Coronavirus : Les employés israéliens les plus touchés par la crise économique
Les chiffres du ministère des Finances montrent que le salaire moyen de ceux qui ont perdu leur emploi en raison de la pandémie était inférieur d'un tiers à la moyenne générale
Alors que la gravité de la pandémie de coronavirus commence à s’atténuer et qu’Israël rouvre lentement son économie, un sombre tableau se dessine concernant les dommages que le virus a causés aux salariés, les plus mal payés, les plus jeunes et les plus âgés étant les plus touchés.
Les centres commerciaux, les marchés de plein air et les gymnases ont rouvert jeudi matin après plus de six semaines de fermeture, le nombre de nouveaux cas quotidiens du nouveau coronavirus étant resté inférieur à quelques dizaines. Les ouvertures de jeudi font partie d’une série de restrictions assouplies sur le coronavirus annoncées la semaine dernière.
Israël comptait 16 458 cas confirmés de COVID-19 et 248 décès dus au coronavirus le 10 mai à midi. L’économie étant pratiquement au point mort, le nombre de chômeurs a atteint 1 093 000 à la mi-avril, portant le taux de chômage à un niveau sans précédent de 26 %, alors qu’il était inférieur à 4 % avant l’apparition du coronavirus.
Les données publiées par le ministère des Finances mercredi ont montré que les salariés qui ont perdu leur emploi – qu’ils aient été licenciés ou mis en congé sans solde – avaient un salaire inférieur à la moyenne (par rapport au salaire moyen de 2019), et que 54 % d’entre eux provenaient de petites entreprises.
Les données compilées par l’Institut israélien de la démocratie (IDI) sur les chômeurs ont montré que les travailleurs les plus jeunes, âgés de 18 à 24 ans, et les plus âgés, de plus de 65 ans, étaient les plus touchés par les suppressions d’emplois.
Sur plus d’un million de personnes qui se sont inscrites comme chômeurs auprès du service de sécurité sociale et de l’agence pour l’emploi depuis le début de la crise du coronavirus, 88 % étaient en congé sans solde, tandis que les autres ont été licenciés, a déclaré le ministère des Finances.
La moitié du total provenait de six secteurs : éducation, alimentation et boissons, commerce de détail, industrie, prestataires de services aux ménages et commerce de gros. Les secteurs les plus touchés, selon le ministère, sont ceux qui génèrent naturellement des rassemblements d’un grand nombre de personnes, tels que le divertissement, le sport, le cinéma et les spectacles musicaux.
Le salaire moyen des employés qui ont perdu leur travail était inférieur d’un tiers au salaire moyen. Ils gagnaient en moyenne 6 342 NIS (1 585 €) par mois sur leur dernier lieu de travail, contre un salaire moyen de 10 481 NIS par mois en 2019. Cela signifie que globalement, ce sont les travailleurs les plus faibles, ceux qui gagnent le moins et ont les niveaux de productivité les plus bas, qui ont perdu leur emploi, selon le rapport.
Même au sein des secteurs les plus rémunérateurs – par exemple, le secteur financier – les travailleurs les plus touchés sont ceux dont les salaires sont les plus bas, comme le montrent les données.
54 % de tous les travailleurs qui ont perdu leur emploi provenaient de petites entreprises. Parmi eux, 27 % venaient de lieux de travail dont le chiffre d’affaires était inférieur à 5 millions de NIS par an, selon les données du ministère des Finances.
« La perte des salariés les plus faibles » augmente la capacité des entreprises à fonctionner « et réduit l’ampleur des dommages économiques », selon le rapport. « Mais le retour sur le lieu de travail des travailleurs qui ont une productivité plus faible sera beaucoup plus difficile ».
Le gouvernement devrait donc investir pour aider ceux qui ont perdu leur emploi à acquérir d’autres compétences, selon le rapport. « Cet investissement peut conduire à une meilleure intégration sur le marché du travail et, à plus long terme, à une augmentation de la productivité de l’économie », selon le rapport.
Dans une enquête représentative menée auprès de quelque 600 personnes entre le 29 mars et le 2 avril, l’Institut israélien de la démocratie a constaté que quelque 60 % des travailleurs âgés de 18 à 24 ans étaient placés en congé obligatoire ou en congé sans solde ou étaient licenciés. Ce chiffre est à comparer à 42 % des 25-34 ans, 29 % des 35-44 ans et 34 % des 45-64 ans. Les données montrent que ce chiffre est passé à 49 % pour les plus de 65 ans.
« Les personnes les plus touchées par le virus sont les jeunes travailleurs salariés », a déclaré Daphna Aviram-Nitzan, directrice du Centre pour la gouvernance et l’économie à l’Institut israélien de la démocratie, dans un entretien téléphonique. « Ils sont au cœur de la crise, car une grande partie d’entre eux travaillent dans des secteurs qui sont encore fermés et ne seront pas ouverts dans les prochains jours, comme les restaurants, l’industrie du divertissement, le tourisme, les loisirs ».
