Génocide des Herero et Nama : la Namibie redemande réparation à l’Allemagne
Entre 1904 et 1908, les forces coloniales allemandes assassinent environ 60 000 Herero et 10 000 Nama dans un processus qui inclut camps de concentration et expériences pseudo-scientifiques

La présidente namibienne Netumbo Nandi-Ndaitwah a répété mercredi 28 mai ses demandes de réparation à l’Allemagne pour le génocide perpétré contre les Herero et les Nama lors de la première commémoration officielle qui leur a été dédiée dans ce pays d’Afrique australe.
Des milliers d’entre eux ont été massacrés par les troupes coloniales allemandes de 1904 à 1908 dans ce qui est considéré comme le premier génocide du XXe siècle par de nombreux historiens.
« Nous devrions trouver un certain réconfort dans la reconnaissance par le gouvernement allemand d’un génocide commis par ses troupes coloniales contre les peuples de notre terre », a déclaré la première femme présidente du pays lors de la cérémonie organisée dans les jardins du Parlement.
L’Allemagne a fini par reconnaître en 2021 que ces massacres constituaient un génocide. Environ 60 000 Herero et 10 000 Nama ont été tués par les armes ou dans des camps de concentration. Soit 80 % de la population Herero d’alors, selon certains historiens.
Si Berlin a présenté des excuses, il n’y a toujours pas d’accord sur les réparations dans les discussion avec le gouvernement allemand, initiées en 2013, a ajouté la présidente.
« Il faut rester déterminés, en tant que nation, à tenir bon jusqu’au bout », a dit la présidente.
Le gouvernement allemand a promis plus d’un milliard d’euros d’aide au développement sur trente ans au profit des descendants des deux minorités ethniques, en précisant que cela ne pouvait pas être considéré comme un paiement de réparations. Offre que la Namibie, comptant au total trois millions d’habitants, a rejeté.

Un millier de personnes, dont l’ambassadeur d’Allemagne, ont assisté à la cérémonie mercredi. Des bougies ont été allumées en l’honneur des victimes et une minute de silence a été respectée, entre chants et discours.
« Nous nous tenons ici non loin de l’un des sites des camps de concentration à Windhoek », a rappelé l’ambassadeur d’Allemagne Thorsten Hutter. « Je crois qu’il est important de comprendre qu’on ne peut changer le passé, mais dans le présent, il est de notre responsabilité de se souvenir des atrocités commises. »
Des crânes et des restes humains transportés en Europe à l’époque, pour des expériences pseudo-scientifiques à visée racialiste, ont été restitués par l’Allemagne en 2011 et en 2018.
Le 28 mai a été désigné férié l’été passé en tant que Jour du souvenir du génocide car c’est ce jour-là en 1907 que les autorités allemandes ont ordonné la fermeture des camps de concentration après des critiques internationales.
La répression meurtrière, au début du XXe siècle par le colonisateur allemand, du soulèvement des peuples autochtones Herero et Nama a été reconnue par Berlin il y a quatre ans comme un « génocide »
Le 12 janvier 1904, les Herero, privés de leurs terres et de leur bétail dans le territoire semi-désertique du Sud-Ouest africain (actuelle Namibie), se révoltent contre la puissance coloniale allemande (1884-1915), emmenés par le chef Samuel Maharero. Ils tuent une centaine de civils allemands. La tribu plus petite des Nama se révolte également l’année suivante.

La répression est féroce. Après la sanglante bataille de Waterberg, en août 1904, les Herero fuient avec femmes et enfants pour gagner le Botswana voisin, poursuivis par les troupes allemandes. Le commandant militaire de la colonie, le général Lothar von Trotha, ordonne l’extermination de ce peuple : « Dans les frontières [coloniales] allemandes, tout Herero avec ou sans arme, avec ou sans bétail, doit être abattu », décrète-t-il.
Au moins 60 000 Herero et 10 000 Nama meurent entre 1904 et 1908, avec déjà un recours à des camps de concentration et à des expériences pseudoscientifiques racialistes.
En 1924, un musée allemand vend à un collectionneur américain, qui en fait don au musée d’histoire naturelle de New York, des ossements herero et nama, dont quelque 300 crânes, qui avaient été envoyés en Allemagne pendant la colonisation, pour des expériences censées prouver une prétendue supériorité de la race blanche.
Pour « retrouver notre dignité, nous réapproprier notre histoire », l’ambassadeur de Namibie à Berlin réclame en 2008 leur restitution.
Ce sera le cas en 2011 de vingt crânes de guerriers herero et nama, accueillis à l’aéroport de Windhoek par une foule de plusieurs milliers de personnes. Sept ans plus tard, d’autres ossements de membres des deux tribus ont été remis à une délégation namibienne lors d’une cérémonie religieuse à Berlin.
Ce n’est que le 28 mai 2021, au terme de cinq années d’âpres négociations entre les deux pays, que l’Allemagne a reconnu pour la première fois avoir perpétré un « génocide » pendant l’ère coloniale.
Elle a promis de verser plus d’un milliard d’euros d’aides au développement sur trente ans, devant bénéficier en priorité aux descendants des Herero et des Nama.
Berlin, qui estime que sa reconnaissance d’un génocide n’ouvre la voie à aucune « demande légale d’indemnisation », a toutefois insisté sur le fait qu’il ne s’agissait pas de « réparations » et n’a pas présenté d’excuses officielles.
Les représentants des deux ethnies et l’opposition namibienne ont rejeté cet accord, estimant que les descendants des Herero et des Nama n’avaient pas suffisamment été impliqués dans les négociations.
La Namibie a finalement demandé en 2022 à l’Allemagne une renégociation, sans préciser quelles modifications avaient été demandées. Les discussions se poursuivent.