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Geoffroy Lejeune, d’extrême droite, arrive au « JDD », fondé par un Juif français

Pierre Lazareff, patron de presse juif français, avait fondé le journal en 1949 afin de combler le manque de quotidiens le dimanche

Des salariés du « Journal du Dimanche » devant le bâtiment de leur rédaction à leur 13e jour de grève, à Paris, le 5 juillet 2023. (Crédit : ALAIN JOCARD / AFP)
Des salariés du « Journal du Dimanche » devant le bâtiment de leur rédaction à leur 13e jour de grève, à Paris, le 5 juillet 2023. (Crédit : ALAIN JOCARD / AFP)

La rédaction de l’hebdomadaire français Journal du dimanche (JDD) a changé de tête ce mardi, avec l’arrivée d’un journaliste marqué à l’extrême droite, alors qu’un accord vient de mettre fin à une longue grève de la rédaction, inquiète des intentions du futur propriétaire, le milliardaire Vincent Bolloré.

Geoffroy Lejeune, 34 ans, soutien du candidat d’extrême droite Eric Zemmour à l’élection présidentielle de 2022, a pris ses fonctions de directeur de la rédaction dans un climat très conflictuel entre la rédaction du journal et la direction du groupe Lagardère, propriétaire actuel.

Sa nomination, annoncée le 22 juin, avait aussitôt déclenché une grève d’une durée inédite de la rédaction, reconduite à la quasi-unanimité pendant 40 jours. Ce mouvement a empêché six week-ends de suite la parution du JDD, institution dominicale en France, dans laquelle les puissants de tous bords se plient régulièrement au jeu de l’interview.

Mais un accord a été conclu pour mettre fin à la grève et le site internet du journal doit reprendre son activité dès ce mardi, a annoncé dans un communiqué Lagardère, qui table sur un retour dans les kiosques de la version papier « à partir de mi-août ».

« L’accord prévoit également la mise en place de conditions d’accompagnement pour les journalistes qui souhaiteraient quitter la rédaction », a ajouté le groupe.

Le journaliste Geoffroy Lejeune, à Paris, le 28 septembre 2020. (Crédit : JOEL SAGET / AFP)

À l’origine de la grève, le refus de la rédaction d’être dirigée par Geoffroy Lejeune, « dont les valeurs sont en totale contradiction avec celles du JDD« , et son exigence de « garanties d’indépendance juridique et éditoriale ».

Même si Arnaud Lagardère, patron du groupe du même nom, s’en défend, nombre d’observateurs voient dans cette nomination la main du milliardaire Vincent Bolloré, aux opinions réputées ultra-conservatrices.

Vivendi, groupe de M. Bolloré, est en effet en train d’absorber Lagardère, propriétaire de plusieurs médias français (le JDD, le magazine people Paris Match et la radio Europe 1).

L’actionnaire majoritaire du Groupe Bolloré, Vincent Bolloré, à une audition devant une commission d’enquête parlementaire sur la concentration des médias, au Sénat, à Paris, le 19 janvier 2022. (Crédit : THOMAS SAMSON / AFP)

« Nous n’avons pas gagné »

Les grèves précédentes contre les ingérences supposées de l’homme d’affaires, à la chaîne de télévision i-Télé (devenue CNews, propriété de Vivendi) en 2016 et Europe 1 en 2021, se sont soldées par des départs massifs.

Avant sa nomination au JDD, Geoffroy Lejeune dirigeait depuis 2016 le magazine d’extrême droite Valeurs Actuelles.

Il en a fait un soutien d’Eric Zemmour, sept ans après lui avoir consacré un livre dans lequel il le voyait élu à la tête de l’État. Le candidat d’extrême droite a obtenu 7,1 % des suffrages au premier tour de l’élection présidentielle, en avril 2022.

Dans une interview, Geoffroy Lejeune assumait alors une « volonté de conquête » idéologique et le projet « de faire progresser nos idées dans le débat public, de convaincre des gens (…) y compris dans les autres médias traditionnels », contre la « bien-pensance relativiste, progressiste et mollassonne ».

Sous sa direction, Valeurs Actuelles a été condamné pour injure publique à caractère raciste envers la députée LFI (gauche radicale) d’origine gabonaise Danièle Obono, après un dessin la caricaturant en esclave.

