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Des chercheurs israéliens réussissent à dater grâce à des graines des temps du 1er Temple

Cette nouvelle méthode a permis de résoudre l'énigme de Hallstatt, qui remontait à l'âge de fer, et de lever le voile sur la chronologie de l'ancienne Jérusalem. Voici comment ils ont procédé

Les fouilles archéologiques dans le parking de Givati, dans la ville de David. (Eliyahu Yannai, Ville de David)
Les fouilles archéologiques dans le parking de Givati, dans la ville de David. (Eliyahu Yannai, Ville de David)

Les connaissances archéologiques nous parviennent le plus souvent grâce à de petits objets découverts lors de fouilles, de recherches et d’analyses minutieuses qui s’apparentent à un puzzle géant composé de toutes petites pièces.

Cette philosophie a été reprise dans un article publié il y a peu et qui a fait grand bruit dans le monde de l’archéologie : en effet, un collectif d’experts israéliens de plusieurs disciplines a utilisé des techniques de micro-archéologie pour glaner de nouvelles informations sur la taille de Jérusalem – bien plus grande qu’on ne le pensait – et sa chronologie lors de l’âge de fer, approximativement des années 1200 à 586 avant notre ère.

Grâce à un vaste échantillonnage de minuscules restes organiques rigoureusement étudiés, ces chercheurs semblent avoir résolu le mystère – fort ancien – de la datation au radiocarbone de cette période – découverte potentiellement révolutionnaire pour l’archéologie dans son ensemble.

« La datation au Carbone 14 était très, très mauvaise… Dans la Cité de David, nous sommes parvenus à une précision de l’ordre de moins de 10 ans, ce qui est vraiment révolutionnaire », explique la professeure Elisabetta Boaretto, de l’Institut Weizmann, qui a co-écrit l’article en question.

Cette étude au long cours a été patiemment et minutieusement menée grâce à l’excavation précise de minuscules éléments retrouvés à l’intérieur de strates datées, elles, avec certitude.

« On a utilisé de tout petits morceaux de graines carbonisées », explique le Dr Joe Uziel, de l’Autorité israélienne des antiquités (IAA), lui aussi co-auteur de l’article, lors d’un appel téléphonique avec le Times of Israel.

« Cette étude met un point final à une dizaine d’années d’études intensives. Ce fut un long, très long projet de recherche. »

L’article, intitulé « La chronologie au radiocarbone de la Jérusalem de l’âge du fer révèle des écarts de datation et de développements architecturaux », a été publié en avril dans PNAS, la revue à comité de lecture de l’Académie nationale des sciences. Il a été rédigé par un collectif de chercheurs originaires de l’Institut Weizmann des sciences, de l’Autorité des antiquités d’Israël et de l’Université de Tel Aviv.

Les « graines carbonisées » qu’évoque Uziel sont parmi les plus nombreux des minuscules échantillons biologiques soigneusement recueillis in situ par les chercheurs, au cœur de plusieurs strates de l’ancienne Jérusalem. Elle sont un élément clé de leur méthode.

Ces échantillons ont ensuite été analysés par le laboratoire de Boaretto, celui de spectrométrie de masse de l’accélérateur de recherche Dangoor (D-REAMS), de l’Institut Weizmann des sciences, un accélérateur de particules utilisé pour la datation au radiocarbone hyper-précise, également connue sous le nom de datation au carbone 14 ou C-14.

Le spectromètre de masse par accélérateur de recherche Dangoor (D-REAMS) à l’Institut Weizmann des sciences. (Ohad Herches/Institut Weizmann des sciences)

La datation au carbone 14 permet de mesurer un isotope radioactif du carbone dans sa phase de désintégration. Présent dans tous les êtres vivants sur Terre, son taux de désintégration permet de déterminer l’âge approximatif d’un morceau de matière biologique échantillonné.

Toutefois, dans la période dite du plateau de Hallstatt – entre 770 et 420 avant notre ère – les échantillons donnent lieu à « plusieurs datations et des plages très larges », comme le notent les auteurs dans leur article.

Ce phénomène a longtemps contrarié les archéologues spécialisés dans cette période, car il rend presque impossible la datation précise, avec le radiocarbone. Même en utilisant l’accélérateur avancé D-REAMS, les échantillons de la période du plateau donnent lieu à des résultats très variables avec la datation au C-14, parfois de l’ordre de plusieurs centaines d’années.

