Hillel Silverman, rabbin, dont un des fidèles a tué l’assassin de JFK, meurt à 99 ans
Hillel Silverman a dirigé Shearith Israel de 1954 à 1964 ; Jack Ruby, propriétaire d'une boîte de nuit lié à la mafia, qui a abattu Lee Harvey Oswald, était un de ses fidèles
JTA – « Si vous voulez en savoir plus sur mon frère, Jack Ruby, vous devriez parler à Hillel Silverman. Il était notre rabbin à Dallas pendant 10 ans avant l’assassinat du président Kennedy, et il connaissait très bien Jack. »
C’était en 1976, et je venais de convaincre Eva Rubenstein Grant – une femme criarde avec une perruque rouge encore plus criarde – d’apparaître dans une émission de la chaîne ABC pour parler de son frère, qui avait abattu, en direct à la télévision, Lee Harvey Oswald, l’assassin présumé de John F. Kennedy, treize ans plus tôt.
Il a fallu des années, cependant, avant que je n’aie l’occasion de parler au rabbin Silverman, dans le cadre d’une émission de télévision que je produisais sur l’assassinat de John F. Kennedy. Notre conversation de 1991 a été la première d’une série de discussions sur Ruby (et sur d’autres sujets) ainsi que sur le rôle de Silverman dans le traumatisme national lié à l’assassinat du président. Il était l’un des derniers témoins encore en vie à avoir témoigné en 1964 devant la commission Warren, qui a conduit l’enquête sur l’assassinat.
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L’assassinat de Kennedy est un élément plutôt marginal dans une carrière rabbinique qui a duré 70 ans, et au cours de laquelle Silverman a été le rabbin fondateur de la Congrégation Shearith Israel à Dallas, puis le rabbin principal du Temple Sinai à Los Angeles pendant 16 ans, entre autres chaires.
Fils d’un éminent rabbin conservateur, Silverman est décédé cette semaine à Los Angeles des suites d’une pneumonie. Il avait 99 ans, et avait célébré un mois plus tôt son anniversaire, la naissance d’un arrière-petit-fils et le mariage prévu d’un petit-fils, à Valley Beth Shalom à Los Angeles, où il avait occupé son dernier poste officiel en tant qu’universitaire invité.
De 1954 à 1964, Silverman a été le chef spirituel de Shearith Israel à Dallas et Jack Ruby, un propriétaire de boîte de nuit ayant des liens avec la mafia, était l’un de ses fidèles. En 2013, à l’occasion du 50e anniversaire des meurtres de Kennedy et d’Oswald, le rabbin Silverman m’a raconté que Ruby venait régulièrement réciter le Kaddish, la prière commémorative, pour son père.
« Un jour, il est arrivé au minyan avec un plâtre au bras », se souvient Silverman. J’ai dit : ‘Jack, que s’est-il passé ?’ Il m’a répondu : ‘Quelqu’un s’est emporté dans mon club et j’étais le videur’.
Le 22 novembre 1963, jour où Oswald a tué Kennedy, était un vendredi. L’office du soir à la synagogue « est devenu un service commémoratif pour le président », a raconté Silverman. « Jack était là. Les gens étaient soit furieux, soit en larmes, mais Jack n’était ni l’un ni l’autre. Il s’est approché et a dit : ‘Shabbat shalom, rabbin. Merci d’avoir rendu visite à ma sœur Eva à l’hôpital la semaine dernière’. J’ai trouvé cela assez étrange ».
Deux jours plus tard, Silverman allume la radio et entend qu’un certain « Jack Rubenstein » vient de tuer l’assassin présumé du Président. La commission Warren conclura plus tard, de manière toujours contestée, que Ruby a agi seul, écartant ainsi les rumeurs de complot, et qu’il a abattu Oswald sous le coup de l’émotion et de la douleur après l’assassinat de Kennedy.
« J’étais en état de choc. Je lui ai rendu visite le lendemain en prison et je lui ai demandé : ‘Pourquoi, Jack, pourquoi ?’ Il m’a répondu : ‘Je l’ai fait pour le peuple américain’. »
J’ai alors interrompu Silverman, car j’avais lu d’autres articles dans lesquels Ruby affirmait l’avoir fait « pour montrer que les Juifs avaient du cran ». Le rabbin a soupiré. « Oui, il a dit ça. Mais je n’aime pas m’en souvenir. Je pense qu’il a dit : ‘Je l’ai fait pour le peuple juif’. Mais j’ai essayé de chasser ces paroles de mon esprit ».