Ami depuis l’adolescence d’une autre figure de l’extrême droite française, Marion Maréchal, nièce de la présidente du Rassemblement national Marine Le Pen, Geoffroy Lejeune est habitué des plateaux des chaînes d’information et rompu aux codes modernes de communication sur les réseaux sociaux.

« C’est un immense honneur dans une carrière de journaliste de pouvoir travailler au service d’un titre aussi prestigieux que le JDD. Je le mesure pleinement et souhaite mettre toute mon énergie à la réussite de ce défi », assurait-il le 23 juin après l’annonce de son recrutement, son seul commentaire public jusqu’à présent.

Dans un communiqué publié mardi, la Société des journalistes (SDJ) du JDD a indiqué que l’accord avec la direction avait été signé « dans la nuit de lundi à mardi » et que la fin du mouvement avait été approuvée par 94 % de la rédaction.

« Il nous coûte de le reconnaître, particulièrement auprès de nos lecteurs : si nous avons remis sur la place publique l’enjeu de l’indépendance des rédactions, face à notre actionnaire, nous n’avons pas gagné », a souligné la SDJ dans ce texte au ton amer.

« Aujourd’hui, Geoffroy Lejeune prend ses fonctions. C’est dans une rédaction vide qu’il entrera. Des dizaines de journalistes refusent de travailler avec lui et devraient quitter le JDD« , a-t-elle poursuivi.

Pierre Lazareff. (Capture d’écran YouTube / INA Officiel)

Le Journal du dimanche, fondé dans l’après-guerre par un Juif français

Le JDD a été fondé par Pierre Lazareff, patron de presse juif français, en 1949 afin de combler l’absence de quotidiens le dimanche.

Né le 16 avril 1907 à Paris et mort le 21 avril 1972 à Neuilly-sur-Seine, il a aussi travaillé pour France-Soir (journal aujourd’hui disparu, revenu sous la forme d’un site Internet en 2019 dirigé par une équipe d’extrême droite complotiste), France Dimanche (236 032 exemplaires en 2018-2019) et Télé 7 jours (principal magazine de presse de télévision français).

Il est le fils d’un émigré russe, David Lazareff (mort en 1941), courtier en pierres fines, arrivé à Paris en 1900 et naturalisé français en 1908, et de Marthe Helft (d’origine alsacienne, morte en 1954). Ses parents se sont mariés en novembre 1903 à la synagogue de la rue Buffault, à Paris, et ont fait circoncire leurs trois fils, mais sans être pour autant pratiquants.

Pierre Lazareff a grandi dans le 9e arrondissement de Paris. Après avoir été traité dans la cour de recréation de « sale juif », il apprend de son père qu’il est de confession juive.

Il a lancé son premier hebdomadaire, Illusion, en 1924, alors qu’il était âgé de 17 ans, grâce à 20 000 francs que lui a donnés sa mère. Le magazine s’arrêtera au bout de trois numéros, et il travaille ensuite pour de nombreux journaux, dont le Soir ou encore Paris-Midi, et rejoint Paris-Soir, titre phare de la presse française de l’époque, en 1931 en tant que directeur de la rédaction.

Il part pour New York au début de la Seconde Guerre mondiale et rejoint l’Office de l’information de guerre. Il est par la suite envoyé à Londres pour prendre la tête de l’American Broadcasting System in Europe, où il dirige les émissions radiophoniques à destination de l’Europe occupée.

Après la guerre, à son retour en France, il reprend le titre Défense de la France, journal clandestin de la Résistance, et le rebaptise France-Soir, qui deviendra le quotidien le plus vendu en France avec jusqu’à 2 millions d’exemplaires quotidiens en 1970.

Il a par la suite participé au lancement de Télé 7 jours, qui deviendra dans les années 1980 le plus fort tirage de la presse française.

Pionnier de l’actualité télévisée, Pierre Lazareff est le concepteur de la première émission télévisée d’information et de reportages, « Cinq colonnes à la une », en 1959.

Pierre Lazareff était marié à Hélène Gordon (1909-1988), issue d’une famille de la haute bourgeoisie juive russe. Elle a fondé en 1945 le magazine féminin Elle. Avant leur rencontre, Pierre Lazareff a recueilli et adopté en 1932 une fille, Nina (1929-1999).

La famille repose au cimetière du Père-Lachaise.

À Paris, une place et une allée du 2e arrondissement, accolées à l’immeuble historique de France-Soir, portent le nom de Pierre Lazareff.

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