de leurs élèves, ont reçu et aidé les faux réfugiés.
De manière quasi-simultanée, à 10 heures 10, une sirène a retenti à Kfar Adumim, suivie quelques instants plus tard d’une simulation de tir de roquette visant l’école secondaire Ma’ayanot Eshkol.
Les organisateurs de l’exercice ont mis en place un « site de destruction » non loin de l’école, mettant le feu à une voiture et mettant des mannequins gonflables sous des dalles de béton afin de simuler un scénario dans lequel des personnes sont piégées dans les débris.
Les pompiers – des services civils d’incendie et de sauvetage et du Commandement du Front intérieur de l’armée – ont éteint l’incendie et utilisé des outils puissants et leurs propres mains pour libérer les victimes piégées. Un soldat israélien a également emmené une victime sur un terrain rocheux afin de forcer le service médical d’United Hatzalah à utiliser un de ses véhicules tout-terrain pour l’évacuer en toute sécurité.
À l’école même, les organisateurs ont rempli le bâtiment de fumée épaisse – mais inoffensive – et les élèves ont agi comme des victimes.
Les ambulanciers du service Magen David Adom, United Hatzalah et l’armée ont travaillé de concert pour soigner et évacuer les 17 blessés.
Certaines « victimes » simulaient des blessures graves, tandis que d’autres faisaient semblant d’être légèrement blessées mais nécessitaient néanmoins une évacuation rapide pour d’autres raisons, notamment pour une femme enceinte, jouée par une adolescente avec un oreiller sous sa chemise.
Dans le cas d’une telle situation d’urgence, les premiers médecins sur les lieux prennent en charge l’opération de traitement et d’évacuation, selon le Capitaine Roey Simon, officier médical de Tsahal, qui a participé à l’exercice.
Ceux qui simulaient un état grave ont été envoyés – tout du moins sur le papier – soit aux hôpitaux de Jérusalem en ambulance, soit au centre médical Beilinson de Petah Tikva par hélicoptère, a expliqué Simon.
Pendant ce temps, à 10 heures 48, Cohen a décidé de lancer une catastrophe qui n’était pas prévue dans le cadre de l’exercice. « Donnez-leur une fusillade à Givat Harel », a-t-il dit aux organisateurs au téléphone, faisant référence à une autre implantation de la région de Binyamin.
Quelques instants plus tard, les participants à l’exercice ont reçu une mise à jour par SMS : « Coups de feu à l’entrée de Givat Harel. »
Ce scénario d’attaque simulé comprenait une personne blessée et les assaillants fuyant les lieux.
Environ une heure plus tard, peu après midi, les participants été notifiés d’une autre simulation d’attaque par balle, celle-ci devant Kfar Adumim. Dans ce scénario, deux personnes ont été blessées, dont une grièvement, et les deux hommes armés ont été abattus par les forces de sécurité.
Selon Gantz, la première fusillade, sans doute moins grave, aurait pu être plus problématique pour le gouvernement local, déjà confronté au chaos d’une attaque de roquettes mortelle.
« En cas d’urgence, vous ne pouvez pas tout gérer. C’est précisément {le but] de l’exercice, pour vérifier que nous le savons », a dit Gantz.
« Nous devons savoir si l’événement est toujours ‘vivant’ ou ‘mort’. S’il est mort, ce n’est pas intéressant. Après, on pourra faire une enquête. Mais s’il est ‘vivant’, nous devons déterminer s’il s’agit de quelque chose d’isolé ou s’il a des implications plus larges. S’il s’agit d’un événement qui se déroule, il faut le gérer du sommet vers la base », dit-il. « Dans ce cas, nous avions un adjoint au maire qui dirigeait l’événement. »
L’exercice s’est terminé peu après 12 h 30 et a été suivi d’un débriefing.
Bien qu’il y ait eu quelques critiques à l’égard des réactions de la part des autorités locales, les retours ont été généralement positifs. Mettre le doigt sur les points faibles est l’un des objectifs principaux de ce genre d’exercices.
« Nous faisons des exercices en temps de paix pour que les choses fonctionnent bien en cas d’urgence », a dit Cohen.
M. Cohen, le lieutenant du Commandement du Front intérieur, a déclaré que les militaires ont intensifié leurs exercices avec les gouvernements locaux au cours des deux dernières années.
« Nous avons commencé à travailler plus intensément », a-t-il dit. « Nous avons des gouvernements locaux qui font un travail plus sophistiqué et d’autres qui sont un peu plus faibles et nous faisons des choses plus fondamentales avec eux et, si Dieu le veut, un jour, ils seront au niveau de Mateh Binyamin. »
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