Silverman a décrit de façon saisissante les visites hebdomadaires qu’il rendait en prison au membre, aujourd’hui célèbre, de sa congrégation, reconnu coupable du meurtre d’Oswald et décédé en prison d’un cancer du poumon quatre ans après l’assassinat. « La santé psychologique de Jack s’est fortement détériorée en prison », se souvient Silverman. « Une fois, je suis entré et il m’a dit : ‘Vite, rabbin, mets-toi à l’abri sous la table. Ils sont en train de verser de l’huile sur les Juifs et d’y mettre le feu’. Il était vraiment psychotique ».
Il a officié jusqu’à l’âge de 90 ans
Hillel Emanuel Silverman est né en 1924 à Hartford, dans le Connecticut, d’Althea, une auteure prolifique, et du rabbin Morris Silverman, un éminent rabbin du mouvement conservateur qui a édité les livres de prières pour le Shabbat et les grandes fêtes utilisés par le mouvement pendant plus de 50 ans.
Hillel a été ordonné rabbin conservateur après avoir obtenu son diplôme à l’université de Yale. Après un service comme aumônier de la marine pendant la guerre de Corée, il a dirigé les congrégations de Dallas et de Los Angeles, et a servi pendant 20 ans en tant que chef spirituel du Temple Sholom à Greenwich, dans le Connecticut.
Il a eu trois enfants avec sa première épouse Devora : Gila Rutta, le Dr Sharon Pollock et Jonathan Silverman, un acteur connu pour avoir tourné dans des films tels que Weekend at Bernie’s et Brighton Beach Memoirs. Il laisse derrière lui son épouse de plus de 40 ans, Roberta Silverman, ses trois enfants, trois beaux-enfants (David Smotrich, Debbie Diamond et Arona Smotrich), 12 petits-enfants et trois arrière-petits-enfants.
Silverman a écrit ou coédité une douzaine de livres et, lors d’une rencontre alors qu’il avait 95 ans, il m’a dit : « Je pense que j’en ai encore un en moi ». Il a reçu de nombreuses récompenses, dont une médaille d’honneur décernée par le Premier ministre israélien de l’époque, Menachem Begin, pour ses « services éminents rendus à Israël et au peuple juif ». Il a été président de l’Organisation sioniste d’Amérique (ZOA), région sud-ouest.
À 90 ans, il a continué à diriger les grandes fêtes dans le sud de la Californie, parfois aux côtés de l’un de ses petits-enfants, le rabbin Matt Rutta.
Lorsque la pandémie du COVID a interrompu les cours en présentiel, Silverman a organisé des sessions hebdomadaires d’étude de la Torah en ligne avec le rabbin Ed Feinstein de la synagogue Valley Beth Shalom. Les participants les plus attentifs ont remarqué une affiche de film sur le mur derrière Silverman pour « Weekend at Bernie’s II », dans lequel il est apparu brièvement en tant que maître d’hôtel d’un restaurant.
Son dernier mot sur Ruby
Ma dernière rencontre avec le rabbin Silverman a eu lieu en octobre dernier. Il était en fauteuil roulant, vivait avec sa fille Sharon et son gendre Mark, et son esprit et son sens de l’humour étaient toujours aussi aigus. Le mois dernier, à l’occasion de mon anniversaire, j’ai été ravi de recevoir un e-mail de sa part dans lequel il me rappelait nos discussions sur Ruby et me souhaitait de continuer à réussir dans ma carrière, « comme j’ai trente ans d’avance sur toi, je peux te garantir de nombreuses années productives et agréables ».
Lors de sa dernière hospitalisation, un membre de la famille présent à son chevet a posé pour la dernière fois des questions au sujet de l’ancien fidèle du rabbin : Ruby était-il impliqué dans une conspiration ?
La famille a partagé avec moi une vidéo de ce moment, dans laquelle Silverman ajuste son masque à oxygène, secoue la tête et affirme catégoriquement : « Non ! »
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