La deadline a expiré, mais Israël n’a pas encore expulsé de migrants africains
L’Autorité de la Population avait donné à 200 demandeurs d'asile érythréens jusqu'à la fin de semaine dernière pour choisir entre l'expulsion et la prison

Bien que la date-butoir soit passée pour 200 demandeurs d’asile érythréens, qui avaient le choix entre l’expulsion et la prison, l’Autorité de la population, de l’immigration et des frontières (PIBA) n’a pas encore pris la moindre mesure afin d’appliquer les décisions, a appris lundi le Times of Israël. Un porte-parole de l’Autorité a refusé à plusieurs reprises d’apporter des explications.
L’absence d’action fait écho à un commentaire de la présidente du Comité de contrôle de l’Etat, Shelly Yachimovich (Parti travailliste), qui a déclaré lundi lors d’une réunion de la Commission qu’elle doutait que les expulsions auraient effectivement lieu comme il avait été prévu.
Actuellement, 600 demandeurs d’asile ont été informés qu’ils devaient choisir entre l’expulsion et l’emprisonnement à Saharonim, une prison adjacente au centre de détention de Holot située dans le Néguev et réservée aux migrants africains.
Dès le 17 janvier, un groupe de 200 Erythréens de Holot avaient été informés qu’ils avaient 30 jours pour se décider. La date limite initiale concernant leur décision était fixée à vendredi dernier – que l’Autorité de la population a décalé à dimanche afin d’éviter un antagonisme avec le jour du Shabbat. Pourtant, lundi, aucune action n’avait encore été prise concernant les expulsions ou des transferts à Saharonim.
400 autres demandeurs d’asile venus renouveler leur visa à Bnei Brak ont été informés qu’ils disposaient de 60 jours à compter du 4 février pour se décider entre l’expulsion et l’emprisonnement.

Ainsi, cela signifie que certains de ces 400 demandeurs d’asile pourraient être expulsés à partir de début avril, durant la semaine de Pessah. Pour beaucoup d’activistes qui se battent pour faire annuler les expulsions, le fait qu’Israël commencerait à expulser des demandeurs d’asile en Afrique juste après avoir célébré l’exode des Juifs qui étaient esclaves en Egypte représente un symbole.
Sabine Hadad, porte-parole de la PIBA, a décliné à plusieurs reprises tout commentaire concernant le manque d’action de l’Autorité.
On compte actuellement 500 lits vides à Saharonim réservés aux demandeurs d’asile qui refuseraient l’expulsion, selon Assaf Givaty, porte-parole de la prison. Selon lui, Saharonim est la seule prison dans le pays où les demandeurs d’asile qui n’ont pas de visa pourraient être conduits. Si on compte plusieurs lits à Ramle pour les coupables d’infractions liées au visa, ils ne peuvent être utilisés que temporairement.

« Nous accepterons des gens jusqu’à ce que ce soit rempli », a déclaré Givaty.
« Mais il y a une limite concernant le nombre de personnes que nous pouvons prendre. » Il a ainsi cité en exemple le nombre de lits ainsi que les exigences liées à la superficie (au moins 4,5 mètres carrés par détenu) comme principales raisons pour lesquelles Saharonim ne pourrait pas accepter plus de 500 demandeurs d’asile qui refusent l’expulsion.
Le gouvernement espérerait expulser 600 demandeurs d’asile par mois durant la première année du programme.
Selon le ministère de l’Intérieur, on compte environ 38 000 migrants et demandeurs d’asile africains en Israël. Environ 72 % d’entre eux sont Erythréens et 20 % sont Soudanais.
La grande majorité d’entre eux sont arrivés entre 2006 et 2012. Une loi approuvée par la Knesset en décembre dernier stipule que le ministère de l’Intérieur devra expulser les demandeurs d’asile au Rwanda et en Ouganda à partir de mars.
Les personnes ayant déposé une demande d’asile ne pourront pas être expulsées avant que leurs requêtes n’aient été étudiées. A ce stade, les femmes et les enfants ne sont pas non plus menacés d’expulsion. Un demandeur d’asile qui refuse l’expulsion sera emprisonné indéfiniment dans la prison de Saharonim.
Des activistes érythréens du groupe d’opposition Eritreans United for Justice ont organisé des « journées pour le moral » au centre de détention de Holot afin de convaincre les demandeurs d’asile de ne pas accepter l’expulsion, même si cela signifie une prolongation de leur détention.
Etant donné que Saharonim compte un nombre limité de lits, plus les demandeurs d’asile refuseront d’être expulsés, plus le gouvernement sera sous pression et devra trouver une alternative aux expulsions, a déclaré Afoworki Kidane, 37 ans, un Erythréen qui est en Israël depuis huit ans et qui a aidé à l’organisation d’une journée pour le moral à Holot le 29 janvier.
Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés négocie actuellement avec Israël et des gouvernements étrangers afin de réinstaller une partie de ces demandeurs d’asile africains dans des pays tiers jugés « sûrs » par l’ONU, y compris éventuellement des pays occidentaux, en échange de quoi Israël devrait distribuer à certains réfugiés des permis de résidence permanents.
Ces dernières semaines, des pilotes aériens israéliens, des médecins, des écrivains, des anciens ambassadeurs et des survivants de l’Holocauste ont appelé le Premier ministre Benjamin Netanyahu à mettre fin au programme d’expulsion, avertissant qu’il était contraire à l’éthique et causerait de graves dommages à l’image autoproclamée d’Israël de lumière parmi les nations.
Certains groupes juifs américains ont également exhorté Israël à reconsidérer son projet.
Même Yad Vashem, le mémorial de l’Holocauste israélien, s’est exprimé à ce sujet. Tout en rejetant toute comparaison entre le sort des migrants et les victimes de l’Holocauste, le Centre a déclaré que le problème représentait « un défi national et international qui requiert empathie, compassion et miséricorde ».
Netanyahu a déclaré au début du mois que « les vrais réfugiés et leurs familles resteraient en Israël. Mais nous n’avons aucune obligation d’autoriser des travailleurs migrants illégaux qui ne sont pas des réfugiés à rester ici. »