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Enseignement en ligne: négociation avec le ministère israélien des Finances

Lorsque l'enseignement en ligne s'est officiellement achevé, le 18 mars, de nombreux parents ont protesté contre la perte d'un "ancrage" pour les enfants

Simona Weinglass est journaliste d'investigation au Times of Israël

Les élèves des écoles maternelles israéliennes pratiquent l'enseignement à distance, le 16 mars 2020 (Crédit : Page Facebook du ministère de l'Education israélien)
Les élèves des écoles maternelles israéliennes pratiquent l'enseignement à distance, le 16 mars 2020 (Crédit : Page Facebook du ministère de l'Education israélien)

Le ministère des Finances et le syndicat des enseignants négocient actuellement la reprise de l’enseignement à distance, abandonné le 18 mars en raison d’un conflit syndical, a appris le Times of Israel, alors que les parents réclament un retour à un semblant de normalité pour leurs enfants.

Les 2,2 millions d’élèves israéliens – qu’ils soient dans l’enseignement élémentaire, primaire ou secondaire – sont bloqués chez eux depuis le 13 mars à la suite de la décision du gouvernement de faire fermer les écoles, une tentative de ralentir la propagation du nouveau coronavirus.

Pendant quatre jours, les enseignants de tout le pays ont ainsi communiqué et donné des cours à leurs élèves via internet et par le biais de vidéoconférences. Mais, mercredi dernier, leur syndicat a annoncé que les professeurs cesseraient leurs interventions en ligne suite à un conflit avec le ministère des Finances au sujet du versement de leur salaire entier au cours de ces journées de travail à distance.

« Nous avons dit au ministère des Finances que nous étions heureux de travailler à distance dans la mesure où notre salaire tout entier nous était versé à cette occasion », avait alors expliqué une porte-parole du syndicat des enseignants israéliens au Times of Israel.

Le ministère clame que de nombreux enseignants, en particulier à l’école maternelle, ne travaillent pas véritablement.

« Nous avons conclu un accord, la semaine dernière, avec les professeurs de lycée selon lequel ils continueront à travailler », a fait savoir une source proche du ministère des Finances. « Nous ne voulons pas nuire aux chances des élèves de passer leurs examens de fin d’études ».

« Mais il y a, par exemple, 23 000 enseignants, en école maternelle, qui pratiquent un travail à distance en envoyant un devoir à leurs petits élèves tous les deux jours. Il ne s’agit pas là d’un travail à plein temps », a ajouté la source.

Les négociations sont en cours pour réinstituer l’apprentissage à distance suite à l’indignation de parents déçus par son abandon et qui ignorent totalement quand les écoles pourront rouvrir leurs portes.

Un homme passe devant un magasin Castro fermé au Mamila Mall de Jérusalem, vide, le 16 mars 2020 (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)

Une pétition publiée sur internet et appelant à sa poursuite a circulé, récoltant plus de 9 000 signatures.

« A une période où dominent l’incertitude et l’anxiété… les parents et les enfants avaient un ancrage. L’enseignement à distance permettait un lien continu entre un enfant, son enseignant et ses camarades de classe et donnait l’impression que le quotidien continuait autant que possible dans ces moments difficiles », souligne la pétition.

Yoav Krakovsky, journaliste populaire à la télévision, a réalisé une vidéo montrant ses filles expliquer pourquoi elles appréciaient l’école en ligne.

« Pourquoi ont-ils décidé d’abandonner l’apprentissage à distance ? », déplore-t-il dans la séquence. « C’est tellement dommage, juste au moment où nous en avions besoin ».

« L’enseignement à distance donnait aux enfants une motivation pour se lever le matin et ne pas se laisser dépérir », a écrit une commentatrice, qui s’est décrite comme étant « à la fois mère et enseignante ».

Zev Goldblatt, président du forum des Parents, une instance nationale représentant les parents d’élèves, a fait savoir lors d’un entretien téléphonique que « 90 % des parents se plaignent depuis que l’enseignement à distance a cessé ».

Mais le conflit financier avec les enseignants n’est pas le seul problème ici, a-t-il indiqué.

Selon lui, le ministère de l’Éducation a dépensé des centaines de millions de shekels, ces dernières années, pour une plateforme d’enseignement à distance prétendument de pointe appelée Ofek, et qui a rencontré des problèmes techniques réguliers.

Le plus récent date de dimanche, journée où le nombre de tentatives de connexion des élèves à la plateforme, au même moment, a entraîné une panne.

« Le ministre de l’Éducation, Rafi Peretz, a fait savoir que des techniciens tentaient de résoudre ce bug. La plateforme tombe en panne de manière répétée », ajoute-t-il.

