En Ukraine, Eli Cohen rencontre Volodyomyr Zelensky et Dmytro Kuleba
Il s'agit de la première visite en Ukraine d'un ministre israélien depuis l'invasion russe, il y a près d'un an
Lazar Berman est le correspondant diplomatique du Times of Israël
Le chef de la diplomatie israélienne Eli Cohen est arrivé jeudi matin à Kiev, première visite d’un ministre de l’Etat hébreu en Ukraine depuis l’invasion russe il y a près d’un an, a annoncé le ministère des Affaires étrangères israélien.
« Nous avons été aux côtés du peuple ukrainien et de l’Ukraine cette dernière année », a déclaré à son arrivée M. Cohen, qui doit rencontrer son homologue Dmytro Kouleba et le président ukrainien Volodymyr Zelensky, selon un communiqué du ministère israélien.
La visite de Cohen a débuté à Boutcha, une banlieue de Kiev dans laquelle les forces russes ont massacré plus de 450 civils l’année dernière, et à Babi Yar, le ravin où les nazis et leurs collaborateurs locaux ont assassiné plus de 30 000 Juifs en septembre 1941.
« Les images tragiques sont encore imprimées dans mon cœur », a affirmé le ministre israélien au sujet de Boutcha, dont les clichés de corps de civils tués et abandonnés dans les rues avaient provoqué une vive émotion dans le monde en avril 2022.
« Israël s’oppose fermement au meurtre de civils innocents », a-t-il ajouté, après s’être rendu dans la matinée dans la ville-martyre de Boutcha, symbole des atrocités dont est accusée la Russie.
« On ne peut rester indifférent face à ces images difficiles et face aux récits des atrocités, que j’ai entendus ici. Israël condamne toute atteinte intentionnelle contre des innocents », avait-il écrit sur Twitter dans la matinée
Cohen s’est ensuite recueilli dans la matinée au mémorial de Babi Yar à Kiev, un site qui contient les restes de près de 34 000 juifs massacrés en 1941 alors que la ville était sous occupation nazie.

Le site était sécurisé par l’armée ukrainienne qui en empêchait l’accès, ont constaté des journalistes de l’AFP.
Un jour après avoir effectué une visite d’une journée en Turquie, Cohen a atterri à Rzeszów en Pologne dans la nuit de mercredi à jeudi, puis a pris un train de nuit avec sa délégation de la ville frontalière polonaise de Przemyśl à Kiev.
Pour des raisons de sécurité, la visite est restée secrète jusqu’à l’arrivée de Cohen à Boutcha.
Il est également prévu que Cohen assiste à une cérémonie de réouverture officielle et permanente de l’ambassade d’Israël à Kiev et qu’il rencontre des membres de la communauté juive de Kiev.

« Aujourd’hui nous hisserons le drapeau israélien à l’ambassade israélienne de Kiev, qui reprendra ses activités de façon continue avec pour objectif de renforcer les relations entre les pays », indique un communiqué du ministère israélien.
Le ministre des Affaires étrangères devrait reprendre l’avion pour Israël vendredi matin, après une autre nuit de train pour rentrer en Pologne.
Cohen était accompagné du directeur général du ministère des Affaires étrangères, Ronen Levy, et de Simona Halperin, responsable du bureau Eurasie au ministère.
Au début de sa visite, Cohen a déposé une couronne de fleurs sur la tombe commune de 116 civils tués par les Russes à Boutcha, mais il a évité de condamner la Russie nommément.