A LIRE : De nouvelles techniques de datation au carbone permettent une « chronologie absolue » de Jérusalem à l’époque du Premier Temple

Le plateau de Hallstatt est sans doute la conséquence de »phénomènes astronomiques de production de C-14 dans l’atmosphère qui ont engendré des changements dans les isotopes et leur apparence au sein de la matière organique », explique Uziel.

Ces chercheurs ont malgré tout découvert qu’ils pouvaient limiter ces variations, écarter les résultats improbables et, au final, établir une chronologie plus précise par la comparaison systématique de ces résultats non concluants avec d’autres méthodes de datation vérifiables – comme la datation des tessons de poterie, les données architecturales ou des événements spécifiques établis qui ont laissé une marque dans l’archéologie. C’est notamment le cas du tremblement de terre de grande ampleur, en 750 avant notre ère, ou de l’incendie de Jérusalem par les Babyloniens, en 586 avant notre ère.

Site de fouilles à Jérusalem désignant l’emplacement d’où les échantillons ont été extraits. La zone porte les stigmates du tremblement de terre qui l’a frappée en 750 avant notre ère. (Johanna Regev/autorisation)

« Nous n’avons pas fait qu’utiliser la datation au Carbone 14. Nous l’avons associée à un échantillonnage exhaustif du terrain et des fouilles minutieuses, couche par couche, en utilisant la micro-archéologie, en tenant compte des précédentes découvertes et en les comparant », explique Uziel.

Au lieu d’ « envoyer les échantillons les plus intéressants à un laboratoire puis de recevoir les résultats indiquant leur âge probable », comme c’est généralement le cas avec la datation au C-14, poursuit Uziel, la provenance de chaque échantillon a été soigneusement établie et contextualisée grâce à une méthodologie précise.

Les scientifiques sont parvenus à dépasser le plateau de Hallstatt, affirme Uziel, en analysant un grand nombre d’échantillons et en les comparant avec les autres informations de datation, « les unes après les autres, sur plusieurs centaines d’années, avec de nombreuses dates en séquence ».

Tout ceci n’a été possible que grâce à l’étroite collaboration entre les archéologues et les scientifiques de Weizmann, rappelle Uziel.

« C’est à 100% le fruit d’un travail conjoint sur le terrain. Nous avons beaucoup échangé de façon à affiner le processus… Les idées allaient et venaient, constamment, entre experts, ce qui nous a permis de surmonter tous ces problèmes », conclut-il.

La fin d’un long cauchemar ?

Le plateau de Hallstatt « a longtemps été un cauchemar », admet Boaretto, jointe depuis son bureau via Zoom. « Pour travailler sur cette période, il fallait beaucoup de strates, beaucoup d’échantillons et de mesures, pas un seul. C’est ainsi que nous avons fait ici… c’est une vraie innovation. »

Boaretto dirige le Kimmel Center for Archaeological Science et est cheffe du laboratoire d’accélération D-REAMS, deux projets dédiés à « la datation au radiocarbone et aux méthodes de micro-archéologie, dans le but d’établir des chronologies très précises des événements passés », comme l’explique le site Internet de Weizmann.

L’auteure principale du récent article sur Jérusalem, la Dre Johanna Regev, elle aussi collaboratrice de l’Institut Weizmann, a été « une personne clé », à l’origine de « cet excellent travail », souligne Boaretto. Elle a par ailleurs rendu hommage au travail du professeur Steve Weiner, ex-directeur du Kimmel Center de Weizmann, lequel a su initier dans les années 1980 une méthodologie de micro-archéologie.

« Il existe de nombreux accélérateurs, dans le monde, à même de mesurer le Carbone 14, mais pour plus de précision et d’exactitude, la mesure doit être adaptée à la question chronologique… Pour ce faire, l’intégralité de l’étude des échantillons se fait au laboratoire », ajoute-t-elle.

De gauche à droite : Eugenia Mintz, Dr. Johanna Regev, Prof. Elisabetta Boaretto et Dr. Lior Regev des laboratoires Elisabetta Boaretto de l’Institut Weizmann des sciences. (Crédit : Autorisation)

Les graines brûlées recueillies en grand nombre pour les besoins de ce projet se sont avérées déterminantes, précise Boaretto, car elles indiquent les concentrations précises en C-14 pour l’année durant laquelle elles ont poussé. Dans la mesure où elles ont très probablement été brûlées lors du sac de Jérusalem, en 586 avant notre ère, événement qui a laissé des traces claires dans les archives archéologiques, cette date pourrait être utilisée comme référence pour les niveaux de C-14 des graines, malgré l’existence de ce plateau de Halstatt.

