« Comment un État fondé dans le sillage de la Shoah peut-il oublier ses citoyens ? », demande une ex-otage
Alors que les rassemblements demandant un accord prévoyant la fin de la guerre ont repris après Pessah, le frère d'un captif a affirmé que "le gouvernement de l'horreur, des haineux d'Israël, travaille à sacrifier des citoyens, des soldats"
Des milliers de personnes sont descendues dans la rue samedi soir, réclamant un accord qui mettrait un terme à la guerre à Gaza – ce qui ouvrirait la porte à la remise en liberté des otages qui sont encore entre les mains du Hamas. Ces rassemblements ont marqué la reprise des manifestations hebdomadaires qui avaient été interrompues la semaine dernière à l’occasion de Pessah.
Des mouvements de protestation qui ont eu lieu quelques heures après la diffusion, par le Hamas, d’une vidéo de propagande qui mettait en scène un otage, Elkana Bohbot – c’était la troisième vidéo. Dans cette dernière, le captif, manifestement désemparé et grimé, s’adresse à sa famille, confiant à son épouse et à son fils qu’il rêve de pouvoir enfin revenir à leurs côtés.
Après que la famille du captif a donné son approbation à la diffusion de la vidéo qui a été rendue publique samedi, ses proches ont publié un communiqué où ils ont indiqué être « profondément choqués et dévastés ».
« Alors que Pessah touche à sa fin, ce que nous sommes actuellement en train de vivre est tout le contraire de la liberté. Combien de souffrances une personne doit-elle endurer ? », s’interroge la famille dans ce communiqué.
Un certain nombre d’anciens otages ont pris la parole lors des rassemblements de samedi. Ilana Gritzewsky a confié à une foule de plusieurs centaines de personnes qui s’étaient réunies sur la place des otages de Tel Aviv que ses ravisseurs du Hamas « m’ont fait du mal – physiquement, émotionnellement, psychologiquement, sexuellement – jusqu’à ce que je sois au paroxysme de la peur et de l’humiliation ».
« Mais le Hamas n’a pas gagné », a-t-elle ajouté. « Personne n’a pris l’esprit de foi et d’espoir qui est le mien et personne ne pourra me l’arracher ».
Gritzewsky avait été enlevée alors qu’elle se trouvait avec son compagnon, Matan Zangauker, dans leur maison du kibboutz Nir Oz lors du pogrom commis par le Hamas, le 7 octobre 2023. Elle avait été libérée pendant une trêve d’une semaine, le mois suivant. Zangauker, pour sa part, est toujours otage.

« Ils ont pris Matan à ma vie, ils m’ont volé mon humanité, ils m’ont battue, ils m’ont humiliée, ils m’ont laissée sans nourriture, sans eau, sans dignité », a ajouté Gritzewsky devant la foule.
« Au lieu de tout arrêter et de les ramener ici, ce gouvernement choisit de leur tourner le dos, il choisit de les abandonner », a-t-elle accusé. « Et je vous le demande : Comment est-ce possible ? Comment un État fondé dans le sillage de la Shoah peut-il oublier ses fils et ses filles qui sont détenus dans des conditions dignes de la Shoah ? »
« Le gouvernement a baissé les bras mais nous continuerons à nous battre », a-t-elle affirmé. « Parce que ce n’est pas une question politique. C’est une question de vie ou de mort ».
Omer Shem Tov, relâché par le Hamas au mois de février dans le cadre du cessez-le-feu qui s’est effondré, le mois dernier, a également pris la parole sur la place des Otages.
Dans son discours, Omer Shem Tov a appelé le Premier ministre Benjamin Netanyahu à « faire un pas courageux, un pas sioniste, juif et humain » et à garantir le rapatriement des 59 personnes qui se trouvent encore à Gaza en une seule fois – même au prix d’un arrêt des combats dans la bande.

« Maintenant et en une seule fois », a dit Omer Shem Tov. « Et si cela signifie mettre un terme à la guerre, alors mettez un terme à la guerre », a-t-il continué, notant que les sondages montrent qu’une large majorité du public israélien soutiendrait cette initiative. Samedi soir, dans une longue déclaration, Netanyahu a indiqué qu’il ne mettrait pas fin à la guerre en échange du rapatriement des captifs, arguant que cela équivaudrait à « une capitulation » devant le groupe terroriste palestinien.
« Quand j’étais là-bas, en captivité, j’ai fait l’expérience du terrorisme psychologique », a expliqué Shem Tov. « Ils m’ont dit qu’Israël s’effondrait, que notre société se désintégrait, que l’hostilité, les fractures et les divisions renforçaient le Hamas ».
Il a souligné qu’il n’avait pas cru ses ravisseurs et qu’à son retour, il avait constaté que « nous avions une nation forte et unie ». Il a remercié la foule de la place des Otages, disant qu’il avait assisté à leurs rassemblements pendant sa captivité.
Shem Tov a déclaré qu’il y a une semaine, lors du Seder de Pessah, alors qu’il fêtait la libération des anciens Israélites de l’esclavage en Égypte, il avait compris « l’importance de cette fête. L’importance de cette nation. La signification de cet État. Et cette signification, c’est la liberté : la mienne, celle de ma famille, celle de mes amis ».
« Mais cette liberté ne sera pas totale sans la libération de mes frères qui restent à Gaza », a-t-il fait remarquer.

