Iran: renforcement de la coopération Israël-US et perspectives d’accord intérimaire
Les ministres de la Défense des deux pays se sont engagés à contrer « les menaces » posées par Téhéran ; les autorités israéliennes assurent être au fait des détails de l'accord
Le ministre de la Défense Yoav Gallant et le Secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, ont évoqué l’approfondissement de la coopération israélo-américaine contre l’Iran lors d’une réunion en Europe, jeudi, alors que Washington se dit proche d’un accord nucléaire intérimaire avec Téhéran destiné à limiter les risques de confrontation militaire au Moyen-Orient. Cette démarche aurait reçu l’assentiment d’Israël.
Selon un communiqué du département américain de la Défense, Gallant et Austin se sont entretenus en marge d’une réunion des ministres de la Défense de l’OTAN à Bruxelles, hier jeudi, et sont convenus de travailler ensemble pour « lutter contre les menaces posées par l’Iran ». Par menaces, on entend le « programme nucléaire de l’Iran, ses activités régionales déstabilisatrices et la livraison de systèmes aériens sans équipage et autres armes létales » au Moyen-Orient et à la Russie, qui déploie des drones d’attaque de fabrication iranienne en Ukraine depuis près d’un an.
Quelques heures avant que les deux hommes ne se rencontrent, le New York Times (NYT) avait indiqué que l’accord intérimaire contraindrait Téhéran à ne pas enrichir d’uranium au-delà des niveaux actuels (60 %), à coopérer avec les inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), à faire en sorte que les organisations terroristes qu’elle soutient ne s’en prennent aux intérêts américains en Irak et en Syrie, à ne pas livrer à la Russie de missiles balistiques et à libérer trois Américains iraniens détenus par Téhéran.
En retour, Washington s’engagerait à ne pas durcir les sanctions économiques actuelles, à dégeler des milliards d’avoirs iraniens détenus à l’étranger sous réserve que l’argent serve à des fins humanitaires et à ne pas soutenir de résolutions punitives envers la République islamique aux Nations Unies ou à l’AIEA.
Israël « peut vivre » avec ce « mini-accord », aurait déclaré mardi à ses ministres et députés le Premier ministre Benjamin Netanyahu, par ailleurs farouche opposant à l’accord nucléaire de 2015.
Sans source déclarée ni lien avec l’information du New York Times, la Douzième chaine a laissé entendre qu’Israël n’avait pas eu tous les détails du projet d’accord mais se les était procurés grâce aux négociations en cours entre Washington et Téhéran.
Contrairement à l’information du NYT, qui évoquait trois hauts responsables israéliens témoignant sous couvert d’anonymat en plus d’un responsable américain et de plusieurs responsables iraniens, celle de la Douzième chaine n’en évoque aucun.
Un information de Haaretz publiée vendredi cite, pour sa part, un responsable israélien anonyme affirmant que les États-Unis ont tenu Israël informé, que Jérusalem n’a en rien « été surpris » et que l’administration maintenait un contact contenu avec les autorités israéliennes.
La Douzième chaine a affirmé que les informations du New York Times n’étaient pas toutes exactes, notamment le fait que l’accord intérimaire américano-iranien permettrait à l’Iran d’enrichir de l’uranium jusqu’à 60 %. La chaîne de télévision israélienne assure en effet que l’accord intérimaire ne permettra à l’Iran d’enrichir qu’à hauteur de 20 %.
Israël fait constamment en sorte de faire porter son influence, a déclaré la Douzième chaine.
Lors de son entretien avec Austin, jeudi, Gallant a rappelé l’importance pour Israël que l’accord intérimaire comprenne un engagement de l’Iran à cesser de fabriquer des missiles balistiques et des drones d’attaque.
Très préoccupé par cette question, Israël n’a pas ménagé ses efforts pour faire publier une histoire liée à ces menaces iraniennes dans le journal britannique Jewish Chronicle, a souligné la Douzième chaine.
Cette information non sourcée laisse entendre que des scientifiques travaillant dans des universités britanniques aident l’Iran à développer une technologie permettant de coordonner l’action de centaines de drones, ce qui constituerait une menace beaucoup plus importante pour Israël.
