Des lingots d’étain antiques trouvés en Israël avaient été coulés en Angleterre
Les origines de cet étain de l'âge de Bronze ont été trouvées par une analyse qui a révélé qu'il est probablement venu des Cornouailles, au 13è-12è siècle avant l'ère commune
- Un chariot antique tiré par des bœufs en bronze (Crédit : Autorisation du musée des terres de la Bible)
- Certains des lingots d'étain examinés et trouvés au large des côtes d'Israël (approx. 1300-1200 avant l'ère commune) (Crédit: Ehud Galili)
- Les dépôts de minerais sur le continent eurasien et la distribution des découvertes d'étain dans la zone étudiée remontant à 2500-1000 ans avant l'ère commune. La flèche n'indique par le parcours commercial suivi et illustre seulement l'origine présumée de l'étain israélien, sur la base des données (Crédit : Berger et al. 2019; préparée par Daniel Berger)
- Cercueil contenant un ibis embaumé. Période ptolémaïque, 3e siècle avant l'ère commune. Bronze, bois, os d'ibis et crâne, restes de lin et mulettes. Cadeau du président égyptien Anwar Sadat à Yigael Yadin. (Crédit : musée d'Israël, Jérusalem)
Quand l’âge de Bronze a frappé l’Israël antique, cette région riche en cuivre a été en mesure de trouver rapidement sept des huit ingrédients nécessaires pour produire l’alliage, dans la mine de Timna et autres. Mais l’origine de l’étain – huitième matériau nécessaire pour la fabrication de ce métal – était resté un mystère pour les chercheurs. Un nouvel article écrit par une équipe internationale de scientifiques propose aujourd’hui une source d’étain étrangement éloignée : La région des Cornouailles.
Dans un article paru au mois de juin dans le journal PLOS One – dont l’accès est libre et dont les publications sont réexaminées par des pairs – les auteurs présentent les résultats de l’analyse de 27 lingots d’étain, ou blocs, provenant de cinq sites bordant l’est de la mer Méditerranée.
Pendant des décennies, les chercheurs avaient débattu de l’origine de cet étain utilisé dans des bronzes précieux et omniprésents dans toute la région du Levant pendant la période éponyme – qui s’étend de la fin du 4e millénaire au 3e millénaire avant l’ère commune.
Les hypothèses envisageaient alors une provenance depuis la Turquie, le centre de l’Asie ou, plus loin, la France ou la Grande-Bretagne.
Dans leur article intitulé « Systématiques d’isotopes et composition chimique de lingots d’étain de Mochlos (Crète) et autres sites de la fin de l’âge de Bronze à l’est de la mer Méditerranée : Une clé ultime sur la provenance de l’étain ? », un groupe de scientifiques interdisciplinaires de Mannheim, en Allemagne ; de Greensboro, en Caroline du Nord ; de Merano, en Italie ; et de Haïfa affirment détenir ce qu’ils appellent des preuves solides de là où a probablement été trouvé – et de là où n’a pas été trouvé – l’étain.
« Le bronze était utilisé pour fabriquer des armes, des bijoux et toutes sortes d’objets du quotidien, léguant ainsi son nom à une ère toute entière. L’origine de l’étain a été pendant longtemps une énigme dans la recherche archéologique », explique le docteur Ernst Pernicka dans un communiqué de presse, cette semaine.
Co-auteur de l’étude, Pernicka, qui est dorénavant à la retraite, a travaillé à l’institut des sciences de la terre à l’université de Heidelberg et au centre Curt Engelhorn d’archéométrie.

Les spécialistes ont utilisé une approche révolutionnaire pour localiser la mine.
« En utilisant une approche combinée d’isotopes d’étain et de plomb avec des oligo-éléments, il a été possible, pour la première fois, de resserrer le cadre autour des sources potentielles d’étain », écrivent-ils.
Source la plus logique ? Selon les auteurs, l’approvisionnement nécessaire en lingots d’étain, au 13e et au 12e siècle avant l’ère commune, était assuré par des mines situées dans les Cornouailles et dans le Devon.
« Ces résultats identifient spécifiquement l’origine des lingots d’étain pour la toute première fois et permettent donc d’avoir de nouveaux aperçus et de nouvelles interrogations pour la recherche archéologique », dit le principal auteur de l’étude, le docteur Daniel Berger, chercheur au centre Curt Engelhorn Centre d’archéométrie à Mannheim.
Tout est dans la chronologie
Les scientifiques ont examiné des échantillons qui avaient été découverts lors de plongées au large des côtes de Mochlos, de la Crète, et d’Uluburun, en Turquie, ainsi que dans trois secteurs au large de Haïfa, en Israël.
Les lingots trouvés sur ces trois sites de la côte israélienne ont permis d’établir « l’âge modèle géologique des minerais d’étain », qui remonterait aux alentours d’il y a 291 millions d’années (avec une marge d’erreur de 17 millions d’années).

