La refonte judiciaire nuira à la croissance, signalent 56 experts américains
Une lettre ouverte au Premier ministre - ses signataires incluent onze Prix Nobel - affirme que les réformes rapprocheront Israël de la Hongrie et de la Pologne

Plus de 50 économistes de premier plan travaillant dans des universités américaines ont signé une lettre ouverte, mercredi, adressée au Premier ministre Benjamin Netanyahu et mettant en garde ce dernier contre des tentatives d’affaiblissement du système judiciaire qui seront « néfastes » pour les perspectives de croissance économique d’Israël.
« Un système judiciaire fort et indépendant est déterminant pour l’équilibre des pouvoirs. Y porter atteinte ne sera pas seulement néfaste pour la démocratie mais aussi pour la prospérité économique et pour la croissance », affirme le courrier qui a été signé par 56 professeurs passés et actuels officiant dans les plus grandes universités américaines.
Le projet de refonte du ministre de la Justice Yariv Levin, qui est soutenu par Netanyahu actuellement jugé pour corruption, prévoit de restreindre de manière importante la capacité de la Haute-cour à invalider des lois et des décisions gouvernementales avec l’adoption d’une clause dite « dérogatoire » qui permettrait au Parlement de surseoir aux décisions de la Cour suprême avec un vote à la majorité simple de 61 députés. Ces propositions prévoient aussi de donner au gouvernement le contrôle total de la sélection des juges ; de faire disparaître la notion juridique du « caractère raisonnable » du code pénal israélien, une notion sur laquelle s’appuient les magistrats pour juger une législation ou une décision prise par la coalition et elles prévoient également que les ministres seront autorisés à nommer leurs propres conseillers juridiques au lieu de devoir faire appel à ceux qui opèrent sous les auspices du ministère de la Justice.
Le plan a suscité des critiques intenses et des avertissements de la part des plus éminents experts, ainsi que des manifestations massives et des pétitions publiques lancées par des officiels variés, des professionnels et des entreprises privées, qui ont tous averti que ces réformes porteront atteinte à la démocratie et à l’économie.
Onze prix Nobel ont signé la missive, dont Peter Diamond du MIT (Massachusetts Institute of Technology), Oliver Hart de Harvard, Paul Milgrom de Stanford et Edmund Phelps de Columbia.
Un autre signataire, Daniel Kahneman, professeur à l’université de Princeton, s’est opposé aux réformes judiciaires dès le début. Il avait ainsi confié à la Douzième chaîne, le mois dernier, que les propositions faites par le gouvernement l’inquiétaient davantage pour l’avenir du pays que cela n’avait été le cas de la guerre de Yom Kippour, en 1973.
« De mon point de vue, c’est presque la fin du monde », avait-il expliqué. « C’est la fin du pays tel que je le connais. »

Plusieurs signataires ont travaillé ou travaillent actuellement au MIT – l’institution où Netanyahu avait obtenu ses diplômes de licence et de maîtrise.
Luigi Zingales de l’université de Chicago a, lui aussi, apposé sa signature. Netanyahu lui avait rendu hommage dans le passé.
Les économistes ont affirmé que les propositions qui ont été annoncées, le mois dernier, par le gouvernement de Netanyahu « auront un effet négatif sur l’économie israélienne en affaiblissant l’état de droit et elles entraîneront donc Israël dans la direction de la Hongrie et de la Pologne ».
« Même si nous avons des points de vue variés sur la politique publique et sur les défis qu’Israël doit affronter, nos inquiétudes, ici, sont communes », ont-ils ajouté.

Mardi également, la Douzième chaîne a fait savoir que cinq entreprises « licorne » supplémentaires – des compagnies dont la valorisation dépasse le milliard de dollars – ont retiré des fonds significatifs de l’État juif suite aux pressions exercées par des investisseurs préoccupés. Les firmes n’ont pas fait d’annonce publique comme ont pu le faire, de leur côté, Wiz, Papaya Global, Verbit et Skai, qui ont tous annoncé, la semaine dernière, avoir pris leur décision au vu de la refonte judiciaire envisagée.
Ce sont sept milliards de dollars au total qui ont été retirés des banques israéliennes, a noté la chaîne.
La dernière série de firmes a procédé au retrait de 300 millions de dollars tout en décidant de ne pas concrétiser le transfert d’environ 600 millions de dollars qui devaient être déposés sur des comptes israéliens.

La Douzième chaîne a rendu public un échange de courriels provenant de l’une de ces firmes non-identifiées, dans laquelle cette dernière déclarait qu’elle allait effectuer un transfert de 30 millions de dollars supplémentaires depuis son compte israélien vers son compte suisse.