S’exprimant devant des centaines de manifestants anti-gouvernement dans la rue Begin, toujours à Tel Aviv, Omri Lifshitz, le fils de Yocheved Lifshitz, qui a survécu à la captivité et d’Oded Lifshitz, un otage tué, a semblé accuser certaines familles d’otages ou ayant un perdu un proche, à la droite de l’échiquier politique, d’être « prêtes à sacrifier leurs fils pour conquérir la terre de Gaza ».
Dans son discours, Lifshitz a noté que cette volonté était bien présente dans certaines parties « du gouvernement et de forums extrémistes », faisant apparemment référence au forum Gvura, qui réunit des familles de soldats tombés au champ d’honneur à Gaza et au forum Tikva, qui rassemble des familles d’otages convaincues que seules des pressions militaires permettront à leurs êtres chers de recouvrer la liberté.
« Ceux qui sanctifient la terre ne seront jamais à la hauteur de ceux qui sanctifient la vie », a-t-il affirmé, exprimant la crainte que la nouvelle offensive israélienne à Gaza ne tue les otages encore en vie et n’anéantisse tout espoir de récupérer les corps sans vie des défunts.
« Il apparaît clairement aux yeux de tout le monde qu’en se retirant de Gaza et en mettant un terme à cette horrible guerre, les dépouilles auraient été ramenées il y a déjà de nombreux mois », a-t-il ajouté, appelant Israël à « se retirer de Gaza pour toujours ».

Yotam Cohen, le frère du soldat Nimrod Cohen qui se trouve dans les geôles du groupe terroriste à Gaza, a déclaré aux manifestants qu’il n’y aurait « aucune clémence pour les agissements » qui ont été ceux de Netanyahu et de ses alliés.
« Jamais nous n’oublierons. Nous rappellerons aux générations futures qu’en temps de guerre, un gouvernement de l’horreur, haïssant Israël, s’est employé à sacrifier des citoyens et des soldats », a-t-il dit.
Faisant référence au porte-parole de Netanyahu, Omer Dostri, qui a indiqué samedi soir qu’Israël ne pouvait pas rapatrier tous les otages parce que cela nécessiterait la fin de la guerre et que le Hamas resterait au pouvoir, Cohen a expliqué qu’il considérait cette déclaration comme un « aveu direct de l’incompétence du gouvernement et de son chef ».
« Netanyahu est incompétent et il est incapable d’être le Premier ministre d’Israël », a-t-il dit.

Samedi également, la police s’est heurtée à des centaines de manifestants anti-gouvernement à l’extérieur du Moshav Mazor, dans le centre d’Israël, où Netanyahu et sa famille étaient attendus pour célébrer la Mimouna, la fête marquant la fin de Pessah.
Malgré les initiatives prises par les protestataires pour encercler la communauté, Netanyahu et son épouse Sara ont fini par arriver à Mazor pour le henné de leur fils Avner, une fête qui avait été organisée par la famille de la fiancée de ce dernier, Amit Yardeni.
Dans un communiqué, le bureau du Premier ministre a déclaré que Netanyahu avait annulé sa participation prévue à la fête de la Mimouna en raison d’un incident survenu à Gaza – incident qui a entraîné la mort d’un soldat et qui a fait cinq blessés dans les rangs des militaires. Toutefois, il semble que la Mimouna et la cérémonie à laquelle ont pris part le chef de gouvernement et son épouse étaient le seul et même événement.
ראש הממשלה נתניהו ורעייתו שרה באירוע החינה של בנם אבנר ובחירת ליבו.❤️❤️❤️שיהיה להם שמח כל חייהם ❤️❤️ pic.twitter.com/0AsvyUU8zw
— Shoula Romano-Horing???????????????????????? (@RomanoHoring) April 19, 2025
Parmi les manifestants qui s’étaient réunis à l’extérieur du moshav se trouvait Yoram Yehudai, dont le fils Ron avait été assassiné par des terroristes du Hamas lors du festival de musique électronique Nova, le 7 octobre 2023. Yoram a cherché à rencontrer Netanyahu mais il en a été empêché par les forces de l’ordre, a signalé Ynet.
Les groupes terroristes de la bande de Gaza détiennent toujours 59 otages au total – dont 58 des 251 personnes qui avaient été kidnappées le 7 octobre 2023. Parmi ces otages, les corps sans vie d’au moins 35 personnes dont la mort a été confirmée par l’armée israélienne.
24 otages encore en vie devaient être relâchés par le groupe terroriste dans le cadre de la deuxième phase de l’accord de cessez-le-feu conclu au mois de janvier – et qui s’est effondré après la fin de sa première phase mars, Israël ayant repris les combats à Gaza au mois de mars.