Ex-procureur : Les pilotes réservistes devraient cesser de voler si la refonte judiciaire est relancée
Selon Moshe Lador, le refus est un "outil légitime“ contre les tentatives de transformer Israël en ”dictature" ; le président, le Premier ministre et les élus décrient cette rhétorique
L’ancien procureur Moshe Lador a encouragé samedi les pilotes de l’armée de l’air israélienne à ne plus se porter volontaires pour le service de réserve si le gouvernement relance son projet très controversé de refonte du système judiciaire, comme le ministre de la Justice Yariv Levin en a exprimé le souhait.
S’exprimant lors d’un événement à Beer Sheva samedi, Lador a déclaré que le refus de se porter volontaire pour le service était un « outil légitime » pour empêcher le gouvernement de faire passer Israël « d’une démocratie à une dictature ».
« Les pilotes qui ont achevé leur service obligatoire et qui servent maintenant sur une base volontaire ont non seulement le droit, mais aussi, à mon avis, l’obligation de dire : ‘Si c’est le pays auquel vous aspirez, que vous allez créer par la force et l’intimidation et dont vous allez être les dictateurs, je n’entrerai pas dans le cockpit et ne piloterai pas cet avion parce que je n’y suis pas obligé’ », a-t-il déclaré.
Il a ajouté qu’il ne considérait pas un tel refus de servir « comme une ingérence politique », mais comme une méthode légitime pour retarder un processus « totalement erroné ».
Lador était un fervent opposant au programme de réformes radicales qui visait à retirer le pouvoir aux tribunaux et au procureur général et à affaiblir le rôle du système judiciaire en tant que contrepoids au pouvoir du gouvernement. Le projet de refonte de Levin a entraîné une agitation sociale et politique de grande ampleur, avec des manifestations de masse organisées dans tout le pays pendant une grande partie de l’année 2023, jusqu’à ce que la guerre éclate à Gaza suite au pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre 2023 sur le sol israélien.
Au plus fort des manifestations de 2023, des centaines de réservistes ont signé des déclarations selon lesquelles ils ne se présenteraient plus au service de réserve volontaire pour protester contre l’avancée des plans du gouvernement visant à réduire le pouvoir judiciaire.
Les propos de Lador ont suscité de vives condamnations de la part de la coalition et de l’opposition, ainsi que de la part du chef d’état-major de l’armée israélienne, le lieutenant-général Herzl Halevi. Ce dernier a déclaré que Tsahal « doit rester en dehors de toute controverse politique », en particulier pendant la période difficile que traverse actuellement la sécurité nationale d’Israël.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a quant à lui déclaré que les propos de Lador méritaient d’être condamnés « à tous les niveaux de l’échiquier politique ». Prôner le refus en temps de guerre « franchit une ligne rouge qui met en danger la démocratie et sape notre avenir », a affirmé Netanyahu. Il a demandé à la procureure générale, Gali Baharav-Miara, de « prendre des mesures immédiates contre ce phénomène dangereux », indiquant qu’il souhaitait engager des poursuites judiciaires contre Lador.
Le ministre de l’Intérieur, Moshe Arbel, a également demandé qu’une enquête soit ouverte à son sujet. Le ministre des Communications, Shlomo Karhi, a pour sa part affirmé que Lador « veut nous infliger un nouveau 7 octobre » et a suggéré qu’il soit arrêté et interrogé pour servir d’exemple.
Le ministre de la Défense, Israel Katz, a affirmé que la rhétorique de Lador « nuit à la sécurité de l’État » et que le refus de servir « ne peut être accepté en aucune circonstance ».
Le ministre des Affaires étrangères, Gideon Saar, anciennement très critique à l’égard de la gestion de la guerre par le gouvernement et du programme de refonte du système judiciaire, a dénoncé les déclarations de Lador, les qualifiant « d’irresponsables », qui méritent d’être « condamnées sans équivoque ».
« Dire de telles choses aurait été imprudent, même avant le 7 octobre », a-t-il écrit sur le réseau social X, reprochant à Lador d’être « prêt à parier sur l’existence même de l’État ».
De l’autre côté de l’échiquier politique, l’ancien chef d’état-major de Tsahal et ex-ministre de la Défense Benny Gantz, qui dirige aujourd’hui le parti d’opposition HaMahane HaMamlahti, a fait valoir que les menaces de refus « nous ramènent au 6 octobre [2023] » et qu’un tel comportement devrait être interdit.
L’ancien Premier ministre Naftali Bennett s’est également exprimé, déclarant que « le refus de servir dans les rangs de Tsahal n’est jamais légitime ».
Le président Isaac Herzog a averti que si la démocratie protège le droit de protester et la liberté d’expression, « appeler au refus de servir est injustifiable » .
« Quiconque dit le contraire nuit à la sécurité de l’État d’Israël », a-t-il déclaré, appelant à se tenir à l’écart du « discours clivant et dangereux qui a précédé le 7 octobre ».
Ces dernières semaines, alors que Levin a appelé à une relance des projets de loi controversés bloqués par les manifestations et désormais suspendus en raison de la guerre contre le groupe terroriste palestinien du Hamas, Herzog a exprimé sa profonde inquiétude à propos d’un certain nombre de projets de loi qui, selon lui, « toucheraient aux fondements démocratiques [d’Israël] ».
Il avait précédemment décrit les projets de Levin comme un danger pour la démocratie israélienne.
La question des réformes prévues est revenue sur le tapis jeudi lorsque la Haute Cour de justice a ordonné à Levin d’organiser un vote au sein de la commission de sélection des juges afin de nommer un nouveau président de la Cour suprême, ce qu’il refuse de faire depuis plus d’un an en raison de son désir de nommer un conservateur à ce poste – une décision pour laquelle il ne dispose pas des voix nécessaires.
La mesure législative visant à modifier la composition de cette commission, qui aurait donné au gouvernement un pouvoir de décision, était peut-être la partie la plus radicale et la plus controversée du programme de refonte de Levin, dont il a lui-même admis par la suite qu’elle aurait porté atteinte à la séparation des pouvoirs.
Levin a réagi avec fureur à l’ordonnance de la Cour jeudi, accusant les juges de la plus haute juridiction israélienne de se transformer en « dirigeants dictatoriaux » qui « piétinent le choix du peuple ».
Il a déclaré qu’il était désormais essentiel de décider « une fois pour
toutes » s’il fallait ou non restreindre le pouvoir judiciaire.