Une page du site du ministère de l’Education, Ofek, qui est tombé en panne en raison des demandes excessives, le 15 mars 2020 (Capture d’écran)

En résultat, les enseignants se sont trouvés dans l’obligation de recourir à des options technologiques moins sophistiquées, continue Zev Goldblatt, envoyant devoirs et cours via WhatsApp et courriels et organisant des téléconférences par le biais de Zoom.

« Ofek ne fonctionnait pas. La situation n’était pas idéale. Mais le syndicat des enseignants a décidé de stopper tout ce qui pouvait fonctionner par ailleurs, comme c’était le cas des vidéoconférences sur Zoom », déplore-t-il.

Le représentant des parents d’élèves révèle que le ministère des Finances a demandé au syndicat des enseignants que ses membres puissent rattraper les journées d’enseignement à distance en travaillant neuf jours supplémentaires pendant l’été – une information qui a été confirmée par le ministère des Finances.

« C’est la raison pour laquelle les professeurs ont décidé de se mettre en grève », explique-t-il. « Récemment, il a été dit que 500 000 personnes, en Israël, s’étaient inscrites au chômage depuis le début du mois. Et il y en aura très vite un million, mais les professeurs ont quand même décidé de se mettre en grève à cause de neuf jours », regrette-t-il.

« Nous comprenons que les parents se sentent mal », clame une porte-parole du syndicat des enseignants. « Nous ne nous sentons pas bien non plus. Nous ne voulions pas mettre un terme à l’enseignement à distance. Cela a été la décision du ministère des Finances. Une fois qu’il a pris cette décision, nous avons établi clairement, une fois encore, que les enseignants ne travailleraient qu’en échange d’un salaire ».

Des profs briseurs de grève

Et pourtant, des professeurs, dans tout le pays, continuent à communiquer avec leurs élèves et à leur donner des devoirs – moins intensément qu’auparavant néanmoins.

« Il y a un grand nombre d’écoles, à Tel Aviv, où les enseignants travaillent encore en dépit de la grève », explique un employé du secteur de l’éducation au Times of Israel. Il demande à conserver l’anonymat en raison du caractère sensible de la question des professeurs non grévistes.

Photo d’illustration : De jeunes Israéliens pendant une session d’enseignement à distance dans une maison de Moshav Yashresh, le 18 mars 2020 (Crédit : Yossi Aloni/Flash90)

« Dans les moshavim et dans les kibbutzim, dans le nord, les professeurs ont complètement arrêté le travail », continue-t-il.

Dans le nord de Tel Aviv, Karine, mère de deux enfants – l’un est en CE1 et l’autre en maternelle – dit que l’établissement scolaire qui accueille habituellement ses enfants continue à être en lien avec ses élèves et à leur envoyer des devoirs, mais qu’ils arrivent dans un seul courriel au cours de la journée, contrairement aux pratiques adoptées par les professeurs lorsqu’ils se manifestaient individuellement.

« Avant, il y avait beaucoup de devoirs chaque jour. Les profs envoyaient des messages via WhatsApp. Si un enfant écrivait à son instituteur, il recevait une réponse immédiatement. Aujourd’hui, il n’y a qu’un courriel quotidien envoyé par l’école. Une vidéo YouTube a été envoyée pour le cours de sport, et des devoirs n’ont été donnés que pour les maths et l’hébreu », précise-t-elle.

« Je trouve ça utile », dit-elle.

A Givatayim, à proximité, « presque tous les instituteurs d’écoles élémentaires sont en contact avec leurs élèves », assure Irit Aronson, qui est en charge de l’éducation dans la municipalité.

« Mais ils ne le font que pour répondre aux besoins émotionnels des enfants de manière à ne pas rentrer en conflit avec le syndicat des enseignants », ajoute-t-elle.

Irit Aronson indique que le maire de Givatayim, Ran Kunik, n’a pas voulu que les enfants se laissent aller chez eux et que dès que la ville a appris qu’il y avait une grève, elle a payé les services d’une entreprise d’enseignement privée, Snunit, qui est dorénavant chargée de faire travailler les élèves de la municipalité à distance.

Le maire de Givatayim, Ran Kunik (Capture d’écran : YouTube)

« En 24 heures, le système était mis en place et fonctionnait. Snunit a ses propres enseignants, c’est une entreprise qui a été fondée par des gens de l’université Hébraïque. Elle enseigne le programme officiel mais elle donne aussi des cours d’échecs, de programmation informatique et de pensée mathématique », s’exclame-t-elle.

