Israël en guerre - Jour 57

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Interview

Erekat aux Etats arabes : ne bradez pas la cause palestinienne à votre profit

Pour le responsable de l'OLP, la réunion économique à Bahreïn sera "embarrassante" pour Kushner, mais admet que la Maison Blanche l'a rendu moins pertinent aux yeux de son peuple

Le négociateur palestinien Saeb Erekat lors d'une conférence de presse suite à une réunion d'urgence au siège de la Ligue arabe au Caire, Egypte, le 11 août 2014. (AP/Amr Nabil)
Le négociateur palestinien Saeb Erekat lors d'une conférence de presse suite à une réunion d'urgence au siège de la Ligue arabe au Caire, Egypte, le 11 août 2014. (AP/Amr Nabil)

RAMALLAH, Cisjordanie – Un haut responsable palestinien exhorte les États arabes qui ont décidé de participer à l’atelier économique dirigé par les États-Unis à Bahreïn à ne pas défendre leurs propres intérêts au détriment de la cause palestinienne.

Saeb Erekat, secrétaire général du Comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), a lancé cet appel lors d’une longue interview accordée au Times of Israel dans son bureau de Ramallah, dimanche dernier.

M. Erekat, un proche confident du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas et membre du Comité central du Fatah, a déclaré que lorsque les États arabes « monnayent des accords » avec Washington, ils doivent « payer de leur poche – pas de la mienne ».

Les responsables américains ont déclaré que le sommet des 25 et 26 juin portera sur la partie économique de leur plan à venir pour résoudre le conflit israélo-palestinien.

Les Palestiniens ont catégoriquement refusé de participer à la conférence ; Abbas a déclaré que les dirigeants palestiniens basés à Ramallah n’accepteraient pas ses conclusions et exigé que tout effort de paix commence par le traitement des questions politiques plutôt qu’économiques.

Quatre États arabes – les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite, le Qatar et le pays hôte, Bahreïn – ont tous déclaré qu’ils participeront à la conférence. Les Etats-Unis ont déclaré mardi que la Jordanie, l’Egypte et le Maroc avaient également confirmé leur présence.

Les ministres arabes des Affaires étrangères se réunissent au siège de la Ligue arabe au Caire, en Égypte, le 19 novembre 2017. (AP Photo/Nariman El-Mofty)

Interrogé sur la question de savoir si la participation arabe constituait une déception majeure pour les Palestiniens, Erekat a déclaré que « ces pays ont leurs propres priorités », notamment celles liées à l’Iran. Il semblait suggérer que certains voisins du Moyen-Orient sont prêts à jouer le jeu avec l’agenda de Washington sur le conflit israélo-palestinien si cela permet un front plus uni dans la lutte contre les ambitions régionales de Téhéran.

M. Erekat a précisé que les Palestiniens avaient informé Bahreïn de leur désapprobation quant à la décision de Manama d’accueillir la réunion sur l’économie. Nous leur avons dit : « Pourquoi devriez-vous accueillir cette conférence alors que nous n’y sommes pas ? Vous n’avez pas le droit. »

Abbas et d’autres responsables palestiniens ont rencontré Abdullah bin Ahmad al-Khalifa, un envoyé du roi bahreïni Hamad bin Ahmad al-Khalifa, fin mai à Amman.

Erekat a clairement indiqué que les dirigeants palestiniens avaient fait savoir aux États arabes participant à l’atelier qu’ils ne leur avaient pas donné le mandat de négocier en leur nom.

Néanmoins, il a prédit que Jared Kushner, un architecte principal du plan de paix américain, ne sera pas satisfait des déclarations publiques que les délégations arabes feront dans le cadre du sommet.

« Cette conférence à Manama sera le plus grand revers et le plus grand embarras pour Kushner », a assuré Erekat, « parce que je sais qu’aucun Arabe ne sera [présent] sans dire : ‘État palestinien avec Jérusalem-Est comme capitale vivant côte à côte avec Israël aux frontières de 1967′ ».