Le Chronicle a, par le passé, publié des informations sur le programme nucléaire iranien ou les actions israéliennes pour s’y opposer : il est considéré comme une publication de référence pour l’establishment de la défense israélienne qui l’utiliserait pour divulguer des informations en s’affranchissant de la censure militaire israélienne.
En plus de faire part de ses préoccupations concernant les programmes iraniens de drones et de missiles balistiques, Israël est également en pourparlers avec des responsables britanniques pour s’assurer que la question n’est pas négligée dans les pourparlers nucléaires, a précisé la Douzième chaine.
La véracité de l’affirmation du réseau selon laquelle les États-Unis n’ont pas informé Israël des détails des négociations nucléaires iraniennes n’est pas établie, car les Américains s’y sont formellement engagés et Netanyahu lui-même s’est réjoui, cette semaine, de la coopération en matière de défense et de renseignement avec les États-Unis.
Netanyahu s’est également exprimé, mardi, sur la position d’Israël envers un possible accord intérimaire avec l’Iran lors d’une audience à la Knesset, indiquant que son gouvernement était au courant des pourparlers avec l’Iran.
Dans la partie privée de l’audition de la commission des affaires étrangères et de la défense de la Knesset, Netanyahu a informé les députés des détails de ce possible accord nucléaire entre les États-Unis et l’Iran, qu’Israël pourrait accepter.
Netanyahu a minimisé l’importance des négociations américano-iraniennes, faisant état d’un « mini-accord, pas d’un vrai accord », ont souligné Walla et la Treizième chaine, citant des députés témoignant sous couvert d’anonymat et qui ont pris part à la réunion à huis clos de la commission des affaires étrangères et de la défense de la Knesset.
« Ce qui est à l’ordre du jour en ce moment, entre Washington et Téhéran, n’est pas un accord nucléaire, c’est un mini-accord », aurait déclaré Netanyahu.
« Nous pourrions vivre avec. »
« Ce n’est pas l’accord tel que nous le connaissions », aurait précisé le Premier ministre, faisant référence à l’accord nucléaire de 2015 auquel Jérusalem est fermement opposé et dont Washington, sous l’égide de son président de l’époque Donald Trump, s’est unilatéralement retiré en 2018.
Lors de leur réunion à Bruxelles jeudi, MM. Gallant et Austin ont évoqué les « possibilités d’approfondir la coopération militaire pour contrer les menaces régionales », a déclaré le Département américain de la Défense.
« Le secrétaire Austin a noté que la coopération militaire accrue entre l’Iran et la Russie entraînait des conséquences profondément négatives pour l’Ukraine, ainsi que pour la région du Moyen-Orient, sous le feu de systèmes aériens sans équipage de fabrication iranienne », a-t-il ajouté.
Le communiqué israélien a souligné que les deux ministres de la Défense « ont évoqué les progrès en matière de sécurité et de coordination militaire entre Israël et les États-Unis concernant la question iranienne, pour empêcher l’Iran d’acquérir des capacités nucléaires militaires ».
« Le ministre Gallant a également évoqué les défis auxquels fait face l’État d’Israël en raison des agressions iraniennes menées par l’intermédiaire d’alliés régionaux en Syrie, au Liban, à Gaza ou en Judée-Samarie. À cet égard, le ministre Gallant a souligné le droit de l’État d’Israël de se défendre contre toute menace », a déclaré le ministère de la Défense.
Le communiqué américain a relevé qu’Austin a exprimé son inquiétude face à « la détérioration de la situation sécuritaire en Cisjordanie et invité à une coopération accrue, y compris par l’intermédiaire du coordinateur de sécurité des États-Unis, de façon à désamorcer les conflits et apaiser les tensions ».
« Le secrétaire a rappelé le soutien des États-Unis à une solution à deux États et aux moyens de promouvoir des mesures égales de liberté, justice, dignité et prospérité pour les Israéliens et les Palestiniens », a indiqué le département de la Défense, reprenant des éléments de langage très coutumiers de l’administration Biden.