Des témoignages de nazis diffusés 80 ans après le massacre de Babi Yar
Le centre de commémoration, qui porte le nom du plus grand charnier de le Shoah, a par ailleurs identifié 159 auteurs nazis du massacre
Au 80e anniversaire du massacre de Babi Yar, en Ukraine, les chercheurs ont révélé pour la toute première fois mercredi les noms de dizaines de nazis ayant pris part à ces tueries massives. Leurs témoignages ont aussi été rendus publics.
Les 29 et 30 septembre 1941, les nazis avaient tué par balles presque
34 000 juifs sur ce site situé aux abords de Kiev. Même si ce massacre avait été l’un des plus importants de la Shoah, le lieu et l’événement étaient restés largement ignorés, laissés dans l’ombre des atrocités commises dans les camps de concentration, plus documentées par les historiens. Plus de 100 000 personnes devaient mourir dans ces bois accidentés entre 1941 et le reste de la Seconde Guerre mondiale.
Le centre de commémoration de la Shoah de Babi Yar s’était donné pour mission d’identifier les bourreaux qui avaient participé à ce massacre, estimant que des centaines de soldats, de policiers et de SS allemands avaient été complices.
Un document qui a été rendu public mercredi dresse la liste des noms de 159 nazis ayant pris part à ces meurtres. Ils avaient témoigné devant la justice et ils avaient été déclarés non-coupables, et la majorité devait reprendre un quotidien normal après la guerre, explique le centre de commémoration.
« Il est possible que ce jour-là, j’ai tué entre 150 et 250 Juifs. Les exécutions par balle se sont déroulées sans incident. Les Juifs étaient résignés à leur sort comme des agneaux allant à l’abattoir », avait témoigné Viktor Trill, d’origine tchèque.
« Après être sortis, on nous a d’abord donné de l’alcool. Un grog ou du rhum. Ensuite, j’ai vu un gigantesque ravin qui ressemblait à un lit de rivière asséché. Dedans, il y avait plusieurs couches de cadavres empilés. L’exécution a commencé avec la descente dans le ravin de quelques membres de notre Kommando. Au même moment, une vingtaine de Juifs ont été amenés d’un chemin, à côté. Les Juifs devaient se coucher sur les cadavres, puis on leur tirait une balle à l’arrière de la nuque. Et des Juifs arrivaient en permanence pour être tués », avait continué le témoignage.
Trill était électricien et il devait ultérieurement devenir chauffeur de camion, note le document. En 1939, sa ville natale avait été occupée par la Wehrmacht et il devait rapidement commencer à travailler pour la Gestapo. En 1941, après être arrivé à Kiev dans le contexte de l’invasion nazie de l’Union soviétique, il avait reçu pour instruction de participer au second jour du massacre de Babi Yar.
Trill avait été jugé pour cette tuerie de masse en 1967, mais il avait été acquitté en raison de l’absence de « motif essentiel » de sa participation, a fait savoir le centre de commémoration.
Le commandant SS August Hefner avait évoqué la participation de son unité dans les exécutions lors d’une audience devant les juges qui avait eu lieu en 1967.
« Les soldats SS avaient une section d’approximativement 30 mètres de long. [Bernhard] Grafhorst m’avait expliqué que les Juifs devaient se coucher à proximité des uns des autres, en se touchant. Environ 4 à 6 Juifs pouvaient s’étendre les uns à côté des autres. On remontait la section. Ensuite, on les tuait. Puis la même chose recommençait. D’autres devaient s’étendre sur les Juifs qui venaient d’être tués. Dans les deux jours, on avait pu ajouter six à sept couches », avait dit Hefner.
Grafhorst, également identifié par le centre de commémoration, était un influent commandant SS.
Mercredi, le gouvernement ukrainien organisera une cérémonie de commémoration à Babi Yar, à laquelle le président ukrainien Volodymyr Zelensky, lui-même juif, participera aux côtés du président israélien Isaac Herzog et du président allemand Frank-Walter Steinmeier.
Ce centre effectue des recherches sur le massacre depuis plusieurs années. Jusqu’à présent, 20 000 nouveaux noms de victimes ont été retrouvés et vérifiés.
L’AFP a contribué à cet article.