Saeb Erekat, secrétaire général du Comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine, s’exprime à son bureau à Ramallah, le 9 juin 2019. (Adam Rasgon/Times of Israel)

Erekat a révélé que Ramallah s’est efforcé d’obtenir que des dizaines de pays du monde entier signent des documents dans lesquels ils s’engagent à ne soutenir que cette solution, en plus de promettre de ne pas suivre les États-Unis dans le déplacement de leurs ambassades à Jérusalem.

Il a affirmé avoir reçu de telles promesses par écrit du Canada, du Japon, de la Chine, de la Russie ainsi que de tous les États de l’Union européenne, de l’Union africaine et de la Ligue arabe.

Mais lorsqu’il s’est agi de convaincre les gouvernements de passer à l’étape suivante et de reconnaître la Palestine, Erekat a admis avoir eu plus de mal, même avec les États européens. « Ils me donnent des réponses que je ne veux pas entendre », dit-il.

Alors que le président américain Donald Trump a déclaré qu’il pense que la solution à deux États « est la meilleure », Kushner et d’autres responsables de la Maison Blanche ont évité de soutenir ce concept traditionnel, semblant indiquer que le projet de paix qui se dessine offrira aux Palestiniens quelque chose de moins que la pleine souveraineté.

Erekat s’est également attaqué aux politiques plus larges de Washington sur le conflit israélo-palestinien, arguant que celles-ci avaient démotivé Israël dans ses négociations avec les Palestiniens.

« Pourquoi un Israélien devrait-il me parler maintenant ? Pourquoi un Israélien voudrait-il négocier avec moi maintenant, s’il a les Kushner, les Greenblatt et les Trump ? Pourquoi devraient-ils me parler alors que quelqu’un d’autre fera le travail à leur place ? » demanda-t-il.

Le président américain Donald Trump, (à gauche), se tourne pour donner un stylo au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, (au centre), à la Maison Blanche à Washington, le 25 mars 2019, après avoir signé le décret officiel reconnaissant formellement la souveraineté d’Israël sur le plateau du Golan… De gauche à droite : Jared Kushner, conseiller de la Maison Blanche, Jason Greenblatt, envoyé spécial des États-Unis, David Friedman, ambassadeur des États-Unis en Israël, Ron Dermer, ambassadeur d’Israël aux États-Unis et Mike Pompeo, secrétaire d’État. (AP/Susan Walsh)

Depuis son entrée en fonction au début de 2017, l’administration Trump a pris un certain nombre de mesures qui ont été saluées par les responsables israéliens tout en exaspérant leurs homologues palestiniens, comme la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël, le déplacement de l’ambassade des États-Unis dans l’État juif vers la ville, la réduction du financement de l’organisation des Nations Unies qui fournit une aide aux réfugiés palestiniens et la fermeture du bureau de l’OLP à Washington, DC.

Démontrant comment l’administration Trump a peu à peu rendu moins pertinent son « camp de paix palestinien », Erekat a souligné deux « écoles » qui ont gagné du terrain parmi ses compatriotes ces dernières années : une qui a abandonné la possibilité d’un État palestinien et est prête à accepter un seul État tant que les Palestiniens auront tous les droits, et un deuxième camp qui croit toujours qu’un État palestinien est possible mais qu’une lutte armée sera nécessaire.

Ces deux camps comprennent des membres qui sont devenus certains des critiques les plus féroces d’Erekat, en particulier sur des questions telles que la coopération de l’AP avec Israël en matière de sécurité.

Néanmoins, « elle se poursuit », a-t-il dit, semblant minimiser les menaces des responsables de l’Autorité palestinienne et de l’OLP de mettre fin au partenariat, auquel les responsables de la sécurité israélienne ont attribué le mérite de sauver d’innombrables vies. « Le peuple nous critique tous les jours, à chaque instant. Les gens me traitent de traître pour avoir dit ça. »

Alors qu’Erekat affirmait qu’il ne reviendrait jamais sur sa propre opposition à la violence comme moyen d’accéder au statut d’Etat, il a admis que les « les choses changent » au sein de l’OLP et dans son parti le Fatah.

Il a insisté sur le fait que Netanyahu et l’administration de Trump allaient « entrer dans l’histoire » comme ayant exacerbé ces tendances.

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