En outre, la datation au Carbone 14 a été corroborée par des comparaisons avec une « courbe d’étalonnage » globale des données atmosphériques relatives au C-14 recueillies pour l’essentiel en se référant aux cernes des arbres.

Les arbres poussent en effet d’un anneau par an, et chaque anneau peut être mesuré avec le Carbone 14, de sorte que les scientifiques travaillent depuis longtemps avec une base de données mondiale constamment mise à jour des niveaux de C-14 couvrant des milliers d’années.

Les chercheurs sont toutefois attentifs au fait que les données issues des cernes d’arbres utilisées pour comparer les résultats de C-14 concernent des arbres européens, rappelle-t-elle.

En Europe, les arbres poussent entre l’été et l’automne, précise-t-elle, alors que « les graines, en Israël, poussent dans la première partie du printemps, au moment où la concentration en C-14 est plus faible que durant l’été en Europe… Il y a une différence de concentration de C-14 entre Israël et l’Europe. Ces petites différences peuvent générer des écarts de l’ordre de 10 à 20 ans dans la datation, ce qui peut s’avérer important pour la chronologie des périodes historiques.

La quantité étonnamment élevée de graines trouvées dans les strates les plus anciennes a par ailleurs conduit les chercheurs à supposer que la Jérusalem primitive des Xe-XIIe siècles, considérée par certains comme l’époque des rois bibliques David et Salomon, était à la fois bien plus grande, peuplée et développée qu’on ne le pensait.

D’autres conséquences à la clef

Boaretto et Uziel conviennent que la méthode de datation interdisciplinaire mise au point par leur équipe pourrait être appliquée ailleurs. Ils soulignent toutefois que pour obtenir des résultats précis, le site de fouilles doit comporter des strates d’activités humaines similaires susceptibles de faire l’objet d’une datation fiable au moyen de diverses méthodes, de manière à pouvoir extraire des échantillons de qualité pour les tests C-14.

Dans l’ancienne Jérusalem, la période du plateau de Hallstatt coïncide avec des événements épiques de l’époque du Premier Temple, comme les attaques assyriennes, la destruction du Temple par les Babyloniens sans oublier l’exil et les déplacements juifs.

Ces événements sont décrits dans la Bible hébraïque et d’autres sources telles que les archives assyriennes et babyloniennes, mais le plateau de Hallstatt empêchait jusqu’alors d’ « affiner » la datation, explique l’archéologue Uziel.

Le Dr Joe Uziel de l’Autorité des antiquités d’Israël. (Crédit : Yaniv Berman/IAA)

Pour Uziel, la Bible n’est pas un manuel d’histoire. C’est « un texte complexe, et en termes de fiabilité historique, c’est un texte religieux et non un récit fidèle des événements. De surcroît, il a été remanié après les événements qu’il décrit. D’un autre côté, l’ignorer complètement n’aurait pas de sens, car il contient des indices. »

Un des exemples de cette interaction entre sources bibliques et résultats glanés de l’étude des échantillons et de la datation micro-archéologique est la découverte de ce qu’on appelle le Broad Wall.

Celui dont on a longtemps cru qu’il avait été construit par le roi Ézéchias pour défendre la ville contre les Assyriens, comme l’écrit le livre des Chroniques dans la Bible, l’aurait en fait été des dizaines d’années auparavant, à l’époque du roi Ozias, suite à l’important tremblement de terre qui avait frappé Jérusalem.

Le texte biblique évoque ces deux possibilités, mais les nouvelles méthodes de datation, permettent de trancher avec plus de certitude et de « finesse » comme l’explique Uziel.

Cet archéologue éminent, spécialiste de l’ancienne Jérusalem aujourd’hui à la tête de l’unité des manuscrits de la mer Morte de l’Autorité israélienne des Antiquités, refuse de dire quelles autres énigmes la nouvelle méthodologie pourrait aider à résoudre, que ce soit dans la ville sainte ou ailleurs.

Il rappelle que cette étude n’entendait pas répondre à des questions historiques spécifiques, mais bien plutôt montrer que cette méthode était viable et que les chercheurs l’avaient « construite au fur et à mesure ».

« Bien sûr, il reste beaucoup à faire, et ce sera certainement notre prochaine étape », admet Uziel qui se dit surtout impatient de lire les réactions de ses pairs avant de poursuivre les recherches.

« Il faut travailler méthodiquement, dans de bonnes conditions et un cadre porteur. Il y a toutes sortes d’opportunités et de possibilités… La datation C-14 utilisé dans ce projet devrait être la méthode de base pour ceux qui travaillent dans et sur Jérusalem. »

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