Erdogan: « Impossible d’accepter cette mentalité sioniste » de Washington
Accusé par les autorités turques d'activités "terroristes" et d'espionnage, le pasteur Andrew Brunson a été placé en résidence surveillée après 18 mois de détention
La Turquie a menacé mercredi les Etats-Unis de mesures de rétorsion suite aux sanctions imposées par Washington aux ministres turcs de l’Intérieur et de la Justice en réponse à l’arrestation et la détention du pasteur américain Andrew Brunson.
Ces sanctions consistent en la saisie des biens et avoirs de Süleyman Soylu et Abdulhamit Gül, a indiqué le département américain au Trésor. L’administration Trump a également interdit à tout ressortissant américain de faire affaire avec ces responsables turcs.
« Il ne fait aucun doute que cela va grandement endommager les efforts constructifs déployés en vue de régler les problèmes entre les deux pays », a réagi le ministère turc des Affaires étrangères dans un communiqué.
« Il y aura sans délai une réponse à cette attitude agressive qui ne mènera à rien », a-t-il ajouté, alors que la livre turque avait atteint mercredi son plus bas niveau historique face au billet vert (5 livres turques pour 1 dollar).
Accusé par les autorités turques d’activités « terroristes » et d’espionnage, le pasteur Andrew Brunson a été placé il y a tout juste une semaine en résidence surveillée après un an et demi de détention.
« Nous croyons qu’il a été victime d’un traitement injuste et injustifié de la part du gouvernement turc », a commenté Sarah Sanders, la porte-parole de la Maison Blanche, en annonçant les sanctions contre ces responsables turcs.
« La détention injuste du pasteur Brunson et sa poursuite par les autorités turques sont tout simplement inacceptables », a réagi de son côté le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin.
Süleyman Soylu et Abdulhamit Gül ont dirigé des organisations gouvernementales turques responsables de violation des droits de l’homme, estime le Trésor pour justifier ces mesures.
Parallèlement à l’annonce de ces sanctions, le département d’Etat américain a indiqué que le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo avait parlé au téléphone avec son homologue turc Mevlüt Cavusoglu et allait le rencontrer cette semaine à Singapour pour demander la libération du pasteur américain.
Andrew Brunson « doit être libéré de sa résidence surveillée et ramené à la maison », a déclaré à la presse la porte-parole de la diplomatie américaine Heather Nauert.
Mike Pompeo, en route pour Singapour où il participera vendredi et samedi à des réunions régionales, a de son côté rapporté que le président Donald Trump avait estimé que les sanctions annoncées contre des ministres turcs étaient « la mesure appropriée » face au « refus » de libérer ce pasteur.
La tension est montée d’un cran la semaine dernière entre Washington et Ankara, du fait de la détention en Turquie de ce pasteur.
Son placement en résidence surveillée mercredi dernier, après un an et demi de détention, a décuplé les tensions. Donald Trump et son vice-président Mike Pence avaient alors menacé la Turquie de « lourdes sanctions » si Andrew Brunson n’était pas remis en liberté.
« Evangéliste et sioniste »
Ankara ne cesse depuis de dénoncer un langage « inacceptable » de la part de son allié au sein de l’Otan.
Par ailleurs, Mike Pence, chrétien évangélique comme M. Brunson, a désigné le pasteur comme une « victime de persécution religieuse » dans une Turquie à majorité musulmane.
« La Turquie n’a aucun problème avec les minorités religieuses », s’est défendu mercredi Recep Tayyip Erdogan.
« Il nous est impossible d’accepter cette mentalité évangéliste et sioniste et ce ton menaçant venant des Etats-Unis », a également déclaré le président turc, répondant aux questions de journalistes à Ankara.
« Personne ne gagnera quoi que ce soit à cette approche pleine de propos menaçants », a-t-il ajouté.
Le pasteur Brunson, qui rejette toutes les accusations portées contre lui, risque jusqu’à 35 ans d’emprisonnement.
Les relations entre la Turquie et les Etats-Unis, qui ont les deux plus grandes armées de l’Otan, sont compliquées par des désaccords sur le dossier syrien et le sort du prédicateur et opposant turc Fethullah Gülen, exilé en Amérique, dont Ankara réclame avec insistance l’extradition pour son implication présumée dans le putsch avorté de juillet 2016.
Cette demande est restée pour l’heure lettre morte.
Le soutien apporté par Washington à la milice syrienne kurde des YPG a en outre fortement tendu les rapports, Ankara voyant dans ce groupe armé une organisation « terroriste » qui menace ses frontières.
Par ailleurs, deux employés locaux des missions américaines en Turquie sont actuellement en détention, et un autre est assigné à résidence.