« L’âge » de l’étain est important pour l’exclusion des autres principaux concurrents miniers – les dépôts d’étain en Anatolie, dans le centre de l’Asie et en Egypte – « dans la mesure où ils se sont formés bien plus tôt ou bien plus tard », écrivent les auteurs.
L’étain est un métal modérément rare mais essentiel qui se trouve sporadiquement sur des sites localisés partout sur le globe. Après avoir exclu les sites proches à travers tout l’âge de l’étain, avec cette nouvelle étude consacrée à la composition de l’isotope de l’étain, les auteurs établissent qu’ils ont été également capables d’exclure plusieurs sources européennes comme étant à l’origine des lingots israéliens.
Et aussi que, de manière intéressante, ceux qui ont été découverts en Crète et en Turquie semblent, pour leur part, avoir eu une provenance différente.
Les archéologues ont trouvé des preuves de l’exploitation de mines d’étain en Cornouailles et dans le Devon dès l’an 2000 avant l’ère commune et la dernière mine de Cornouailles de ce type, South Crofty, n’a fermé qu’en 1998.
D’autres méthodes anciennes d’exploitation du métal, comme l’exploration au tamis des eaux de rivière, n’ont permis que de découvrir que peu d’artefacts ou aucun – ce qui signifie que le métal pourrait avoir été récolté dans ces zones même avant.

L’histoire de chaque échantillon de lingot israélien est aussi étonnante que les résultats de cette nouvelle étude.
En 2014, une équipe d’archéologues – dont faisait partie le co-auteur de l’étude, Ehud Galili, de l’université de Haïfa – avait découvert ce que les médias avaient appelé de façon sensationnelle un « Atlantide » néolithique au large de la côte de Haïfa, à Kfar Samir.
Là-bas, le groupe avait trouvé les vestiges d’un village vieux de 7 700 ans, recouvert par les eaux. Le village, situé à environ 200 mètres de la côte et à environ cinq mètres de profondeur, présentait des preuves de production d’huile d’olive, certains des objets fabriqués en bois les plus anciens du monde, selon un article paru en 2014 dans le Times of Israel, ainsi que de l’étain antique.
L’examen antérieur d’une épave du 13e siècle en 2012, à Hishuley Carmel, a été également à l’origine des étains qui ont été analysés au cours de cette étude.
Cette épave, avait écrit Galili dans un article paru en 2012 dans l’International Journal of Nautical Archaeology, « offre des preuves directes de transport maritime du cuivre et de l’étain au large des côtes israéliennes et elle pourrait indiquer l’existence d’itinéraires commerciaux pour les métaux à la fois terrestres et maritimes dans la région méditerranéenne ». A ce moment-là, toutefois, Galili n’avait pas encore déterminé l’origine de l’étain découvert.
Métal précieux
Cette découverte de la provenance des lingots d’étain israéliens implique l’existence d’une route commerciale compliquée et longue dans l’antiquité.
« Les objets et les dépôts sont rares en Europe et en Asie », explique Pernicka. « La région de l’est de la Méditerranée, dont certains des objets que nous avons étudiés étaient originaires, ne comptait pratiquement aucun dépôt propre. Et la matière première, dans la région, doit avoir été nécessairement importée ».

Selon un communiqué de presse émis par l’université de Heidelberg et le centre Curt Engelhorn d’archéométrie à Mannheim consacré à l’étude, d’autres « matières premières hautement appréciées » ayant emprunté le même itinéraire ont inclus l’ambre, le verre et le cuivre.
Le bronze avait été initialement créé en mélangeant du cuivre et de l’arsenic. L’élément empoisonné, toutefois, créait des fumées toxiques qui avaient entraîné la mort anticipée des métallurgistes qui travaillaient à cette tâche. L’étain s’avérait alors plus stable – et moins mortel – mais quelque peu hors de portée.
L’étain avait, dans le passé, une valeur et une importance stratégiques similaires à celle de l’huile, selon le document de recherche « Dépôts d’étain et protohistoire du Bronze », écrit par le géologue R.J. Cathro.
« A en juger par les efforts nécessaires pour le trouver, le prix de l’étain doit avoir été extrêmement élevé », écrit Cathro.
« C’est devenu une marchandise indispensable qui justifiait de traverser le monde et d’entrer en guerre, et l’étain occupe une place particulière dans l’histoire minière, dans la géologie économique, dans l’agriculture, dans la guerre, dans l’art et dans les développement humain », avait écrit Cathro.
« L’or et l’argent pouvaient financer une guerre mais le bronze pouvait la gagner », avait-il ajouté.
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