Elections en Autriche : vers un virage à l’extrême-droite
Le FPÖ a été fondé par d'anciens nazis ; L'Autriche pourrait devenir une petite épine dans le pied de l'UE
L’Autriche pourrait confier son destin à un jeune homme de 31 ans, Sebastian Kurz, favori des législatives anticipées de dimanche et liquidateur d’une décennie de coalition centriste au risque d’une alliance avec l’extrême droite dont il a embrassé les thèmes.
Le Parti de la liberté d’Autriche (FPÖ), qui fait figure d’aîné dans la famille nationaliste européenne, vise une entrée au gouvernement, moins d’un an après une présidentielle à suspense où son candidat s’était qualifié pour le second tour.
Le parti dirigé par Heinz-Christian Strache est crédité d’au moins 25 % des suffrages. Ce serait le double du score de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), la formation de la droite identitaire allemande dont la récente entrée au Bundestag a de nouveau illustré la poussée des partis populistes et anti-migrants en Europe.
Sebastian Kurz, leader du parti conservateur (ÖVP) donné vainqueur depuis plusieurs mois, à plus de 30 %, répète n’exclure aucune option mais une nouvelle coalition avec les sociaux-démocrates (SPÖ) semble improbable après une fin de législature pleine d’acrimonie entre les deux partis qui gouvernent ensemble depuis 2007.
Des coalitions SPÖ-ÖVP, ou vice-versa, ont dirigé le pays pendant plus de la moitié des années d’après-guerre, représentant alors plus de 80 % de l’électorat, une époque révolue. La coalition avait sauvé sa majorité d’un cheveu lors des élections de 2013. Le FPÖ, fondé par d’anciens nazis et rejoint par des libéraux, s’est construit sur la dénonciation de ce partage du pouvoir.
Pour le politologue français Patrick Moreau, spécialiste de l’Autriche, Sebastian Kurz tente de conduire « une stratégie d’étouffement du FPÖ » en le concurrençant sur son thème de prédilection : l’hostilité à l’immigration et à l’islam.
Heinz-Christian Strache, 48 ans, affirme que l’accueil des réfugiés doit être temporaire et les aides financières supprimées. Sebastian Kurz, ministre des Affaires étrangères depuis 2013, répond en proposant de supprimer les prestations sociales pour tout étranger dans le pays depuis moins de cinq ans.
Panne sociale-démocrate
Son allure lisse n’a pas empêché le trentenaire, visage imberbe et verbe calme, de profiter de la déroute de l’ÖVP au premier tour de la présidentielle pour s’emparer des commandes du parti en mai. Et déclencher dans la foulée ces législatives anticipées.
Sa promotion fulgurante a rebattu les cartes : les conservateurs qui stagnaient dans les sondages ont pris l’ascendant sur leurs rivaux.
Christian Kern, le chancelier social-démocrate arrivé à la tête de l’exécutif en mai 2016 pour panser les plaies de son parti lui aussi éliminé de la présidentielle, est donné comme le grand perdant du scrutin, au coude à coude, voire derrière le FPÖ.
Habile débatteur, télégénique, extérieur au sérail politique, l’ancien chef du rail autrichien, âgé de 51 ans, a beau être « le meilleur candidat du SPÖ depuis longtemps » aux yeux des analystes, sa campagne a multiplié les pannes.
Jusqu’à un retentissant scandale final : des révélations sur le rôle joué par un ancien consultant du parti dans une campagne de dénigrement de Sebastian Kurz, à base de fausses informations et de commentaires racistes sur internet.
« La question migratoire a également divisé le SPÖ entre une aile gauche pro-réfugiés et une aile droite réclamant une politique plus ferme », note l’analyste Alexandra Siegl.
L’Autriche, un pays prospère de 8,7 millions d’habitants, est l’un de ceux en Europe à avoir accueilli le plus de migrants au regard de sa population (1,5 %) en deux ans, alimentant les débats sur le coût des prestations et sur la capacité d’intégration des nouveaux venus.
En 2000, l’entrée du FPÖ dans le gouvernement du chancelier conservateur Wolfgang Schüssel avait provoqué un séisme politique en Europe, sanctions de l’UE à la clef.
Mais le fond de l’air a changé. Le FPÖ a poli son discours et les partis nationalistes ont progressé partout tandis que Bruxelles est aux prises avec d’autres crises plus aiguës.
L’Autriche pourrait pourtant devenir une petite épine dans le pied de l’UE.
Le FPÖ prône un rapprochement avec le groupe de Visegrad, ces pays qui comme la Pologne et la Hongrie multiplient les bras de fer avec la Commission européenne.
Sebastian Kurz, par sa position sur l’immigration, son attachement à la souveraineté nationale a, selon Patrick Moreau, « des positions quasiment opposées à celles du Français Emmanuel Macron et très largement conflictuelles avec celles d’Angela Merkel. Ce sera détonnant ».