« Nous pouvons le dire clairement, il est impossible de rester indifférent aux scènes et au charnier que nous avons vus », a-t-il déclaré, après que le maire de Boutcha, Anatolii Fedoruk, lui a montré une exposition de photos des victimes de la ville à l’intérieur d’une église blanche étincelante.
« Nous sommes ici dans le cadre d’une importante visite de solidarité avec le peuple ukrainien », a-t-il ajouté en réponse à une question visant à savoir s’il condamnerait les Russes, ajoutant qu’Israël continuerait à fournir une aide humanitaire.
Dans des commentaires adressés aux médias israéliens, un haut fonctionnaire ukrainien s’est dit déçu que le haut diplomate israélien ait évité de mentionner la Russie lors de sa visite à Boutcha.
Depuis le début de l’offensive russe en Ukraine le 24 février 2022, Israël a cherché à rester neutre dans ce conflit, notamment à cause de la présence de l’armée russe déployée en Syrie voisine.
Israël, qui a notamment fait valoir des liens privilégiés avec Moscou, l’Etat hébreu comptant plus d’un million de citoyens originaires de l’ex-Union soviétique, n’a par exemple pas fourni d’armes à Kiev malgré les demandes répétées du président Zelensky.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui a qualifié la position de ses prédécesseurs de « prudente », devrait suivre une voie similaire. Mais la visite de son ministre des Affaires étrangères, un allié du Likud, est un signe qu’il veut au moins être perçu comme faisant bouger les choses dans la direction de Kiev.
Début février, Netanyahu avait déclaré que son pays envisageait une aide militaire pour l’Ukraine, tout en se proposant comme médiateur dans le conflit.
La Russie avait alors mis en garde Israël. « Nous disons que tous les pays qui livrent des armes doivent comprendre que nous considèrerons (ces armes) comme des cibles légitimes pour les forces armées russes », avait dit le ministère russe des Affaires étrangères.
Cohen, qui s’est rendu jeudi matin dans le ravin de Babi Yar, a traversé le sol recouvert de neige en compagnie des plus grands rabbins ukrainiens. Il a planté un arbre et déposé une couronne sur le site, puis a écouté la prière du Kaddish pour les morts par le rabbin Moshe Azman, et le chant de « Hatikvah », l’hymne national d’Israël.
Pendant que Cohen rencontrait Kuleba, les sirènes des raids aériens ont retenti à Kiev, qui est l’une des villes frappées par les missiles russes pendant la nuit. La réunion n’a pas été interrompue.
Kyiv, 12:10. Air raid sirens are blasting all over the city again. #Ukraine #Kyiv pic.twitter.com/WRrkwMBsSI
— Nico Maounis (@nicomaounis) February 16, 2023
Après une réunion d’une heure avec le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kuleba, Cohen a annoncé jeudi qu’Israël fournira jusqu’à 200 millions de dollars de garanties de prêt pour des projets de soins de santé et d’infrastructures civiles en Ukraine.
Il a également annoncé qu’Israël « va aider l’Ukraine à développer un système intelligent d’alerte précoce ».
« Israël, comme déclaré par le passé, est fermement solidaire du peuple ukrainien », a déclaré Eli Cohen, « et reste attaché à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine. »
Kuleba a adopté un ton prudemment positif, se disant « satisfait » de leur conversation.
« Israël connaît parfaitement la liste de nos besoins en matière de sécurité et de défense », a déclaré Kuleba. « Nous attendrons que des décisions soient prises. »
Bien qu’il soit maintenant bien accueilli en Ukraine, Cohen a provoqué la colère des dirigeants du pays lors de sa première semaine de mandat, le mois dernier, lorsqu’il a annoncé qu’Israël « parlerait moins » de la guerre. Ce commentaire a été interprété comme une indication que le nouveau gouvernement ne condamnerait pas publiquement la Russie comme l’avait fait Lapid.
Cohen s’était également entretenu avec le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, cette semaine-là, avant de recevoir un appel d’un quelconque responsable ukrainien. Des sources à Kiev ont initialement déclaré qu’elles n’étaient pas sûres qu’une conversation aurait lieu, mais Kuleba et Cohen ont fini par se parler à la mi-janvier, lorsque le premier a invité son homologue israélien à Kiev.
L’AFP a contribué à cet article.