Comment le Hamas se sert de l’islam
Le groupe terroriste de Gaza s’est toujours servi de l’islam pour justifier son combat nationaliste, disant tirer ses principes du Coran et se battre au nom de l’islam
Au pouvoir depuis 2007 à Gaza, le Hamas a tenté, par la guerre du mois dernier – la septième du genre –, d’appuyer et d’affirmer son leadership sur la cause palestinienne, tout en nuisant à Israël.
Si le conflit est politique, le Hamas s’est toujours servi de l’islam pour justifier son combat territoriale et nationaliste – principes que d’autres organisations terroristes rejettent, parmi lesquelles l’État islamique et Al Qaïda, qui ont pour précepte l’établissement d’un califat islamique mondial. Le Hamas définit ainsi dans sa charte fondatrice son idéologie comme islamiste, et dit tirer ses principes du Coran et se battre au nom de l’islam. Cette quête islamique lui vaut d’être soutenu financièrement et militairement par le Qatar et l’Iran.
« Quant à ses objectifs : Combattre le Mensonge, le défaire et le détruire pour que règne la Vérité, que les patries soient restituées, que l’appel à la prière annonçant l’établissement de l’État de l’islam soit lancé du haut de leurs mosquées », indique l’article 9 de la charte de l’organisation. « Dieu est son but, l’Apôtre son modèle et le Coran sa constitution », est-il aussi écrit.
« Le Mouvement de la Résistance islamique considère que la terre de Palestine est une terre islamique waqf [de main-morte] pour toutes les générations de musulmans jusqu’au jour de la résurrection. Il est illicite d’y renoncer en tout ou en partie, de s’en séparer en tout ou en partie », indique l’article 11.
« Renoncer à quelque partie de la Palestine que ce soit, c’est renoncer à une partie de la religion », ajoute l’article 13.
Le Hamas, acronyme de Harakat Al Muqawarma Al Islamiya (traduction : Mouvement de résistance islamique), a été officiellement fondé en 1987, au début de la Première Intifada, par le cheikh Ahmed Yassine, tué en 2004 dans une opération ciblée de l’armée israélienne. L’organisation prenait alors la suite de l’Al-Mujamma’ al-islami (Centre islamique) qui s’est, entre la guerre des Six jours et la fondation du Hamas, consacré aux œuvres sociales et à la construction de mosquées – le nombre de celles-ci a beaucoup augmenté ces années-là en Cisjordanie et à Gaza.
Influent à Gaza dès sa fondation, très proche du mouvement des Frères musulmans égyptiens – organisation transnationale islamique sunnite fondée en 1928 en Egypte –, le Hamas prône ainsi un État islamique palestinien, la destruction d’Israël et le djihad contre les Juifs (« L’Heure ne viendra pas avant que les musulmans n’aient combattu les Juifs », indique l’article 7 de la charte, dans laquelle d’autres exemples d’antisémitisme s’y retrouvent). Le groupe, qui se distingue en deux branches, l’une armée, les brigades Izz al-Din al-Qassam, et l’autre politique, est aujourd’hui présidé par Ismaïl Haniyeh, qui vit au Qatar. Yahya Sinwar, basé à Gaza, est cependant vu comme son véritable dirigeant – l’homme a passé 22 ans dans les prisons israéliennes après avoir commis des attentats.
Après avoir longtemps mené des attentats contre des civils israéliens, et ce jusqu’à la Deuxième Intifada au début des années 2000, le mouvement s’est politisé dans les années 1990 en s’engageant contre les accords d’Oslo – dissension majeure avec l’OLP – et s’est notamment depuis spécialisé dans le tir de roquettes vers Israël, comme l’a à nouveau illustré le conflit du mois dernier. Ces actions lui valent d’avoir été inscrit à la liste des organisations terroristes de l’Union européenne, du Canada, des États-Unis, d’Egypte, de Jordanie et d’Israël.
S’il a retiré tous les « signes » des Frères musulmans à Gaza en 2016 – notamment les portraits du fondateur des Frères musulmans Hassan el-Banna et du président égyptien déchu Mohamed Morsi, essentiellement dans le but que l’Egypte accepte de rouvrir sa frontière avec Gaza –, le groupe reste très proche de l’organisation religieuse, classée depuis terroriste.
Le mois dernier, au média Middle East Eye, Khaled Meshaal, responsable de la diaspora palestinienne au Hamas, déclarait ainsi : « Bien que nous sommes une composante essentielle des Frères musulmans, nous sommes un mouvement de résistance et nous n’interférons pas dans les affaires des autres et nous interagissons avec les pays islamiques et avec d’autres sur la base de notre cause et ses intérêts sans interférer dans leurs affaires ou qu’ils interfèrent dans les nôtres. »
« Il est devenu évident pour tous les Palestiniens, les Arabes et les musulmans et pour les peuples libres du monde que les jours d’Israël sont comptés et que cette entité coloniale d’occupation n’a aucun avenir dans la région », disait-il lors du même entretien, rappelant ce lien religieux.
« En se présentant comme le défenseur des saintes mosquées de Jérusalem, le Hamas est un mouvement religieux et sa volonté est de placer le conflit avec Israël sur le plan religieux », expliquait le mois dernier le journaliste Charles Enderlin à la radio RCF.
Le Hamas « se pose en défenseur de la Palestine, de Jérusalem et de l’islam et le seul [acteur palestinien] qui peut faire payer à Israël le prix de l’occupation », expliquait lui le mois dernier Hussein Ibish, spécialiste du Moyen-Orient, au journal L’Orient Le Jour.
Cependant, Leïla Seurat, chercheuse à l’Université libre de Bruxelles, a estimé auprès de Franceinfo que le « discours religieux du Hamas s’est désormais fondu dans une rhétorique de conformité au droit international ». Selon elle, le groupe veut maintenant « montrer que sa lutte est légitime », tout en essayant de dissimuler son idéologie autoritaire et ses dérives (arrestations arbitraires, tortures, exécutions sommaires, violations multiples des droits de l’homme, atteinte à la liberté de la presse, utilisation de civils en tant que boucliers humains, notamment des enfants…)
Le mois dernier, le Hamas et le Jihad islamique ont tiré quelque 4 300 roquettes depuis Gaza – essentiellement depuis des zones peuplées.