Dans les écoles arabophones d’Israël, la plus grande partie des professeurs ont décidé de maintenir l’enseignement à distance, rapporte Diana Daaboul, maître de conférences et conseillère pédagogique.

« Je suis active au sein d’un grand nombre de plateformes d’enseignants et d’universitaires, et de ce que je peux constater, la majorité des profs, dans la société arabe, ont dit à leurs élèves qu’ils allaient continuer les cours. Les universitaires, psychologues, éducateurs – mais également les institutions – font tout ce qui est possible, sur la base du volontariat, pour fournir des outils, du matériel et des connaissances visant à venir en aide aux parents et aux enseignants ».

Pas pour tous

Diana Daaboul souligne que l’enseignement à distance ne convient pas à tous les élèves, en particulier à ceux qui rencontrent des difficultés d’apprentissage liées à un handicap ou qui souffrent d’un trouble de l’attention – ou qui manquent tout simplement d’équipements informatiques ou de connexion internet à leur domicile.

Diana Daaboul, maître de conférences et conseillère pédagogique (Crédit : Facebook)

« Il y a des écarts entre les foyers. Il y a des familles qui n’ont pas internet, qui n’ont pas d’ordinateurs à domicile, et il y a des parents qui n’ont pas de connaissances suffisantes pour venir en aide à leurs enfants. Les écarts socio-économiques jouent un grand rôle ».

Le député Yousef Jabareen, de la Liste arabe unie, a envoyé un courrier au ministre de l’Éducation le 19 mars dernier disant qu’un tiers des élèves arabes n’avaient pas accès à internet. Il a également déclaré que les vidéos mises en ligne par le ministère, en arabe, étaient moins détaillées et d’une qualité plus médiocre que celles présentées en hébreu.

« Il n’a pas encore reçu de réponse, et le problème n’a pas été résolu », dénonce Diana Daaboul.

Elle dit également avoir remarqué que certains élèves s’amusent à faire des captures d’écran de leurs enseignants, en ligne, et qu’ils distribuent les photos avec des commentaires moqueurs.

« Ils ne sont pas habitués à ce type d’apprentissage, ils ne comprennent pas l’éthique de l’enseignement à distance. C’est un grand défi », estime-t-elle.

« Qu’est-ce qu’elle a envoyé aujourd’hui ? »

Ariel Augenbraun Blacher, professeure d’anglais au collège et au lycée à Hashmonaim et à Rehovot, a, pour sa part, décidé de continuer les cours malgré la grève. Elle dit que les professeurs de ses propres enfants – en cinquième et en troisième – ont maintenu leurs activités d’enseignement à distance et qu’ils continuent à donner des devoirs « même s’ils ne sont pas supposés le faire ».

Ariel Augenbaum Blacher, professeure au collège et au lycée (Crédit :Facebook)

« Les profs qui ont l’esprit créatif adorent l’enseignement en ligne. Ceux qui n’aiment pas cette méthode d’apprentissage utilisent des feuilles d’exercice ou des PowerPoints. Mais l’idée, c’est que le cours soit amusant pour l’élève. J’ai envie qu’ils se disent : ‘Qu’est-ce qu’elle a envoyé aujourd’hui ?’ « .

Par exemple, une collègue a mentionné que les musées proposaient des visites virtuelles gratuites.

« J’ai décidé de faire faire à mes élèves une visite virtuelle de la statue de la Liberté. Très peu d’Israéliens connaissent l’histoire des immigrants aux États-Unis. Ils l’ont faite en anglais et ont dû répondre à des questions sur des formulaires Google, et traduire une citation inscrite aux abords d’Ellis Island ».

Les parents des élèves d’école maternelle et élémentaire estiment souvent que l’apprentissage à distance nécessite toutefois une grande part d’investissement des parents.

Karine, une mère originaire du nord de Tel Aviv dont les enfants reçoivent un courriel de leur école une fois par jour, remarque qu’elle passe beaucoup de temps à tenir un rôle de professeur auprès de ses enfants – ce temps qu’elle passait auparavant à son travail, avant que la majorité des travailleurs israéliens se trouvent confinés à leur domicile.

« Je passe à peu-près quatre heures par jour à donner des cours à mes enfants. Nous prenons le petit déjeuner, je leur donne des devoirs, nous faisons des problèmes de mathématiques. Après le déjeuner, je travaille, et ils peuvent jouer. C’est très excitant pour eux d’obtenir une telle attention de la part de leurs parents. Ils aiment vraiment ça – et moi aussi. Je profite de ces moments de qualité ».

A LIRE/A VOIR : Une mère israélienne se lâche sur l’enseignement en ligne dans une vidéo virale

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