La population la plus âgée a également souffert, car à la fin de leur carrière, les gens occupent souvent des emplois dans lesquels ils peuvent être facilement remplacés, a-t-elle dit.
Les deux groupes d’âge, les plus âgés et les plus jeunes, sont généralement « les plus vulnérables sur le marché du travail », a-t-elle déclaré. « C’est toujours le cas ».
Les employés qui sont nouveaux et jeunes – à l’exception de ceux du secteur technologique – sont moins précieux pour leurs employeurs que ceux qui ont plus d’expérience, a-t-elle déclaré. Les personnes âgées, pour leur part, sont considérées comme remplaçables puisqu’elles sont proches de la retraite, il est donc souvent « facile de se séparer de ces personnes ».
Cependant, a-t-elle ajouté, ce qui est différent dans cette crise, causée par le coronavirus, c’est que « les jeunes travailleurs ont été plus touchés que ce que nous voyons généralement, plus que lors des crises précédentes ».
Et ce, parce que les mesures de distanciation sociale imposées pour réduire les taux de contamination ont entraîné la fermeture de bars, de restaurants et d’activités de divertissement dans lesquels de nombreux jeunes ont tendance à travailler.
« Ils pouvaient économiser de l’argent avant leur grand voyage » après leur service militaire obligatoire, « ce qui ne sera pas le cas à présent », a-t-elle déclaré. « Ce sont des gens au début de leur carrière ».
La tranche d’âge des 18-24 ans est également celle qui a droit au plus petit montant d’allocations de chômage, a-t-elle déclaré, car c’est elle qui a probablement passé le moins de temps sur le marché du travail. Le maximum qu’ils peuvent obtenir est de 50 jours d’allocations de chômage ou de congé, ce qui signifie que très bientôt, la plupart d’entre eux n’auront aucun moyen de subvenir à leurs besoins, a déclaré Mme Aviram-Nitzan. S’ils ne retournent pas travailler et épuisent leurs allocations de chômage, « ils seront très vulnérables ».
Mais tout n’est pas perdu pour cette tranche d’âge, a déclaré Mme Aviram-Nitzan. « Certains d’entre eux iront étudier… d’autres changeront peut-être leurs projets. Mais ils sont encore au début de leur vie, ils n’ont pas, pour la plupart, de famille avec des enfants, donc ils peuvent se débrouiller plus facilement que les personnes de 30 ou 40 ans qui ont des enfants ».
« La reprise sera plus facile » pour les plus jeunes, a-t-elle ajouté. Ils peuvent repartir à zéro, « toutes leurs carrières sont devant eux, ils peuvent donc changer leurs plans et s’adapter à la situation actuelle ». Ils peuvent se débrouiller plus facilement que les personnes de 40 ans qui ont perdu leur emploi, car ils sont plus flexibles ».
De plus, les jeunes travailleurs peuvent retourner vivre chez leurs parents, s’ils ne peuvent pas payer leur loyer. « Si vous avez une famille, c’est plus compliqué. »
Dans ses données publiées jeudi, l’IDI prévoit qu’au cours du mois de mai, environ un demi-million des millions de travailleurs en congé sans solde depuis mars reprendront lentement le travail. Ainsi, le taux de chômage (y compris les travailleurs en congé sans solde) devrait baisser en mai à environ 15,2 %, contre un niveau actuel de quelque 27 %, le nombre total de chômeurs (y compris les travailleurs en congé sans solde) étant estimé à 620 000.
En juin, alors que l’économie aura repris son fonctionnement presque complet, la situation sur le marché du travail continuera de s’améliorer, avec quelque 160 000 personnes censées retrouver un emploi, selon l’IDI.
Certains secteurs de l’économie continueront probablement à fonctionner à un niveau plus limité, et l’économie n’atteindra donc pas le niveau de plein emploi enregistré avant la crise du coronavirus. Ainsi, le nombre de chômeurs en juin devrait être d’environ 460 000 – soit un taux de chômage d’environ 11,2 %.
Un taux de chômage à deux chiffres a été enregistré pour la dernière fois pendant la crise de 2001-2004 causée par le crash des dotcom [entreprises exerçant une activité commerciale sur l’Internet] et la seconde Intifada, et même à ce moment-là, le chômage ne se situait « qu’entre » 10,3 % et
10,7 %, selon l’IDI.
La dernière fois qu’Israël a connu un taux de chômage de 11,2 %, c’était en 1992, causé à l’époque par l’énorme afflux d’immigrants en âge de travailler en provenance de l’ex-Union soviétique, selon l’IDI. Cette immigration de personnes hautement qualifiées s’est finalement transformée en une aubaine économique pour Israël, jetant les bases de son secteur technologique florissant.