Georgetown rend hommage au résistant polonais Jan Karski
L’université américaine, où Karski enseigna, honore le 100ème anniversaire de la naissance de l’homme qui demanda à Franklin Roosevelt de bombarder les chemins de fer d’Auschwitz
L’histoire de Jan Karski, un résistant polonais de la Seconde Guerre mondiale, qui risqua sa vie pour transmettre aux Alliés des informations de première main, est commémorée et célébrée cette année à l’université de Georgetown à Washington DC, à l’occasion du 100ème anniversaire de sa naissance.
L’université où Karski, qui s’est éteint en 2000, fut professeur pendant quatre décennies, a programmé plusieurs commémorations spéciales, dont une journée entière d’hommage, le 24 avril.
Karski a déjà été reconnu par le musée Yad Vashem comme Juste parmi les nations et a obtenu la médaille présidentielle de la liberté, décernée à titre posthume par le président américain Barack Obama.
La journée commémorative du 24 avril comprendra une lecture scénique de la pièce Remember This: Walking With Jan Karski avec un ensemble d’étudiants de Georgetown et l’acteur David Strathairn, qui incarnera Karski.
« Une journée entière à la mémoire d’un professeur est quelque chose de très inhabituel. Je n’arrive pas à me souvenir d’un exemple similaire à Georgetown », s’étonne le rabbin Harold White, qui occupe le poste d’aumônier juif sur le campus depuis 2009.
Selon White, Karski était « incroyablement humble » malgré le fait qu’il ait mis sa vie en péril pour transmettre des informations sur l’extermination des Juifs d’Europe aux dirigeants alliés, dont le président américain Franklin Roosevelt.
Avant de témoigner face à la caméra du réalisateur Claude Lanzmann en 1978, pour le film Shoah, Karski s’était rarement épanché sur ses actions – y compris auprès de ses collègues de Georgetown.
« Il pensait qu’il n’en avait pas fait assez pour sauver autant de Juifs que possible », explique White, qui a bien connu Karski.
« Je me souviens comment il se tournait et fixait le crucifix accroché au mur lorsqu’il s’exprimait lors de nos cérémonies annuelles de commémoration de la Shoah et du génocide arménien », se rappelle White. « Il avait les larmes aux yeux en disant : ‘J’espère que Dieu me pardonnera.’ »
« Il pensait qu’il n’en avait pas fait assez pour sauver autant de Juifs que possible. Il avait les larmes aux yeux en disant : ‘J’espère que Dieu me pardonnera.’ »
Harold White
Karski est né en 1914 à Lodz, en Pologne, sous le nom de Jan Kozielewski [Karski était un nom de guerre qu’il adopta officiellement plus tard]. Il était le plus jeune d’une fratrie de huit enfants et grandit dans une famille catholique.
Après avoir effectué son service militaire obligatoire et obtenu son diplôme en droit et en études diplomatiques, avec mention, de l’université de Lvov, il fut nommé diplomate.
Karski dut remplir ses obligations militaires lorsque l’Allemagne envahit la Pologne le 1er septembre 1939.
Il parvint à s’enfuir lorsque son unité fut capturée par les Soviétiques, échappant au sort des officiers polonais assassinés lors du massacre de Katyn au printemps 1940.
Comme il le rappela dans Mon témoignage devant le monde : histoire d’un État secret, un récit sur ses souvenirs de guerre publié en 1944, il rejoignit la résistance polonaise et devint coursier, prenant part aux missions de liaison avec le gouvernement polonais en exil.
http://youtu.be/hpg-wFJFxRQ
Trahi, il fut arrêté par la Gestapo et tenta de se suicider alors qu’il était en garde à vue. Mais il survécut et ses camarades organisèrent son évasion.
Karski infiltra deux fois le ghetto de Varsovie et se fit passer pour un gardien au ghetto de transit d’Izbica, où il assista à l’envoi des Juifs dans les trains de la mort.
Karski infiltra deux fois le ghetto de Varsovie et se fit passer pour un gardien au ghetto de transit d’Izbica, où il assista à l’envoi des Juifs dans les trains de la mort
Témoin oculaire des atrocités nazies contre les Juifs, il fournit des rapports détaillés au secrétaire aux Affaires étrangères britannique Anthony Eden, au président Roosevelt et au président de la Cour suprême américaine Felix Frankfurter.
Il les pressa de prendre des mesures, notamment de bombarder des chemins de fer conduisant aux camps d’extermination, mais les dirigeants firent la sourde oreille.
Linda Gradstein, aujourd’hui chef du bureau du Moyen Orient de Media Line, a suivi les cours de théorie politique de Karski alors qu’elle était en première année à Georgetown. Elle se souvient l’avoir interviewé pour le journal universitaire.
« Il m’a raconté toute son histoire, patiemment et clairement. La seule fois où il n’a pas retenu son émotion fut lorsqu’il évoqua ses discussions avec Roosevelt et son insistance pour que le président américain fasse bombarder les chemins de fer menant à Auschwitz », dit-elle.
Karski était marié à Pola Nirenska, une danseuse juive polonaise, survivante de la Shoah, qui mit fin à ses jours en 1992. Il quitta le monde de l’enseignement au milieu des années 1980. Aujourd’hui, les étudiants de Georgetown connaissent surtout Karski grâce à une statue commémorative, où il est représenté assis sur un banc.
Derek Goldman, professeur de théâtre et directeur artistique au Davis Performing Arts Center de Georgetown, s’est servi de la statue comme d’une source d’inspiration pour la pièce, Remember This: Walking With Jan Karski, dont la première aura lieu le 24 avril dans le Gaston Hall, la plus grande salle de l’université.
« La pièce se joue autour du banc commémoratif et interroge ce qui se cache derrière cet objet. Les étudiants rencontrent Karski, assis sur le banc, et lui posent des questions sur son histoire », explique Goldman.
« Il s’agit vraiment de savoir ce que les prochaines générations feront de l’héritage de Karski et comment elles perpétueront la mémoire de la Shoah. »
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