La Haute Cour ordonne de laisser les Palestiniens rentrer dans leur village de Cisjordanie
Les villageois de Khirbet Zanuta avaient pu rentrer l'an dernier, mais la recrudescence de la violence d'Israéliens radicaux les avaient obligés à fuir une seconde fois
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

La Haute Cour de justice a ordonné à la police et à l’armée israélienne de permettre à nouveau aux habitants du hameau palestinien de Khirbet Zanuta de rentrer chez eux, après qu’ils ont été contraints de fuir pour la seconde fois en moins de deux ans en raison de la violence et du harcèlement des résidents d’implantations.
Le tribunal a ordonné lundi aux organes de sécurité de permettre aux habitants de Khirbet Zanuta de rentrer chez eux avant le 16 février, de leur fournir une protection permanente contre la violence et le harcèlement des résidents d’implantations et de permettre aux villageois de réparer les dégradations causées à leurs maisons et à d’autres bâtiments du hameau en leur absence.
L’affaire a pris une importance particulière en raison des allégations, soutenues par d’importants juristes israéliens, selon lesquelles le comportement de Tsahal, de la police et d’autres organismes d’État équivaut à un transfert forcé des résidents de Khirbet Zanuta, ce qui est illégal en vertu du droit international et pourrait constituer un crime de guerre en vertu de la quatrième convention de Genève.
Les habitants de Khirbet Zanuta, situé dans la région des collines du sud de Hébron en Cisjordanie, ont fui à la fin du mois d’octobre 2023 en raison d’attaques persistantes contre eux et les infrastructures du village par des résidents d’implantations radicaux vivant dans la région, y compris dans des avant-postes illégaux.
À la suite d’un recours déposé par l’organisation de défense des droits civils Haqel, la Haute Cour a ordonné à la police et à Tsahal, le 29 juillet 2024, de permettre le retour des habitants dans le hameau, ce qu’ils avaient fait le 21 août.
Cependant, les nouvelles attaques des résidents d’implantations, le refus des organes de sécurité de protéger les villageois et les mesures prises par les autorités pour empêcher les résidents de rendre Khirbet Zanuta habitable après la destruction des habitations et des infrastructures essentielles, ont conduit à un nouveau dépeuplement du village.

Les derniers villageois ont quitté Khirbet Zanuta le 12 septembre.
Haqel a déposé un recours pour outrage au tribunal contre la police, Tsahal et d’autres organismes publics pour n’avoir pas respecté l’ordonnance initiale du tribunal, ce qui a donné lieu à la décision de lundi.
Le nouveau président de la Cour suprême, Isaac Amit, et les juges Noam Sohlberg et Daphne Barak Erez ont fait référence à l’arrêt de juillet dans leur nouvelle décision, mais ont souligné qu’ils ne se prononçaient pas sur la demande d’outrage au tribunal.
En revanche, ils ont ordonné aux organes de sécurité de permettre aux habitants de Khirbet Zanuta qui ont fui le hameau de revenir dans les prochains jours.
« La police et l’armée doivent veiller en permanence et avec diligence à l’expulsion des intrus du village et des terres privées », a ajouté le tribunal, en référence aux attaques répétées des résidents d’implantations contre les villageois.
Lors d’une audience sur le recours en janvier, Amit avait accusé les organes de sécurité de ne rien faire pour appliquer la loi contre de telles attaques, et avait présenté des photos de résidents d’implantations à l’intérieur du hameau et dans les maisons pour prouver que la police et Tsahal ne protégeaient pas les villageois.
Autre aspect important de l’arrêt rendu lundi, la Cour a ordonné aux organes de sécurité et aux autres autorités de l’État d’autoriser les habitants à réparer leurs maisons.
Après le dépeuplement initial du hameau, de nombreux bâtiments, dont des maisons et une école construite par l’Union européenne (UE), ont été démolis ou gravement endommagés, vraisemblablement par les mêmes résidents d’implantations radicaux qui avaient contraint les habitants à partir en premier lieu.

Lorsque les villageois sont revenus, il leur a été interdit de réparer les dégâts, laissant leurs maisons inhabitables. Selon les requérants, cela constituait une violation de l’essence même de l’ordonnance initiale du tribunal.
La décision du tribunal selon laquelle les villageois doivent être autorisés à réparer les dégâts leur permettra probablement de s’installer à nouveau dans le hameau.
Dans son recours pour outrage au tribunal, Haqel a écrit que pendant les semaines où les habitants de Khirbet Zanuta ont tenté de rentrer chez eux à la suite de la décision de la Haute Cour, ils ont été « persécutés sans pitié par les colons et les défendeurs, et ont finalement été expulsés pour la deuxième fois ».
Le mémoire indique que « plus de 100 incidents de harcèlement ont été enregistrés » au cours des trois semaines qui se sont écoulées entre le retour des habitants au village et le second exode, « en temps réel et après coup », mais que la police n’a réagi à aucun d’entre eux.
Cinq grands juristes israéliens ont joint leur mémoire à la demande d’outrage au tribunal, affirmant que les actions de l’État, qui n’a pas protégé les habitants de Khirbet Zanuta, constituaient un transfert forcé en vertu du droit international, ce qui est un crime de guerre.
Khirbet Zanuta est situé dans la zone C de la Cisjordanie, où Israël exerce un contrôle total sur la sécurité et la vie civile. Les structures en pierre construites au fil des ans par ses habitants palestiniens sont illégales, car il n’existe pas de plan directeur de zonage pour le village, ce qui est extrêmement rare pour les Palestiniens d’obtenir de l’Administration civile, une agence du ministère de la Défense qui gère les questions civiles sur ce territoire.
Après des années de procédure devant la Haute Cour, l’État avait accepté en 2017 de ne pas appliquer les ordres de démolition émis à l’encontre des bâtiments de Khirbet Zanuta en attendant d’établir de nouveaux critères de planification.
Selon l’organisation israélienne de défense des droits de l’homme B’tselem, qui fait campagne contre les implantations, plusieurs générations d’habitants de Khirbet Zanuta ont vécu dans des grottes naturelles de la région au cours du 20ᵉ siècle, comme le font encore certains dans la région.

Ils avaient commencé à construire des maisons en pierre et des structures temporaires dans les années 1980, après que les grottes avaient commencé à s’effondrer pour des raisons naturelles, mais ils l’avaient fait sans obtenir de permis des autorités israéliennes.
En septembre dernier, quelques semaines seulement après la première décision de justice autorisant les habitants à retourner chez eux, l’Administration civile avait averti les villageois que leurs maisons seraient démolies avant le 1ᵉʳ octobre s’ils n’acceptaient pas le plan de relogement qu’elle avait proposé.
Les villageois ont présenté une autre proposition à l’Administration civile, qui n’a pas encore répondu.
Le chef du Conseil régional de Hébron, Eliram Azoulaï, a vivement critiqué la décision de lundi, affirmant qu’elle « encourageait la colonisation et la construction illégales », et a demandé au ministre de la Défense, Israel Katz, d’appliquer les ordres de démolition contre Khirbet Zanuta.