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La cour critique le Shin Bet pour ses techniques d’interrogatoire

Dans une affaire de terrorisme juif présumé, le juge a ordonné à l'agence d'autoriser les suspects à pouvoir dormir sans interruption pendant 8h - une décision renversée en appel

Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

Des activistes de droite affrontent la police aux abords du tribunal de Rishon Lezion pendant une audience consacrée à de jeunes suspects Juifs impliqués dans le meurtre d'une Palestinienne, le 31 décembre 2018 (Crédit : Flash90)
Des activistes de droite affrontent la police aux abords du tribunal de Rishon Lezion pendant une audience consacrée à de jeunes suspects Juifs impliqués dans le meurtre d'une Palestinienne, le 31 décembre 2018 (Crédit : Flash90)

Une juge israélienne a vivement critiqué la conduite des services de sécurité du Shin Bet en raison de tactiques utilisées lors des interrogatoires de deux suspects dans une affaire de terrorisme juif, notamment la privation de sommeil et des interrogatoires réalisés au milieu de la nuit.

« Une situation dans laquelle on empêche un suspect d’avoir droit à des heures de sommeil continu en le sortant de sa cellule pour un interrogatoire au milieu de la nuit est invalide et je n’ai trouvé aucune justification à ce type d’interrogatoire abusif », a écrit la juge Ophir Katavi-Rivlin, de la cour des Magistrats de Petah Tikva, selon un compte-rendu qui a été diffusé jeudi.

Elle a ensuite accusé les enquêteurs de « violer les droits des suspects de la manière la plus fondamentale » et ordonné au Shin Bet de permettre à ces derniers de dormir au moins huit heures consécutives le jour des interrogatoires prévus.

Le protocole détaille la façon dont les enquêteurs ont interrogé Yaakov Donat et Ariel Dahari, âgés tous deux de 18 ans, pendant de longues heures, au milieu de la nuit, ne leur offrant que des pauses intermittentes.

Donat aurait été un jour soumis aux questions des enquêteurs pendant des heures au cours de la journée et ils auraient ensuite recommencé entre 22 heures et deux heures du matin, ne lui accordant une pause que de 20 minutes avant de relancer l’interrogatoire jusqu’à 3 heures 30. Un schéma similaire aurait été appliqué pendant trois jours aux deux suspects.

Donat avait été arrêté jeudi dernier en compagnie d’un mineur dont l’identité n’a pas été rendue publique. Dahari a été attrapé le jour suivant, et lui et Donat ont eu l’interdiction jusqu’à mercredi de rencontrer un avocat – une tactique parfois employée par la police lorsqu’elle enquête sur des dossiers sécuritaires qu’elle considère comme urgents. Les trois sont soupçonnés de conspiration en vue de commettre un crime, d’appartenance à une organisation terroriste, de conspiration d’un attentat terroriste ainsi que d’autres crimes motivés par le racisme.

Un militant juif de droite tient un écriteau « Ne me torturez pas » devant le tribunal lors du procès pour l’attaque terroriste de Duma à Petah Tikva, le 28 décembre 2015. (Crédit : Tomer Neuberg/Flash90)

Un quatrième suspect israélien a été arrêté dimanche dernier dans ce qui semblait être initialement le même dossier, mais les forces chargées de l’application de la loi ont ouvert une enquête séparée.

Un embargo a été placé sur le dossier mais le quotidien Haaretz et le site d’information Walla ont déposé une requête pour pouvoir transmettre les détails des arrestations en direction du grand public. Katavi-Rivlin a répondu favorablement à cette demande au début de la semaine, mais l’Etat a fait appel de la directive de la cour exigeant que les suspects puissent bénéficier d’au moins huit heures de sommeil.

Jeudi, la juge de la cour de district de Lod Varda Maroz a partiellement renversé le jugement de Katavi-Rivlin, disant qu’il n’y avait pas de base légale permettant d’exiger des enquêteurs qu’ils accordent un certain nombre d’heures de sommeil aux individus qu’ils sont amenés à interroger.

