Des Israéliens et des Palestiniens se retrouvent pour « aider à guérir notre humanité blessée »
Dans un contexte de guerre, en l'absence de permis d'entrée pour les Palestiniens, l'événement controversé annuel a été pré-enregistré et diffusé en direct ; un Gazaoui qui a perdu 60 proches a dit que tous aspiraient seulement à "vivre en liberté"
En marge des événements conventionnels organisés dimanche soir, à la veille de Yom HaZikaron, la cérémonie annuelle de commémoration israélo-palestinienne, qui, cette année, a été préenregistrée et retransmise sur Internet, a tenté d’aborder avec une délicatesse particulière la douleur immense ressentie par les deux parties dans l’ombre de la guerre actuellement en cours à Gaza. Elle s’est attardée sur les souffrances des enfants dans la guerre.
La cérémonie, dont c’est la 19e édition, est organisée tous les ans par un groupe de gauche, le groupe Combattants pour la paix, et par le Cercle des Parents – Forum des Familles, une organisation qui, sur le terrain, rassemble des familles israéliennes et palestiniennes qui ont perdu un proche dans des violences inhérentes au conflit.
Dans la mesure où Israël a révoqué tous les permis d’entrée permettant aux Palestiniens d’accéder au sol israélien depuis le massacre qui a été commis par le Hamas, le 7 octobre, aucun résident de Cisjordanie n’avait été autorisé à assister à la cérémonie de cette année. Les organisateurs avaient décidé, en conséquence, qu’elle se tiendrait en ligne.
Elle a été préenregistrée en date du 8 mai devant un public constitué de 250 personnes. Elle a ensuite été diffusée sur Internet, dimanche dans la soirée. Dans certains endroits, des projections ont eu lieu chez des particuliers.
Les organisateurs avaient prédit que des centaines de milliers de personnes pourraient la regarder à travers le monde entier.
Ce rassemblement qui, selon les organisateurs, est l’événement conjointement organisé par des Israéliens et des Palestiniens le plus important en son genre, suscite la controverse depuis sa première édition en 2006. Toutefois, il attire aussi un nombre de plus en plus grand de personnes au fil des années, que ce soit dans son public ou via internet. Ainsi, l’année dernière, 15 000 personnes avaient assisté à la cérémonie qui était organisée au parc Ganei Yehoshua de Tel Aviv et 200 000 internautes avaient regardé la cérémonie dans le monde entier.
Si les politiciens de droite ont qualifié de « traîtres » les participants en affirmant qu’ils « siègent avec les terroristes » et alors que les autorités du Hamas ont estimé que les Palestiniens présents étaient des « collaborateurs » avec Israël, les organisateurs maintiennent que la cérémonie a pour objectif d’offrir un autre discours que celui tenu lors de Yom Hazikaron, un discours qui laisserait entendre que « la guerre serait inévitable et nécessaire ». Il faut, disent-ils, présenter un récit alternatif plaçant les vies humaines au premier plan.
Parmi les intervenants israéliens, cette année, Yonatan Zeigen, le fils de Vivian Silver, une militante pour la paix qui a été tuée le 7 octobre alors qu’elle se trouvait dans son kibboutz, à la frontière avec Gaza.
« Aujourd’hui, je vois que mes enfants ont le cœur brisé à la pensée que leur père, lui aussi, pourrait ne pas voir la paix s’installer de son vivant », a-t-il déclaré, selon la presse israélienne. « Combien de générations endeuillées seront-elles encore nécessaires avant que nous comprenions que le seul moyen… est la paix ? Nous devons tous comprendre que l’occupation, le 7 octobre, la guerre à Gaza, le terrorisme juif et arabe et toutes les formes de violences politiques ne sont pas inévitables ».
Michal Halev, la mère de Laor Abramov, un DJ originaire du New Jersey qui avait été tué lors du festival de musique électronique Supernova, le 7 octobre, a indiqué que « quand je parviens à relever la tête, à mettre de côté mon chagrin personnel, celui que me cause la mort de mon fils que j’aimais tellement… Je trouve un objectif pour lequel vivre et c’est de chercher ce que je peux faire pour aider à guérir notre humanité blessée, afin qu’aucune mère ne soit à nouveau écrasée par la mort, par les violences et par la guerre ».
Parmi les intervenants palestiniens, Ahmed Helou, qui a perdu 60 membres de sa famille élargie pendant la guerre en cours à Gaza.
« Derrière chaque nom, il y a un être humain avec une histoire, avec une famille et avec des rêves », a-t-il noté. « Tous n’avaient qu’un seul rêve : Vivre en liberté et dans l’indépendance. C’est le rêve pour lequel nous nous battons, comme toutes les nations du monde ».
Naglaa, une femme de Gaza qui a perdu son frère, Abdulrahman, dans la guerre, a transmis un message écrit, décidant de ne pas faire part de son nom de famille pour des raisons de sécurité.
« J’ai rejoint il y a quelques mois le Cercle des Parents-Forum des Familles », a-t-elle fait remarquer. « Je sais que de l’autre côté, il y a de nombreuses personnes qui croient dans la paix et dans son message, qui croient à la fin de l’occupation. J’ai eu le sentiment que participer moi-même à ce forum aide à créer un nouvel espoir pour nos deux nations et à construire des passerelles de dialogue ».
La guerre avait éclaté le 7 octobre, quand les terroristes du Hamas avaient pris d’assaut le sud d’Israël, tuant près de 1200 personnes et kidnappant 252 personnes, prises en otages dans la bande de Gaza.
Le ministère de la Santé de Gaza, qui est placé sous l’autorité du Hamas, a annoncé que plus de 34 000 personnes ont perdu la vie dans les combats jusqu’à présent – un chiffre invérifiable et qui ne fait pas la distinction entre civils et terroristes. Israël, de son côté, précise avoir tué environ 15 000 terroristes lors de son incursion terrestre dans la bande, en plus d’un millier d’hommes armés qui avaient été abattus sur le sol israélien, le 7 octobre.
Gianluca Pacchiani a contribué à cet article.