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Invoquant la prescription, la Cour rejette l’accusation de meurtre contre Binyamin Zeevi

Accusé du meurtre de Nissim Shitrit en 1986, Zeevi était lié à la secte du rabbin Eliezer Berland, condamné pour crimes sexuels ; le frère de la victime pourrait se pourvoir en cassation

Binyamin Zeevi, amené pour une audience au tribunal de Jérusalem le 19 octobre 2021. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Binyamin Zeevi, amené pour une audience au tribunal de Jérusalem le 19 octobre 2021. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Un tribunal a rejeté lundi les accusations de meurtre portées contre le fils d’un ancien ministre dans une affaire liée à une secte juive orthodoxe extrémiste, en invoquant la prescription et en rejetant l’argument de l’accusation selon lequel l’affaire, qui date de près de 40 ans, devrait encore être entendue.

Le tribunal de district de Jérusalem a rejeté les accusations portées contre Binyamin Zeevi, 72 ans, pour le meurtre en 1986 de l’adolescent Nissim Shitrit. Zeevi était lié à la secte Shuvu Bonim, dirigée par Eliezer Berland, condamné pour des crimes sexuels. Bien que le corps de Shitrit n’ait jamais été retrouvé, la police a finalement inculpé en 2021 Zeevi et Baruch Sharvit, un autre membre de la secte Shuvu Bonim, dans cette affaire.

Zeevi est le fils de l’ancien ministre du Tourisme et général de Tsahal Rehavam Zeevi, connu sous le surnom de « Gandhi ». L’aîné des Zeevi était un politicien affilié au parti d’extrême-droite Moledet. Il a été abattu en 2001 par des terroristes palestiniens du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) à l’hôtel Hyatt de Jérusalem. En 2016, un reportage télévisé d’investigation avait révélé des allégations de viol et d’intimidation à son encontre.

Les procureurs ont déclaré qu’ils réexamineraient la décision et envisageraient les prochaines étapes. Le frère de Shitrit a indiqué qu’il était prêt à porter l’affaire devant la Cour suprême.

Dans sa décision, la juge Hagit Mac Kalmanovitz a noté que « le temps écoulé et la prescription sur la procédure créent un obstacle procédural… privant les membres de la famille du défunt du droit à la ‘justice’ légale et à la tranquillité d’esprit » qui découlerait d’un procès, « ce dont nous sommes sincèrement désolés ».

« Nous n’avons d’autre choix que d’exprimer en toute sincérité que nous partageons la douleur de la famille du défunt et que nous lui souhaitons le réconfort du ciel », a-t-elle ajouté.

Nissim Shitrit sur une photo non datée. (Capture d’écran : Kan)

Les avocats de la défense ont salué cette « décision courageuse », affirmant que le tribunal avait accepté leur argument selon lequel l’acte d’accusation n’aurait pas du être introduit.

« Nous ne doutons pas que, même sans l’annulation de l’acte d’accusation, Zeevi aurait finalement été acquitté », ont-ils fait savoir dans un communiqué.

Meir Shitrit, le frère de Nissim, a été cité par le site d’information Ynet comme ayant déclaré que la décision relevait d’un « détail technique » qui ne changeait rien au fait « que Zeevi a assassiné mon frère ».

Il a rappelé le témoignage de l’autre suspect dans cette affaire, Sharvit, qui avait avoué à la police que lui et Zeevi avaient assassiné Shitrit.

Meir Shitrit a accusé Zeevi d’utiliser la prescription pour échapper à la justice, car « il a pu garder le silence et aujourd’hui il est libre alors qu’il a commis un meurtre il y a 38 ans. Lui et tout son groupe de Shuvu Bonim ne sont rien d’autre que des assassins ».

Meir Shitrit a déclaré qu’il pourrait se pourvoir en cassation de sa propre initiative.

Meir Shitrit, le frère de la victime du meurtre Nissim Shitrit, arrive pour une audience au tribunal de district de Jérusalem, le 15 décembre 2021. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Le parquet a soutenu devant le tribunal que la prescription ne devrait pas s’appliquer parce que la police a continué à enquêter sur l’affaire pendant des années, et notamment en 2010, lorsqu’elle a prélevé un échantillon d’ADN sur la famille Shitrit.

