La Haute cour abroge la « Loi de Dépôt » pour les salaires des demandeurs d’asile
Cette loi obligeait les entreprises à déposer 20 % des salaires des demandeurs d'asile dans un fonds spécial auquel ils ne peuvent accéder que s'ils quittent le pays

La Haute Cour de justice a abrogé jeudi une loi obligeant les entreprises à déposer 20 % des salaires des demandeurs d’asile dans un fonds spécial auquel ils ne peuvent accéder que s’ils quittent le pays.
Les juges ont déclaré que cette loi est illégale et que la retenue d’une partie du salaire des demandeurs d’asile « porte un préjudice clair, tangible et important aux droits de propriété des travailleurs » qui perçoivent des salaires généralement bas.
Les législateurs du parti nationaliste religieux Yamina se sont insurgés après la décision de la Haute Cour. « Incroyable. La Haute Cour castre encore et encore tous les outils que l’État tente d’utiliser pour faire appliquer ses politiques d’immigration et préserver la majorité juive dans l’État juif », a tweeté le ministre des Transports Bezalel Smotrich.
La députée de Yamina Ayelet Shaked, ancienne ministre de la Justice, a fustigé cette décision et soutient que la loi a été efficace pour encourager les demandeurs d’asile à quitter le pays.
« Seule la clause dérogatoire mettra un terme à cela », a-t-écrit-elle sur Twitter, faisant référence à la proposition de loi permettant à la Knesset d’annuler les décisions de la Haute Cour par une majorité de votes.
Le ministre de l’Education Rafi Peretz, également élu du parti Yamina, a affirmé que l’annulation de la loi par la Cour est « une autre étape dans le [processus] de fissuration de l’identité juive » d’Israël.
« La normalisation à laquelle la Haute Cour conduit [les demandeurs d’asile], surtout à la veille de Yom HaAtsmaout est une erreur et nous ferons tout pour la réparer », a-t-il tweeté.
A l’époque de l’adoption de la loi, les demandeurs d’asile, en provenance pour la plupart d’Erythrée et du Soudan, avaient affirmé que la loi leur portait un coup impossible à parer au vu de leurs salaires déjà faibles et ils avaient donc organisé des manifestations pour tenter de décrier la mesure.
Ces dernières semaines, néanmoins, ces mouvements de protestation ont cessé. Non pas que les migrants aient passé outre ces difficultés – mais en raison de directives de distanciation sociale prises par le gouvernement, avec pour objectif de contenir l’épidémie de coronavirus.

Et en fait, la pandémie est doublée d’une crise économique qui a rendu la situation des migrants encore plus dure – avec une économie stagnante qui les a frappé plus fort que n’importe quel autre groupe, laissant un grand nombre d’entre eux sans travail, sans économies ou sans filet de sécurité, face au danger parfois inéluctable de se retrouver à la rue.
Et l’argent qui leur a été ôté dans le cadre de la loi, clament-ils, pourrait bien être leur seule bouée de sauvetage.
« Les manifestations ont été jusqu’à présent notre seule méthode de riposte contre les injustices. Maintenant que les effets de cette loi se font le plus ressentir, on ne peut même pas manifester », déplore Bluts Iyassu, 38 ans, qui a fui l’Erythrée en 2010 et qui vit depuis dans le quartier de Neve Sheanan de Tel Aviv.
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Selon des données de l’Autorité de la population et de l’immigration transmises en mars 2018, environ 36 000 demandeurs d’asile africains vivent actuellement au sein de l’Etat juif. La première vague d’immigration depuis l’Afrique vers le territoire israélien avait commencé en 2009. La vaste majorité des migrants – originaires d’Erythrée et du Soudan – n’ont jamais obtenu le statut de réfugié même si un grand nombre d’entre eux avaient été dans l’obligation de fuir leur pays d’origine pour échapper à la guerre et d’autres crises humanitaires.
Ils vivent actuellement en Israël avec des visas temporaires qui sont renouvelés périodiquement.
Jacob Magid et joy Bernard ont contribué à cet article.