Face à des menaces croissantes, Londres renforce la sécurité de ses députés
"Aucun d'entre nous ne devrait avoir à accepter que subir des crimes haineux, du harcèlement ou des menaces fasse partie du travail", a dit le ministre de l'Intérieur James Cleverly
A quelques mois des élections législatives, le gouvernement britannique a dévoilé mercredi des mesures pour renforcer la sécurité des députés, confrontés à des menaces croissantes récemment exacerbées par la guerre entre Israël et les terroristes palestiniens qui contrôlent la Bande de Gaza.
Le conflit, à l’origine d’importantes tensions dans la société britannique, a encore aggravé l’hostilité de plus en plus vive à laquelle font face les élus britanniques ces dernières années, marquées par les meurtres de deux parlementaires.
« Aucun d’entre nous ne devrait avoir à accepter que subir des crimes haineux, du harcèlement ou des menaces fasse partie du travail », a dit le ministre de l’Intérieur James Cleverly, en annonçant les nouvelles mesures.
Une enveloppe de 31 millions de livres sterling (36,2 millions d’euros) va être consacrée à la protection des élus. Ceux-ci auront un interlocuteur direct au sein de la police, avec lequel ils pourront communiquer sur les questions de sécurité. Pour les élus les plus à risque, un service de sécurité privé pourra être mis à disposition.
Croissantes depuis la guerre à Gaza déclenchée par l’attaque sanglante du Hamas le 7 octobre 2023 en Israël, ces tensions surviennent alors que les élections législatives doivent avoir lieu au Royaume-Uni d’ici la fin de l’année.
Selon la députée travailliste Lisa Nandy, l’inquiétude des élus pour leur sécurité ne cesse de monter. « Nous avons eu des incidents au cours desquels des personnes, y compris moi, ont été accostées dans la rue, encerclées et filmées », a-t-elle raconté à la télévision Sky News ce week-end.
L’élue a raconté avoir assisté récemment à une réunion du Labour, critiqué ces derniers mois pour ne pas appeler à un cessez-le-feu immédiat à Gaza, où des protestataires scandaient « génocide » à l’entrée.
« Depuis 14 ans que je siège au Parlement, j’ai vu la situation s’aggraver », a ajouté la députée, qui porte sans cesse une alarme reliée à la police et a renforcé la sécurité de son domicile.
Selon le Sunday Times, trois députées, dont le nom n’a pas été publié, sont accompagnées de gardes du corps, après une évaluation des risques auxquels elles sont exposées.
Bureau incendié
Les menaces sont d’autant plus prises au sérieux que deux élus britanniques ont été tués en huit ans.
En 2021, le député conservateur David Amess a été tué par un membre du groupe jihadiste Etat islamique et cinq ans plus tôt, la députée travailliste Jo Cox avait été assassinée par un militant neo-nazi avant le referendum sur le Brexit.
« Ces dernières semaines, nous avons assisté à des tentatives honteuses d’intimidation des députés », a critiqué le secrétaire d’Etat délégué à la Sécurité, Tom Tugendhat.
Les témoignages d’élus se multiplient ces dernières semaines.
Fin janvier, le député conservateur Mike Freer, élu dans une circonscription de Londres où résident de nombreuses personnes de confession juive, a annoncé qu’il ne se représenterait pas aux élections, après avoir reçu des menaces d’un groupe islamiste et vu son bureau incendié.
Il avait déjà indiqué porter un gilet de protection lors de rencontres publiques.
Mi-février, des dizaines de manifestants pro-Palestiniens se sont rassemblés devant le domicile du député conservateur Tobias Ellwood, poussant la police à demander à sa famille de « rester à l’écart » de la propriété.
La députée travailliste Dawn Butler a pour sa part indiqué avoir demandé le week-end dernier « une protection supplémentaire de la police » après avoir subi des menaces de l’extrême-droite. Cette élue qui est noire, a accusé l’aile droite du parti conservateur d’attiser la haine et l’islamophobie.
Des élus ont par ailleurs reproché aux défenseurs de l’environnement d’organiser des rassemblements devant leur domicile. L’organisation Just Stop Oil a ainsi appelé ses militants à interpeller les députés « dans leur bureau, dans leur circonscription, dans leur maison ».
« Les manifestants pour le climat qui protestent devant les maisons des députés ne sont pas plus acceptables que les menaces que j’ai reçues de la part de militants anti-avortement », s’est emportée la députée travailliste Stella Creasy dans le quotidien The Guardian.
« La violence et le harcèlement contre les élus sont de plus en plus normalisés », a-t-elle déploré. Si aucune solution n’est trouvée, « la démocratie perdra ».