Les avocats de la défense ont répondu que l’échantillon avait été prélevé dans le but de l’ajouter à une archive d’informations sur les personnes disparues et non dans le cadre d’une enquête spécifique sur l’affaire.

Le tribunal leur a donné raison, estimant que « ces actions étaient destinées à promouvoir la création de la nouvelle base de données […] et n’entraient pas dans la catégorie des ‘actes d’enquête’ susceptibles d’interrompre le délai de prescription ».

Le tribunal a également établi que d’autres activités de la police au fil des ans visaient à localiser la personne disparue plutôt qu’à identifier les auteurs ou à les poursuivre en justice.

Zeevi a quitté la secte il y a dix ans et refuse depuis de parler de la période qu’il a passée au sein du groupe, selon le quotidien Haaretz.

La police a inculpé Zeevi et Sharvit un mois après la rencontre de ce dernier avec Berland dans la salle d’interrogatoire, où le chef de la secte a demandé à son adepte de fournir des informations aux enquêteurs, avait alors indiqué la chaîne publique Kan.

Le rabbin Eliezer Berland exhortant ses disciples à se rendre à Ouman, en août 2022. (Crédit : Capture d’écran YouTube ; utilisée conformément à l’article 27a de la loi sur le droit d’auteur)

La décision du tribunal sur Zeevi aura une incidence sur l’affaire Sharvit, qui n’a pas encore été jugée, a rapporté le quotidien Israel Hayom.

Selon l’acte d’accusation, l’adolescent Shitrit était soupçonné par les membres de Shuvu Bonim d’avoir une forme de relation avec une fille, en violation des normes religieuses strictes de la secte.

L’adolescent a été kidnappé de son internat d’Ashdod par la « police religieuse » de la secte en janvier 1986, quatre mois avant sa disparition. Il a été conduit à Jérusalem puis dans un endroit isolé, où il a été battu.

Shitrit, qui était bénévole au sein de la police, a porté plainte pour cette agression et l’un de ses assassins présumés a été placé en détention pour être interrogé. Cet individu a fui le pays après le meurtre de Shitrit, dans le but de se construire un alibi, a rapporté la Douzième chaîne.

Selon le reportage, Shitrit a été attiré vers la mort quatre mois plus tard par une femme liée à la secte qui a prétendu vouloir passer la nuit avec lui. Lorsque Shitrit est arrivé à l’adresse qu’elle lui a donnée, il a été battu par le même groupe d’adeptes de la secte qui a mené la première agression.

Lorsque les suspects se sont aperçus que l’attaque faisait trop de bruit, ils se sont déplacés vers un autre lieu situé à l’extérieur de Jérusalem, où ils auraient tué et enterré Shitrit.

Avi Edri. (Crédit : Autorisation)

Dans un documentaire diffusé par Kan en 2020, l’un des anciens disciples de Berland a déclaré que la « police religieuse » avait assassiné le garçon, démembré et enterré son corps dans la forêt d’Eshtaol, près de Beit Shemesh.

Personne n’a encore été inculpé dans la deuxième affaire, liée au meurtre d’Avi Edri, 41 ans, en 1990. Il a été retrouvé battu à mort dans la forêt de Ramot, au nord de Jérusalem.

Berland a été libéré la semaine dernière de sa détention provisoire après avoir été arrêté en relation avec les deux meurtres – mais il reste en prison pour purger une peine sur des charges non liées. La police a accusé Berland d’avoir envoyé ses partisans tuer Shitrit. Ses partisans ont également été liés à la mort d’Edri.

Berland, âgé de 86 ans, a déjà purgé des peines de prison distinctes pour crimes sexuels et fraude. Il a auparavant passé des années à fuir les autorités israéliennes. Il fait l’objet d’une interdiction de sortie du territoire depuis 2017, mais on sait qu’il a quitté le pays en septembre 2023.

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