Maroz a néanmoins clairement établi que « les enquêteurs doivent adhérer à une enquête à la fois respectueuse de la loi et respectueuse du droit des suspects sous leur garde ». De plus, elle a autorisé la diffusion partielle du jugement émis par Katavi-Rivlin tout en interdisant la publication des détails exacts des crimes présumés, autorisant seulement qu’il soit précisé qu’ils étaient « liés au terrorisme ».

Répondant à la dernière décision prise par la cour, l’un des avocats des suspects, Amir Bracha, a prédit que le dossier contre son client serait rapidement clos. Il a clamé que le Shin Bet subissait « des pressions énormes qui les amènent à utiliser des comportements extrêmes ».

Des activistes de droite manifestent, dans le centre de Jérusalem, contre la torture de suspects juifs par les services de sécurité du Shin Bet, en lien avec l’attentat à la bombe artisanale commis contre une maison palestinienne dans la ville de Duma, en Cisjordanie, le 27 décembre 2017. (Crédit : Flash90)

Pour sa part, le Shin Bet a fait savoir dans un communiqué que « les détenus jouissent de leurs pleins droits, comme ils y ont droit de par la loi. Les accusations lancées par des parties à intérêts particuliers, qui disent que les droits des suspects sont violés, sont complètement infondées et leur seul objectif est de créer une fausse impression auprès des médias et de délégitimer le travail du Shin Bet ».

« Les interrogatoires du Shin Bet sont menés conformément à la loi et sont supervisés de près par le bureau du Procureur d’Etat ainsi que par les tribunaux, notamment par la Haute cour de justice », a conclu le communiqué.

Ce n’est pas la première fois, cette année, que le Shin Bet suscite la polémique en raison de ses tactiques d’interrogatoire.

Au mois de mars, les procureurs ont clos un dossier au sujet de deux activistes juifs d’extrême-droite qui avaient été mis en examen pour une série de crimes liés au terrorisme, après que le tribunal a rejeté les aveux de l’un des suspects qui avaient été obtenus, était-il apparu, par la force.

Au mois d’octobre dernier, le ministère de la Justice avait ouvert une enquête sur la tactique utilisée par le Shin Bet pour interroger le suspect palestinien Mina Salim Arbid, soupçonné d’être à la tête de la cellule qui était à l’origine du meurtre de Rina Shnerb, 17 ans.

Des militants juifs de droite manifestent contre des tortures supposées du Shin Bet en rejouant les techniques présumées utilisées par l’agence sur la place Habima de Tel Aviv, le 23 décembre 2015. (Crédit : Tomer Neuberg / Flash90)

Peu après son arrestation au mois de septembre, Arbid avait été évacué à l’hôpital Hadassah du mont Scopus à Jérusalem dans un état critique avec de graves blessures internes, notamment des côtes cassées et une insuffisance rénale suite à son interrogatoire. Il avait repris conscience un mois plus tard mais il est resté hospitalisé en raison de ses blessures.

Selon des sources sécuritaires, le Shin Bet a reçu une autorisation légale d’employer des « mesures extraordinaires » lors de son interrogatoire. De telles mesures peuvent notamment inclure de placer les prisonniers dans des positions inconfortables, les priver de sommeil, les enchaîner et les soumettre à des températures extrêmes.

Ces mesures sont notamment autorisées dans des cas de « bombes à retardement », quand on pense que le suspect peut fournir aux forces de sécurité des informations qui pourraient empêcher une attaque imminente.

Le mois dernier, un responsable de la sécurité a indiqué au Times of Israel que la situation actuelle en Cisjordanie rappelait l’époque qui avait précédé l’attentat à la bombe commis dans l’habitation de la famille Dawabsha dans le village de Duma, qui avait causé la mort d’un couple et leur bébé.

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