Des volontaires finlandais ont pris part aux atrocités nazies, dit Helsinki
Un historien israélien avait appelé le président finlandais à examiner les meurtres de Juifs. Les archives de l'Etat se sont penchées sur le rôle des Finlandais dans la Waffen-SS
Les soldats finlandais qui ont servi volontairement au sein des unités nazies de la Waffen-SS sur le front est pendant la Seconde Guerre mondiale ont pris part aux massacres de Juifs, de prisonniers de guerre russes et de civils plus généralement au cours de la marche allemande à travers l’Ukraine et dans le Caucase, de 1941 à 1943, indique un nouveau rapport émis à l’initiative des archives de l’Etat finlandais.
« Les sous-unités et les hommes de la division SS Viking qui s’étaient engagés dans la marche qui a traversé l’Union soviétique et dans les campagnes d’Ukraine et du Caucase ont été impliqués dans de nombreuses atrocités », a révélé le rapport, qui a été rendu public vendredi.
« Les journaux intimes et les souvenirs livrés par les volontaires finlandais montrent que pratiquement tous, et dès le tout début, ont eu connaissance des atrocités et des massacres ».
Un total de 1 408 ressortissants finlandais s’était porté volontaire dans la Waffen SS de 1941 à 1943. Ils avaient servi dans la cinquième division SS Panzer Viking, l’une des 38 unités de la Waffen-SS qui se distinguait par ses recrues volontaires venues de plusieurs nations du nord de l’Europe, allant de l’Estonie à la Belgique en passant par les nations scandinaves.
L’avancée de la division Viking à travers l’ouest de l’Ukraine et le Caucase, à cette période, s’est traduit par une succession de charniers de corps de Juifs et d’autres victimes assassinées.
Entre les mois de juillet et d’août 1941, au moins 10 000 civils – dont un grand nombre de Juifs – auraient été tués par ces unités, note le rapport, même s’il est difficile de déterminer exactement quand et comment ces volontaires finlandais ont été impliqués dans les massacres et autres atrocités commises.
Le rapport cite les propos tenus par l’avocat Curt von Stackelberg aux procès de Nuremberg, qui avait noté que « plus de six mille civils, juifs, ont été tués » du mois de juin au mois de septembre dans les villes comptant des communautés juives historiques et illustres – comme à Lviv et Zhytomyr. En tout, environ 600 000 Juifs avaient été assassinés par les forces ou par les unités placées sous le contrôle des SS à l’est, depuis le début de la campagne orientale allemande – intitulée opération Barbarossa qui eut lieu du mois de juin 1941 au mois de mars 1942.
De nombreux Finlandais avaient éprouvé de la sympathie pour l’Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale, en partie en raison de la guerre d’Hiver menée contre l’Union soviétique en 1939 et 1940. Les responsables finlandais, notamment dans l’armée, avaient autorisé le recrutement militaire par l’Allemagne nazie en Finlande, le soutenant même de manière tacite.
Le rapport est nécessairement vague et limité sur certains points en raison d’un manque de preuves documentées.
Soixante-seize journaux intimes de volontaires finlandais ont été consultés pour élaborer le rapport et révèlent clairement que leurs auteurs avaient connaissance des atrocités en cours. Il note néanmoins qu’ils se trouvaient « dans l’incapacité d’avoir une vision globale de l’extermination de masse ».
De nombreux volontaires ont décrit les atrocités dont ils étaient témoins mais souvent de manière brève, sans préciser de dates ou de chiffres exacts – et s’exprimant par euphémisme, ce qui a mené les chercheurs impliqués dans le rapport à suggérer que les écrits reflétaient la « confusion émotionnelle » et la « rupture psychologique » entraînées par le sentiment de dégoût inspiré par les horreurs auquel se mélangeait « la loyauté ressentie pour les commandants allemands ». Ces sentiments contradictoires ont « perturbé et compliqué les réactions » des soldats, ce qui donna lieu, des années plus tard, à des « initiatives actives » en Finlande de négation de la contribution des volontaires à la Shoah.
« Des efforts actifs avaient été déployés pour faire en sorte que les soldats SS finlandais se trouvent majoritairement sur la ligne de front, dans la méconnaissance de la situation dans son ensemble », aurait dit vendredi le directeur-général des archives nationales Jussi Nuorteva, selon les médias finlandais.
Le rapport est le résultat d’un effort de recherches lancé par les archives de l’Etat finlandais après un appel le 4 janvier 2018 de l’historien Efraim Zuroff, qui vit en Israël, au président de la Finlande Sauli Niinisto. Il avait demandé à ce dernier d’enquêter sur le rôle tenu par les volontaires finlandais de la division Viking dans le meurtre des Juifs pendant la guerre. Les recherches qui ont permis la rédaction du rapport avaient commencé au mois de mai 2018.
Zuroff a salué dimanche le pays scandinave pour la diffusion des conclusions du rapport, malgré leur caractère « douloureux et pénible », jugeant qu’il s’agit d’un exemple de « courage civique unique et exemplaire ».
Tandis que les « journaux intimes, les souvenirs, les notes et les documents » consultés n’ont souvent livré que de vagues informations sur les événements auxquels les volontaires finlandais ont activement pris part, « certains cas au moins démontrent que les volontaires ont participé à la perpétration d’atrocités contre des Juifs et des civils », indique le rapport.
Parmi ces cas, « Thor-Björn Weckström dans le village de Novosilky/Nowosielce le 2 juillet 1941, les deux volontaires finlandais non identifiés qui ont tué par balles deux civils dans le village de Podhorylce au cours de la première semaine du mois de juillet 1941, la participation d’ Ilmari Autonen dans le meurtre d’un commissaire soviétique à Dnipropetrovsk en août 1941 et les meurtres de Toldzgun, le 31 décembre 1942, sous le commandement du SS-Hauptsturmführer finlandais Karl-Erik Ladau. Les volontaires Olavi Karpalo et Unto Boman (plus tard Parvilahti) ont eux aussi pu être impliqués dans ces atrocités, et Boman a peut-être joué un rôle essentiel dans l’incendie d’une chapelle à Ozerna ou dans un autre endroit de cette zone, le 3 ou le 4 juillet 1941. »
Seuls huit vétérans finlandais SS sont encore en vie, selon le rapport, et aucun d’entre eux n’apparaît spécifiquement dans les événements qui ont été étudiés par les chercheurs.
Initié par le bureau du président finlandais, le rapport a été salué par le gouvernement dans la journée de vendredi. « Nous partageons la responsabilité de garantir que de telles atrocités ne se répéteront jamais », a déclaré la secrétaire d’Etat Paula Lehtomäki.