Delphine Horvilleur évoque la « solitude » des Juifs face à l’antisémitisme
"Ceux qui devraient être les acteurs-clés du combat contre le racisme ne sont pas toujours au rendez-vous lorsqu’il s’agit de lutter contre l’antisémitisme", estime la rabbin
Dans une interview publiée le 9 janvier dans le journal Le Monde, la rabbin Delphine Horvilleur du Mouvement juif libéral de France a évoqué la « solitude » des Juifs face à l’antisémitisme.
Réalisé à l’occasion des 5 ans de la tuerie de l’Hyper Cacher, à Paris, l’entretien revient sur l’après-attentat, sur l’antisémitisme en France et sur la place des Juifs dans le pays.
« Après l’assassinat d’Ilan Halimi, le massacre de l’école Ozar Hatorah à Toulouse en 2012, l’Hyper Cacher. La vie a continué, mais c’est comme si certains événements, parfois certains mots, réactivaient une angoisse profonde, presque sous la forme d’un choc post-traumatique », explique-t-elle.
Elle évoque également une « solitude ressentie par les Juifs […], symptomatique de quelque chose qui dépasse de beaucoup une simple ‘communauté’ ».
Elle regrette ainsi que, ces dernières années, « bien des combats collectifs se sont fracturés ». « Ceux qui devraient être les acteurs-clés du combat contre le racisme ne sont pas toujours au rendez-vous lorsqu’il s’agit de lutter contre l’antisémitisme. Et vice versa, peut-être », exprime-t-elle.
Selon elle, aujourd’hui, le combat commun n’existe plus, et chaque communauté a ses propres problématiques et revendications.
Elle estime ainsi qu’au sein « d’une certaine gauche, il y a eu une incapacité à être présent aux côtés des Juifs au moment où il fallait l’être, et parfois une certaine porosité aux discours complotistes ou aux clichés antisémites ». Elle argumente en citant l’exemple des récents propos de Jean-Luc Mélenchon. Elle regrette également que, « dans la lutte contre l’antisémitisme, certains se choisissent pour alliés une extrême droite avec laquelle nous n’aurions jamais parlé il y a quelques années ».
Elle reste perplexe au sujet de l’affaire Sarah Halimi : « L’assassin est jugé irresponsable pénalement et, simultanément, le motif antisémite est retenu. L’arrêt de la cour d’appel décrit Traoré comme un ‘baril de poudre’ et l’antisémitisme comme ‘l’étincelle’. Mais la question en suspens, et qui reste comme éclipsée par les débats, est : pourquoi, ces dernières années, l’antisémitisme ‘permet’ le passage à l’acte et fait étincelle ? »