Darmanin envisage pour la première fois la dissolution de Génération identitaire
En 2019, les dissolutions de plusieurs groupuscules d'ultradroite ont été prononcées à la demande de Macron, mais celle-ci apparaît plus difficile à matérialiser
La dissolution de Génération identitaire, réclamée de longue date par plusieurs associations et partis politiques, a été évoquée pour la première fois mardi par Gérald Darmanin, « scandalisé » par la récente opération anti-migrants du groupuscule d’extrême droite dans les Pyrénées.
« J’ai demandé aux services du ministère de l’Intérieur de réunir les éléments qui permettraient (…) de proposer la dissolution de Génération identitaire », a déclaré le ministre de l’Intérieur.
« Si les éléments sont réunis, je n’hésiterai pas à proposer la dissolution », a ajouté M. Darmanin, « scandalisé par le travail de sape de la République des militants de Génération identitaire », qui ont mené la semaine dernière une opération anti-migrants entre Luchon (Haute-Garonne) et l’Espagne.
Une trentaine de leurs militants dans des voitures sérigraphiées « Défend Europe » s’étaient installées au Col du Portillon, certains partis en randonnée et utilisant un drone pour surveiller la frontière.
Le ministère agira « évidemment dans le cadre des lois et des règlements de la République en proposant notamment, une fois que ces éléments seront réunis, le contradictoire dû à chaque association », a-t-il assuré lors d’une conférence de presse consacrée à l’activité des forces de l’ordre.
Le dossier a été confié au Service central du renseignement territorial (SCRT) et à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), a précisé à l’AFP son entourage.
C’est la première fois que Gérald Darmanin condamne publiquement les agissements de ce groupuscule et évoque la possibilité de sa dissolution.
Ces dernières semaines, son ministère s’était davantage focalisé sur l’islamisme et avait obtenu la dissolution d’associations soupçonnées d’être proches de cette mouvance (CCIF, BarakaCity, collectif Cheikh Yassine).
« II y a déjà beaucoup d’études qui ont été lancées pour nous dissoudre mais on n’a rien à nous reprocher, la justice approuve toutes nos actions », a réagi auprès de l’AFP Clément Gandelin dit « Galant », président de Génération identitaire (GI), association créée en 2012 qui revendique quelque 2 800 adhérents.
« Gérald Darmanin n’arrivera pas à nous dissoudre facilement. On n’a jamais été condamné », a-t-il assuré.
En décembre, Génération identitaire et trois de ses cadres avaient été relaxés par la cour d’appel de Grenoble pour des précédentes opérations anti-migrants menées en 2018 dans les Alpes, à la frontière franco-italienne.
« Difficulté juridique »
En 2019, les dissolutions de plusieurs groupuscules d’ultradroite, dont Bastion social, Blood and Honour et Combat 18, ont été prononcées à la demande d’Emmanuel Macron, mais celle de Génération identitaire apparaît plus difficile à matérialiser.
« Ils sont plus malins que les autres, essaient autant que possible de ne pas franchir les lignes jaunes, mais poussent le bouchon à chaque fois un peu plus loin », souligne à l’AFP le ministère de l’Intérieur.
Les actions du groupuscule pourraient relever, selon le code de la sécurité intérieure (CSI), de « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur origine ».
Le CSI prévoit également la dissolution d’associations « présentant, par leur forme et leur organisation militaires, le caractère de groupes de combat ou de milices privées ».
« La difficulté est juridique. Il faut matérialiser les éléments constitutifs du CSI. Génération identitaire fait bien attention à ne pas tomber dedans dans toute sa production littéraire, sur le net ou ailleurs », explique à l’AFP une source sécuritaire.
En 2012, le ministre de l’Intérieur Manuel Valls avait déjà déclaré que la dissolution de Génération identitaire était « étudiée », mais ne l’a jamais présentée en Conseil des ministres.
Le siège de Génération identitaire est installé à Lyon mais l’association dispose également d’une section à Paris et d’antennes à Dijon, Aix-en-Provence, Montpellier et en Normandie.
Soutien du Rassemblement national
Plusieurs cadres du Rassemblement national, qui avaient récemment pris leurs distances avec le groupuscule, ont indirectement pris sa défense mardi.
« De nombreuses mosquées radicales signalées en France, mais pour Darmanin c’est Génération identitaire qu’il faut dissoudre ! Le sens des priorités dangereuses de ce gouvernement me choquera toujours… », a tweeté l’eurodéputé RN Gilbert Collard.
Le vice-président du parti Jordan Bardella a lui réagi en demandant la dissolution de l’association pro-migrants Utopia 56, « qui promeut l’illégalité et défie l’État ».
Le vice-président du RN a aussi demandé, dans deux autres tweets, « quand » le ministre allait dissoudre trois fédérations qui ont refusé de signer la « charte des principes » de l’islam de France – réaffirmant la « compatibilité » de l’exercice du culte musulman avec les valeurs de la République –, ainsi que le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), qui va contester sa dissolution déjà prononcée devant le Conseil d’État.
M. Darmanin « veut la dissolution de #GenerationIdentitaire ! Et la LDNA (Ligue de défense noire africaine, NDLR) qui qualifiait il y a peu les militaires Français morts au Mali de ‘terroristes’ vous comptez la
dissoudre ? Ou bien vous faites juste de la communication politique ? », a tweeté un autre membre de la direction du RN, le maire de Fréjus David Rachline.
La présidente du RN Marine Le Pen avait, le 1er mai 2018, rendu « hommage » aux actions anti-migrants menées dans les Alpes par GI, saluant une « belle opération de communication ».
Pour le spécialiste de l’extrême droite, Jean-Yves Camus, « les opérations de GI sont tout bénéfice pour le RN » car la « dédiabolisation » du parti « passe par le fait que les jeunes ne fassent plus assaut de radicalité » comme dans les années 1980 et 1990.
Et les jeunes identitaires sont à terme un « vivier de recrutement » pour le RN, selon l’expert, à l’instar de l’ancien responsable des Identitaires (dont GI est la branche jeunesse) Philippe Vardon, entré en 2018 au Bureau national du RN (direction élargie), ou de l’ancien cadre de GI, Damien Rieu, devenu en 2019 assistant parlementaire du principal conseiller de Marine Le Pen, l’eurodéputé Philippe Olivier.